06/07/2020
PASOLINI SUR FOND D’ENNIO MORRICONE
d’un coffre rudimentaire
on sort d’extraordinaires pelisses
le générique est long
voiture des années 70
une Fiat blanche
dans le fossé
un homme blessé
supplie une femme plus jeune que lui
prête à décamper
percussions dans l’air et
rongeurs écorchés
pendus tête en bas
aux branches des arbres rachitiques
percussions deviennent
bruits de cloches
un prêtre séduisant est contraint de gravir des marches
les yeux bandés
une vieille aristo
reste cachée derrière son fauteuil
intérieur extérieur
un enfant enterre
une escalope d’homme
sous le regard impassible de Maria Callas
qui finit par prononcer quelques mots d’italien
mal doublés
tandis que des villageois masqués
courent dans la garrigue
ça n’a aucune chance de bien finir
une femme démêle
une épaisse pelote de laine écarlate
c’est comme si elle jouait avec de la barbaque
des chiens et des chasseurs traquent une mariée
jusqu’à une église de western spaghetti
et cette scène semble moins violente que la précédente
la mariée en fuite
décapite un homme au passage
la tête retrouvée dans le désert
arrêtera la meute
la freinera à tout le moins
puis ce sera un bras
une jambe
à chaque fois
le morceau sera récupéré avec soin
par les poursuivants
qui l’envelopperont dans une étoffe
tandis que la fugitive
gagnera le temps nécessaire
pour sauver sa vie
enfin c’est ce qu’elle croit
Pasolini a beau préférer les hommes
il sait que ce ne sont pas eux qui comptent le plus
message reçu cinq sur cinq
mon gars
une brune devient blonde
une blonde devient brune
une rousse se rase le crâne
une femme reste femme
pour pencher sa tête hors du lit
et zoom sur la main qui ramasse la rose tombée au sol
une sarabande d’étudiants joués par des acteurs trop âgés
passe devant la caméra
ce n’est plus du Pasolini me dit-on
qu’importe
Pasolini je le place où il me sied
et si je le veux polonais
il le sera
Frédérick Houdaer
(texte publié dans l'anthologie "Un printemps sans vie brûle" aux Editions La Passe du Vent)
11:28 Publié dans a.2) MES TEXTES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pier paolo pasolini, pasolini, ennio morricone, morricone, i ragazzi giu nel campo, daniela davoli
28/06/2020
Extrait du festival "Faim !"...
... Session du 7 juin.
06:07 Publié dans a.2) MES TEXTES | Lien permanent | Commentaires (0)
23/06/2020
La peur loin derrière
(à Léonard D.)
l’enfant va bien
très bien même
il parle
à sa manière d’enfant qui apprend à parler
d’enfant qui a traversé des périls récemment
il parle à sa manière
d’enfant qui est passé à autre chose
mais veut absolument
résolument
me décrire le ballon perché sur la bibliothèque
hier l’important c’était de
survivre
aujourd’hui l’essentiel est de me pointer ce ballon
et que celui-ci ne vienne pas à chuter
sur le chat qui dort juste en-dessous
que je comprenne bien l’importance de cette triade
ballon-bibliothèque-chat
le reste
tout le reste
c’est moi qui dramatisais
et qui loupais le cœur des choses
que l’enfant s’échine à me faire redécouvrir
il ne s’impatiente pas avec moi
alors qu’il y a de quoi
il se découvre des trésors de patience
en même temps que ses premiers mots
aucun de nous deux
ne contrôle son propre cerveau
chacun se laisse
surprendre
04:36 Publié dans a.2) MES TEXTES | Lien permanent | Commentaires (2)
18/06/2020
Douzième mois de confinement
après manger
elle a secoué les serviettes sur le rebord de sa fenêtre
les miettes de pain ont chuté
avant de rester suspendues dans les airs
retenues dans une toile d’araignée
c’était spectaculaire
elle s’est demandée si cela attirerait encore plus les oiseaux
ou les effraierait
puis elle a refermé la fenêtre
et tiré le rideau
à la radio
une voix androgyne s’occupait à
théoriser les différents sous-genres
de la comédie musicale
afin d’y voir plus clair
(extrait d’un recueil à paraître)
05:35 Publié dans a.2) MES TEXTES | Lien permanent | Commentaires (0)
08/06/2020
Efforts facebookiens
- Et là, pour ma nouvelle photo de profil, j'ai essayé le filtre "yeux de biche" avec l'effet "mèche de Bruno Doucey"...
- Oui...
- Et puis torse nu, aussi… C'est important, le torse nu, quand c'est encore jouable à quarante ans...
- Très bien, oui...
- Et bien, tu sais quoi… Ca a rien changé. RIEN. Mon dernier texte a tourné à cinq lïkes, comme d'hab'. Mais qu'est-ce qu'il leur faut, QU'EST-CE QU'IL LEUR FAUT ?!
- Tu devrais pas...
- Je sais, tout ça c'est dans ma tête.
- Et à part ça, ta femme, tes gosses ? Ils te l'ont rendu, ton bureau ? C'est important, un bureau. Même pour pleurer...
13:37 Publié dans a.2) MES TEXTES, Compile Face-Bouquienne | Lien permanent | Commentaires (1)
01/06/2020
CARTE POSTALE PRÉ-REMPLIE
sous un ciel d’un bleu parfait
ma terrasse & mon double café
buvable
face à moi
ma fille plongée dans son nouveau cahier de vacances
je mate le corbillard
les vêtus de noir
qui animent le parvis de l’église un peu plus loin
à la table d’à côté
des femmes parlent du contrôle technique de leur voiture
elles s’y connaissent visiblement plus que moi
sous mon coude
un recueil d’Apollinaire décevant
Guillaume m’aura tout fait
F.Houdaer
(extrait d'un recueil à paraître)
04:22 Publié dans a.2) MES TEXTES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : apollinaire
18/05/2020
L'invitation
Chez lui, l’ordre régnait. Sitôt entrée, j’ai repéré, sur la table basse de son salon, mes différents ouvrages alignés. Tous fendus par le milieu d’un signet beige. Il me les a montrés du doigt, comme s’il ne les avait pas suffisamment mis en évidence. Il m’a invitée à m’asseoir, m’a demandé si je voulais boire quelque chose pour accompagner les quelques bretzels qu’il avait disposés au fond d’un bol. Je lui ai demandé ce qu’il avait.
– Que du Perrier.
C’était parfait, j’aimais l’eau et les bulles.
Il ne s’est pas levé tout de suite, il avait autre chose à me demander. Acceptais-je d’écouter quelques uns de ses propres textes ?
J’ai acquiescé et pris un bretzel. Mon hôte s’est mis en mouvement. Il s’est redressé, a quitté la pièce, est revenu avec une pochette jaune sous le bras. Épaisse.
– Mes textes
J’avais soif. Le stick salé avait irrité le fond de ma gorge. Je lui ai rappelé mon / notre Perrier. Il a souri, est allé chercher deux verres et la bouteille mais il ne nous a pas servis. Il a tout de suite commencé à lire un premier texte. Long. Au troisième, j’ai décidé de remplir moi-même mon verre.
J’étais venue chez lui pour que l’on parle du projet qui se montait dans la bibliothèque où il travaillait. Aux dernières nouvelles, il avait réussi à convaincre ses collègues et sa directrice de lâcher un mini budget pour une double lecture poétique. J’allais partager le micro avec Machin, un poète qui, à défaut de me bouleverser, m’inspirait un certain respect. Où en était ce projet ?
Le fonctionnement d’une bibliothèque municipale ressemblait parfois à une usine à gaz. La décision finale avait-elle été prise ? Une date décidée pour de bon ?
J’ai senti un malaise chez mon hôte. Je me suis mise à tousser. Toujours ce fichu bretzel. Il m’a demandé si je voulais boire autre chose, je lui ai rappelé qu’il n’avait que du Perrier. J’attendais la suite
– J’ai fait une erreur.
À ces mots, j’ai su que c’était mort. J’ai voulu le contredire, lui dire qu’il avait fait de son mieux quand sa précision est tombée.
– J’ai viré Machin du programme, je l’ai remplacé.
Je n’ai pas osé demander par qui ? Il s’est resservi en Perrier, a vidé la bouteille.
– Mes collègues ne l’ont pas bien pris. Je vous dis les choses honnêtement, ma chère, ils n’ont pas supporté que je veuille lire mes textes à vos côtés. Pour eux, je ne suis que l’un des leurs, pas un poète. Je n’ai pas le droit de me positionner comme poète sur mon lieu de travail. J’ai voulu forcer un peu leur décision, ils se sont braqués. Ils ont tout annulé.
Le consoler ? J’ai pensé au café qui se trouvait en bas de chez lui. Et si on y descendait pour se changer les idées ?
Il a prononcé une réponse inaudible. Devant mon absence de réaction, il l’a répétée…
– Parfois, on croit bien faire.
… puis il m’a proposé de finir les bretzels avant de quitter les lieux.
F.Houdaer
04:10 Publié dans a.2) MES TEXTES | Lien permanent | Commentaires (0)
12/05/2020
"...longtemps fait partie..."
Il y a ceux qui ne voient qu’une partie, qu’une toute petite partie du spectre. Et ceux-là en voient rarement, des spectres.
J’ai longtemps fait partie de cette catégorie d’individus. Puis, peu à peu, quelque chose s’est ouvert. Cela avait sûrement à voir avec mes premiers bricolages tardifs en poésie. Je me suis rendu compte que mon calendrier, dans son entièreté, était faux. J’ai écrit un recueil qui parlait de ça : des mensonges des dates et des heures… des murs que l’on nie puis que l’on traverse… des cloisons entre les morts et les vivants qui ne sont jamais étanches. J’ai appris à manier quelques outils aussi discrets qu’efficaces. J’ai surmonté ma répugnance vis-à-vis de toute méthode, bref… j’ai donné dans la magie. Grise.
J’ai gravi, j’ai cru gravir une marche. C’était une marche à la con. Je ne devrais pas la qualifier ainsi ; elle m’a permis de hausser mon point de vue de quelques centimètres, d’élargir mon champ de vision… mais le piège – encore un – était bel et bien réel. Comme disait l’Autre : laissez les morts enterrer leurs morts.
Maintenant ? J’ai rendez-vous avec quelques vivants. Nous avons un dessin en commun à tracer. Chacun amènera ses feutres.
F.Houdaer
04:51 Publié dans a.2) MES TEXTES | Lien permanent | Commentaires (0)
05/05/2020
Un peu de V.H.S. dans les oreilles...
– Non, mais… Parce que tes références musicales, là, elles sont un peu-beaucoup datées…
– Bien sûr. C’est un peu-beaucoup comme ce que j’écris, en ce moment.
– Comment tu peux en être aussi sûr ?
– Parce que j’y travaille.
04:38 Publié dans a.2) MES TEXTES, oreillettes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : iggy pop, cry for love






















