03/05/2015
POÈME DATÉ
la librairie ferme ses portes
définitivement
elle baisse le rideau
juste avant le passage à l’euro
la lettre que j’ai reçue
l’annonce
et m’invite
ainsi que tous les amis de la librairie
à un pot d’adieu
j’y vais
je tire une gueule de six pieds de long
il se passe des choses plus graves
dans le monde
qu’une librairie qui ferme
me dit-on
des choses plus graves
où ça ?
je demande
dans le monde
en Afghanistan ou à New-York
me dit-on
et il est vrai que les décombres du World Trade Center
n’ont pas fini d’être déblayés
New-York justement
le bar où je me réfugie s’appelle Le New-York
il jouxte la librairie
je commande un café
avec de nombreux sucres
pour me plâtrer le ventre
à la table d’à côté
rêve à voix haute
un autre ami de la librairie
il me parle du trésor qui s’y cache
il me parle des milliers de livres enfouis dans les soutes du magasin
quand le libraire a commencé son métier
il y a quarante ans
il ne faisait aucun retour
il ne connaissait pas cette pratique
il a tout conservé
le gars a lui-même du mal à croire en ce qu’il me dit
tu imagines le stock ?
le dépôt ?
la braderie qui va avoir lieu ?
la liquidation totale ?
- 80% sur tous les ouvrages parus chez Bourgois
- 90% sur les Cahiers de l’Herne
- 100% sur les Céline dans la Pléiade
pour un tome acheté
cinquante Folio ou 10/18 d’offerts
je vois des personnalités locales
entrer et sortir de la librairie
en nombre
j’en vois des que je ne porte pas dans mon cœur
des que je n’imaginais pas aimer les livres
me prend tout à coup
l’envie d’aller à la piscine
Frédérick Houdaer, in "ANGIOMES"
17:17 Publié dans a.2) MES TEXTES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : angiomes
12/04/2015
Vrac de vrac # 28
Quelques textes de moi et (surtout) des articles intéressants à lire sur le site du GRAIN DE SEL (le journal des communistes de la Croix-Rousse).
Autrement, cette semaine... Ce jeudi par exemple, si vous voulez vérifier que mon accent italien est meilleur que mon accent anglais (pas difficile)...
Et ce dimanche surtout, immanquable (et toujours gratuit) :
En résumé :
17:41 Publié dans a.2) MES TEXTES, a.5) ANIMATEUR DU CABARET POETIQUE, où je zieute des images qui bougent, planches | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : les ailes du désir, wim wenders, le grain de sel, le journal des communistes de la croix-rousse, cabaret poétique, gilles farcet, poésie italienne, claire rengade, katia bouchoueva, alain fisette, korova bar
19/01/2015
ÉLOGE DU TERRORISME ?
je me suis laissé pousser des cornes
la veille au soir
pour affronter mon rival
sauf qu’au moment de lui rentrer dedans
je m’aperçois que j’ai changé de sexe
et je mets les pouces
avant de grimper dans le premier train
pour m’éloigner du conflit
erreur
dans la rame où j’ai embarqué
les gens se parlent mal
très mal
la cause de leur énervement
est-ce
ce contrôle des bagages
un peu poussé
auquel nous avons été soumis
dès la gare
à croire que nous nous apprêtions
à prendre l’avion ?
toujours est-il qu’à présent
devant moi
le ton monte
entre une mamie et son voisin
un peu plus loin
deux jeunes femmes font hurler
une famille entière
en dressant une barricade de bagages
le contrôleur est là
mais il ne peut intervenir
occupé qu’il est avec un type écarlate
tout ce petit monde ne se calme
qu’à la vue de mes cornes
F.Houdaer, extrait d'un recueil à paraître aux Carnets du Dessert de Lune
08:36 Publié dans a.2) MES TEXTES | Lien permanent | Commentaires (0)
21/12/2014
21 DÉCEMBRE
je ne sais même pas où j’ai joui en elle
quel orifice j’ai fini par trouver
après l’avoir retournée à plusieurs reprises
pour finir par la plaquer allongée sur le ventre
il faisait tellement noir
elle était étroite autour de moi
avais-je explosé dans son cul
j’ai rallumé la lampe
pour attraper ce bouquin que je voulais finir de lire
oui
c’est ce que j’ai trouvé de mieux à faire
à cet instant
ce livre d’entretiens avec Guillevic
c’était tout de même quelque chose
on ne risquait pas d’y trouver
les âneries d’un Freud sur les poètes et la poésie
qu’elle s’était flattée de
me faire découvrir au début de notre relation
elle m’a demandé ce qui se passait
elle m’a montré l’heure au radio-réveil
et s’est inquiétée qu’il fasse encore nuit
j’ai souri
encore une personne toute d’intelligence
qui ignorait superbement
le solstice d’hiver
et doutait que de cette nuit-là
le soleil ressorte
invaincu
extrait de mon recueil à paraître aux éditions Les Carnets du Dessert de Lune
Quelques solstices vus par d'autres poètes ?
00:38 Publié dans a.2) MES TEXTES | Lien permanent | Commentaires (0)
03/12/2014
TRI SÉLECTIF
le supplément littéraire d’un fameux journal
déborde de la poubelle de mon immeuble
je l’y laisse
remonte sur mon palier où
ma voisine enseignante
m’invite à récupérer
ce qu’elle vient de jeter
avec un clin d’œil
vous voyez
je pense à vous
"Engeances", éd. La Passe du Vent
05:19 Publié dans a.2) MES TEXTES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : engeances
09/11/2014
C’EST CELUI QUI DIT QUI
je demande peu de choses à mes frères
je leur demande beaucoup
je leur demande tout
mais pas ce qu’ils s’imaginent
de l’imagination de toute façon
ils en ont peu
et le peu qu’ils ont
ils ne savent s’en servir
que pour réduire leur monde
je demande peu de choses à mes frères
mais je connais le rôle infiniment précieux
infiniment terrible
qui est le leur
dans ma vie
une fois qu’ils l’ont rempli
sans même s’en être rendus compte
je n’ai plus qu’à aller courir dans mon quartier
de façon à dessiner de drôles de figures au milieu des immeubles
à tenter des trajectoires capables de changer la ville
le monde
et le fond de mon cœur
et ce qui le ronge trop facilement
Extrait de "FIRE NOTICE".
Le commander ? ICI (commande papier) ou Là (commande par internet)
En savoir plus ? Cette notule...
18:10 Publié dans a.2) MES TEXTES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : fire notice
21/10/2014
POUR L’ANECDOTE
à quinze ans
grâce à mon premier job
formidablement pénible
je me suis offert les services
du seul prof digne de ce nom
que j’ai connu dans mon adolescence
une machine
un magnétoscope
je me suis passé
« Massacre à la tronçonneuse »
et
« Le journal d’un curé de campagne »
dans la même journée
aujourd’hui
j’écris de la poésie
09:15 Publié dans a.2) MES TEXTES | Lien permanent | Commentaires (0)
09/10/2014
ÉLOGE DU CAPITALISME
ÉLOGE DU CAPITALISME
(à Jérôme Leroy)
quand nos filles seront toutes des putes
quand elles vendront toutes leurs petites culottes sales
sur Internet
au plus offrant
cela fera toujours moins de lessive à faire
pour leurs parents
extrait d'un recueil à paraître aux Editions Les Carnets du Dessert de Lune
08:05 Publié dans a.2) MES TEXTES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jérôme leroy
10/09/2014
POURQUOI ELLE ?
je comptais beaucoup
sur le film que nous allions voir ensemble
pour la fragiliser
j’espérais ne faire qu’une bouchée d’elle
à la sortie du cinéma
la toile ?
on la disait commise par un disciple de Jodorowsky
et de Zulawski
on en parlait comme du film le plus dérangé
et le plus dérangeant
de toute l’histoire du septième art
las
quand nous avons retrouvé la lumière du jour
sur le trottoir
nous avons lu
chacun dans le regard de l’autre
l’ennui qui nous avait travaillé deux heures durant
et maintenant ?
elle attendait visiblement à ce que je fasse
quelque chose
pour sauver la situation
et l’après-midi
et nos vies
j’ai regardé son visage
bronzé comme il ne l’avait jamais été
cela ne me plaisait pas
je savais qu’elle n’avait pas gagné son hâle sur une plage
mais dans son jardin
elle se vantait de mener une vie parallèle de paysanne
mais s’il y avait bien une pensée que
pour rien au monde
je n’aurais avouée
c’était que j’étais prêt à m’encalminer à la campagne
pour la voir chaque jour
s’agenouiller dans la terre
même si l’aventure devait avoir un coût exorbitant
même si cela devait finir dans le sang
du sang nous venions d’en voir plein l’écran
aucun de nous n’en avait été effarouché
F.Houdaer, extrait d'un recueil à paraître aux Carnets du Dessert de Lune
15:32 Publié dans a.2) MES TEXTES | Lien permanent | Commentaires (0)