16/01/2017
L’INVITATION
chez lui
l’ordre régnait
sitôt entré j’ai repéré
sur la table basse de son salon
mes différents ouvrages
alignés
tous fendus par le milieu d’un signet beige
il me les a montrés du doigt
comme s’il ne les avait pas suffisamment mis en évidence
il m’a invité à m’asseoir
m’a demandé si je voulais boire quelque chose
je lui ai demandé ce qu’il avait
il m’a répondu
que du Perrier
c’était parfait
j’aimais l’eau et les bulles
il ne s’est pas levé tout de suite
il avait autre chose à me demander
acceptais-je d’écouter quelques uns de ses propres textes ?
j’ai acquiescé
et il s’est mis en mouvement
il s’est redressé
a quitté la pièce
est revenu avec une pochette jaune sous le bras
épaisse
mes textes
j’avais soif
je lui ai rappelé mon
notre Perrier
il a souri
est allé chercher deux verres et la bouteille
mais il ne nous a pas servi
il a tout de suite commencé à lire un premier texte
long
au troisième j’ai décidé de remplir moi-même mon verre
j’étais venu chez lui
pour que l’on parle du projet qui se montait
dans la bibliothèque où il travaillait
aux dernières nouvelles il avait réussi à convaincre ses collègues
et sa directrice
de lâcher un mini budget pour une double lecture poétique
j’allais partager le micro avec Machin
un poète qui
à défaut de me bouleverser
m’inspirait un certain respect
où en était ce projet ?
le fonctionnement d’une bibliothèque municipale
ressemblait parfois à une usine à gaz
la décision finale avait-elle été prise ?
une date décidée pour de bon ?
j’ai senti un malaise chez mon hôte
il m’a demandé si je voulais boire autre chose
je lui ai rappelé qu’il n’avait que du Perrier
selon ses propres dires
j’attendais la suite
j’ai fait une erreur
à ces mots j’ai su que c’était mort
j’ai voulu le contredire
lui dire qu’il avait fait de son mieux quand
sa précision est tombée
j’ai viré Machin du programme
je l’ai remplacé
je n’ai pas osé demander par qui ?
il s’est resservi en Perrier
a vidé la bouteille
mes collègues ne l’ont pas bien pris
je te dis les choses honnêtement
ils n’ont pas supporté que je veuille lire mes textes
à tes côtés
pour eux je suis l’un des leurs
pas un poète
je n’ai pas le droit de me positionner comme poète
sur mon lieu de travail
j’ai voulu forcer un peu leur décision
ils se sont braqués
ils ont tout annulé
le consoler ?
j’ai pensé au café qui se trouvait en bas de chez lui
et si on y descendait pour se changer les idées ?
il a prononcé une réponse inaudible
devant mon absence de réaction
il l’a répétée
parfois on croit bien faire
F.Houdaer
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