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19/12/2016

NUL N’EST PROPHÈTE AU 105 RUE HÉNON 69004 LYON

cet ami

au talent si prometteur

doit quitter momentanément la ville

pour d’obscures raisons familiales

le temps de son absence

il me demande de relever son courrier

ce que je fais

trois semaines durant

 

trois semaines durant

je ne sors de sa boite aux lettres

que des prospectus

et des factures

je croise ses voisins

qui me prennent pour lui

et se déclarent ravis de découvrir

quelle tête j’ai réellement

 

à son retour

mon ami me demande pourquoi je le regarde

d’un air si triste

je lui réponds

en l’interrogeant sur ses projets

il me parle de son roman en chantier

et du dernier jeu vidéo qu’il s’est procuré

nous poursuivons

en concevant deux crimes parfaits

chacun se charge de buter

l’ancien instit’ de l’autre

l’homme ou la femme

qui nous a appris à lire et à écrire

le pacte est conclu

d’une franche poignée de mains

 

F.Houdaer (in "NO PARKING NO BUSINESS")

  

 

12/12/2016

PREVIOUSLY

l’orage arrive

et je ne trouve rien d’autre à faire

que de me caser à la terrasse de ce café

juste en face d’un lycée

pas de n’importe quel lycée

celui où j’ai été si malheureux vingt ans plus tôt

cela sert aussi à ça un poème

à rappeler à quel point l’Éducation Nationale peut faire souffrir un gosse

à quel point on choisit parfois très mal sa terrasse de café

vingt ans plus tard

l’air est lourd

je sirote mon café à un mètre de la chaussée

je fixe le lycée en anticipant l’arrivée du maëlstrom

grâce à tous les capteurs disposés sur mon crâne redevenu nu avec le temps

et je n’attends

personne

le vent forcit

il est le seul à pousser sa plainte

je ne suis pas

ne suis plus

en train de me languir après une personne de l’autre sexe

des jeunes filles passent

les épaules trop hautes

une vieille les croise

dans une robe d’un violet électrique

la serveuse est apostrophée par un habitué du bar

t’as mis une perruque ?

elle pose son plateau pour lui répondre

c’est pas une perruque 

c’est juste des extensions

le gars contre-attaque

c’est ce que j’ai dit

on a l’impression que t’as DEUX cheveux comme ça

et le premier éclair déchire le ciel

 

F.Houdaer (in « NO PARKING NO BUSINESS »)

 

05/12/2016

ME NOYER DANS UN VERRE D’EAU (VIDE)

je suis tombé amoureux d’une pêcheuse

ma mère m’avait mis en garde contre les pécheresses

pas contre les pêcheuses

Diane n’est plus chasseresse

elle lit Jim Harrison et Brautigan

et attrape des truites dans le Jura

le plus souvent

elle libère ses prises

toutes sauf

moi

 

F.Houdaer (in « NO PARKING NO BUSINESS »)

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28/11/2016

GRANDE PREUVE DE COMPASSION À L’ÉGARD DU LECTEUR

je suis né à Paris

je ne m’en souviens pas

Paris non plus

depuis nous nous ignorons

 

autour de ma naissance

bruit un essaim d’anecdotes

comme un nuage de petites fées merdiques

 

F.Houdaer, in "ENGEANCES"

 

 

21/11/2016

DEDANS JUSQU'AU COU

cette amie m’annonce

qu’elle a signé 95 exemplaires de son livre

lors de ce salon

où j’ai cru mourir

d’ennui

cela se passait

cela se non-passait

sous un chapiteau

tout autour

la neige tombait

comme ratée

bien plus à l’état de flotte

qu’autre chose

et mon amie signait

95 livres

 

F.Houdaer ("ENGEANCES")

 

 

14/11/2016

FIVE MONTHS OF PEACE IS JUST WHAT I WANT

depuis qu’elle a vu shining

elle croit que tous les écrivains ont une vocation de concierge-gardien

elle me file les clés de son appart’

en son absence

j’en profite

fouille

trouve

l’album photo de ses ex

déniche

les bons feutres

pour affubler ces connards

qui de la mèche d’Hitler

qui d’un zob aux commissures des lèvres

puis

je me mets à la fenêtre

respire l’air du quartier bourge

où elle crèche

j’attends le bon moment

pour lâcher un mollard

quinze étages plus bas

 

F.Houdaer ("ENGEANCES")

 

11/11/2016

RIEN DE TROP

voilà quarante-quatre ans que je

que je quoi ?

que je respire à mon insu de mon plein gré ?

que je cherche où j’ai pu garer ma voiture

que je circomnambule tant que je veux

puisque j’aime ce verbe

à défaut d’avoir toujours su l’écrire

avec la bonne orthographe ?

que je retrouve ma mémoire

de piéton

en enjambant 999 des mille merdes

qui balisent mon parcours ?

voilà quarante-quatre ans

que je touche du bois

en le trouvant la plupart du temps

étonnamment tendre

malgré la signification de mon nom

voilà quarante-quatre ans que je transporte une vessie pleine

dans le froid

que je lis les bons auteurs

et croque les bons agrumes

pour traverser l’hiver

un hiver parfois sec et lumineux

un hiver qui vaut parfois tous les étés

voilà quarante-quatre ans que j’enchaîne les trips

pour peu voyager au final

voilà quarante-quatre ans que je lis mon monde

voilà quarante-quatre ans que je foule la même planète

que Leonard Cohen

et je ne veux pas

qu’il parte avant moi

 

F.Houdaer ("NO PARKING NO BUSINESS")

 

 

07/11/2016

LE SPIRITISME (pour les NULS)

 

quand je surprends mon chien la truffe en l’air

je suis fier de l’avoir nommé Kardec

il reste là

immobile

à sentir l’anus d’un animal fantôme

que je finis par entrapercevoir

à force de non-attention

 

F.Houdaer ("ENGEANCES")

31/10/2016

GUILLEVIC ET LES ZOMBIS

Guillevic a posé son carnet sur le capot

de son pick-up en panne

le poème vient

ce n’est pas le moment

ce n’est ni le moment de tomber en panne

ni celui de torcher un haïku

c’est ce que lui hurlent les crétins dans le véhicule

il y a là Guillaume Musso

Marc Lévy et Paolo Coelho

qui se font sous eux

tellement ils ont la trouille

Guillevic allume sa pipe

il ne va pas le lâcher

son poème

il aura le temps de poser le point final

avant que les zombies ne les aient rejoints

 

 

BONUS DVD !!!

 

un zombie plus crade que les autres

s’approche de lui en rampant

c’est Aragon

Guillevic le vise soigneusement avec sa carabine

lui explose la tête

puis lui crache

ça t’apprendra à m’avoir fait écrire de mauvais poèmes

entre 51 et 58 !