UA-136760349-1

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

21/03/2006

Fantaisie urbaine (et inédite)

Printemps. Et pluie sur Thonon-les-bains où je co-anime un atelier en compagnie du musicien Stéphane Lam (« irrésumable », tel est l’adjectif qui lui conviendrait le mieux).

Le portable contre mon oreille, sur le bord d’un lac qui a enfin décidé à se montrer après un épisode nocturne et un autre brouillardeux, j’apprends la fin de mon aventure avec Lyon-Capitale. Il me reste quatre « Fantaisies urbaines » sur les bras. Je vous livre celle-ci :

PLACARD SEDITIEUX

Quand le lyonnais Henri Béraud (prix Goncourt en 1922, condamné au bagne vingt-trois ans plus tard) s’est baladé Place Bellecour pour écrire sa « Promenade autour du cheval de bronze », il n’a guère évoqué le Mac Do où je rédige ces lignes. On lui pardonnera cet oubli.

Dans ce lieu saturé de graisse et de sucre, borné WIFI jusque dans les toilettes, je me livre à la moins branchée des activités. Je me fais du bien. Je bouquine quelques travaux d’historiens, en parfait autodidacte. Je complète ma cartouchière, tandis qu’au dehors croissent l’arrogance des puissants et le ressentiment des sans-grades. Je finis mon menu XL en apprenant qu’à la Libération, chaque lyonnais avait perdu en moyenne dix kilos. Je découvre qu’à d’autres époques fleurissaient sur les murs de Lyon des « placards séditieux » signés « Le Povre » (sic). Je note ce genre de détails, m’amuse à lister ceux de mes contemporains qui mériteraient de se prendre ce genre de placard en pleine figure.

Je vais débarrasser mon plateau, retourne à ma place, à ma lecture et à mes « joyeurs d’espée ». J’apprends qu’en 1909 un des employés de l’usine Berliet de Monplaisir s’appelait Jules Bonnot. J’espère qu’à SEB, quelqu’un lira ces lignes.

Mes voisines de table causent de la grippe aviaire et de l’Ain tout en dévorant leurs chicken nuggets. Je continue de me piquer avec la plume de quelques érudits.

Jean Butin(1) a fait un énorme travail pour moi. Il a constaté que, sur les centaines de rues lyonnaises, quatorze d’entre elles perpétuent le souvenir d’une femme. Pas vingt, pas quinze, quatorze ! « 3 religieuses, 6 bienfaitrices, 3 résistantes, une aviatrice, et… Juliette Récamier ». Gageons qu’avec une Ségolène Royal en tête des sondages, les Collombophiles rééquilibreront la balance (mais que l’on ne compte pas sur eux pour donner à une rue le nom de l’écrivain mentionné en début de cette Fantaisie).

L’ami Gnafr’ me rejoint, les doigts pleins de ketchup lors même qu’il n’a pas attaqué son Big Mac. Il me tient un discours que je résumerai d’un « Pas de Vélo’v pour la banlieue, bien fait pour vos gueules les pauvres ». Contrairement à lui, je doute que la frustration occasionnée provoque une nouvelle « Grande Rebeyne » (du nom de l’un des plus importants soulèvements populaires qu’ait connu la ville).

Gnafr’ me tend un exemplaire du Progrès. À l’intérieur, une interview de Gérard Collomb où il est dit qu’il se Pradélise sans que cela fasse sourciller l’intéressé. Gérard tient plutôt la forme. Philippe Muray est mort. Lyon-Capitale vient de sauver sa peau. La roue tourne. Nous vivons à une époque où les duels sont interdits et les menus XXL autorisés. Préparons-nous à une grande opération de « Vivre ensemble ». 

(1) « Ces lyonnaises qui ont marqué leur temps », éditions ELAH

02/03/2006

ATELIÉ D’ÈKRITUR (2)

dans le blockhaus

les profs se teignent

les cheveux

en rouge

elles en éclaboussent

les copies

qu’elles corrigent

les élèves se rongent

les ongles

mordent

leurs stylos

lèvent

un doigt

jusqu’à leur nez

lisent

le journal

gratuit

ne lisent pas

les manuels

scolaires

ne lisent pas

tout court

28/02/2006

CERTITUDES ? (atelier d'écriture 1)

je suis debout

ils sont assis

c’est moi l’écrivain

mais c’est eux qui écrivent

c’est eux qui se perdent

au pays de Neverland

m’entendent-ils citer

Rimbaud

Flaubert

Bruce Lee ?

m’entendent-ils trop parler ?

est-ce que je les gêne

à marcher de long en large

à les inviter à ceci

à les mettre en garde contre cela 

à prétendre sentir la pente de leur écriture

malgré ma sinusite chronique ?

est-ce que ma voix

mon corps

les gênent pour écrire ?

est-ce l’inverse qui se produit ?

est-ce le fait qu’ils écrivent

qui m’anime ?

je ne verrai pas la fin de tout cela

personne ne la verra

le guidon nous sort de la tête

et nous chargeons sur une route

avec laquelle nous finissons

par nous confondre

25/01/2006

TRIOMPHE INTIME

nous posons pour un peintre 

dont l’atelier disparaîtra dans un incendie

pour un photographe qui a oublié

de charger son appareil

pour un voyeur amnésique

pour une caméra reliée

à un centre de contrôle

où tout le monde

même le chien

fait la sieste

15:15 Publié dans a.2) MES TEXTES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie

16/09/2005

2005

c’est l’année du coq

 

je n’y peux rien

 

c’est mon année

 

qu’on se le dise

 

qu’on le colporte

 

jusqu’à ce que l’information me revienne

 

aux oreilles

28/05/2005

Samedi 28 mai

magie pas perdue pour tout le monde

vengeance encore tiède

train qui arrive à l’heure

pour l’homme sans montre

mais qui l’emmène

dans la mauvaise direction

j’écris cela

est-ce que je prétends

connaître

la bonne direction

pour qui que ce soit ?

22:30 Publié dans a.2) MES TEXTES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie

27/05/2005

Vendredi 27 mai

mon éditeur mange du chorizo

mon éditeur est aussi un poète

comme moi

il fait avec son corps

avec sa voix

comme moi

il lui arrive de bien se débrouiller

comme moi

il s’en sort parfois d’extrême justesse

je nous souhaite de faire

de vieux os

lui

continue de frayer avec

les fantômes des « morts trop jeunes »

qu’il les chasse 

ou qu’il relise plus attentivement

les manuels

Lautréamont n’est pas mort à 27 ans

mais à 77

Rimbaud n’est pas mort à 37 ans

mais à 70

et tous deux étaient chinois

pour ne prendre que leur exemple

je crois avoir convaincu mon éditeur

quand je le vois brûler ses papiers

d’identité

jeter sa montre

son portable

tout ce qui l’obligeait à porter

le fardeau de l’heure

le mensonge des dates

mon éditeur va faire de vieux os

moi aussi

14/05/2005

FRANCK EINSTEIN

on raconte quantité de choses

sur le compte du fils Einstein

on dit qu’il est devenu fou

qu’il n’a pas supporté d’être le rejeton

d’un génie qui savait tirer

une langue de berger allemand

on exagère

Franck

je l’ai rencontré

son épaule droite était un Lego rouge

d’une belle dimension

sa tête ressemblait à

celle d’un Big Jim décapité

après qu’on lui ait fait jouer

le rôle de Louis XVI

un magnifique contre-emploi

sur sa tête

trônait le scalp renversé d’un Playmobil

comme une petite couronne

le fils Einstein était d’un commerce

agréable

mais sans plus

il était aussi

partiellement articulé

sans vouloir me montrer méchant

je dois bien reconnaître

qu’il n’avait pas inventé

le fil à couper le beurre

 

on raconte quantité de choses

sur le compte des fils de Gandhi

et caetera

12/05/2005

SOIRÉE TÉLÉ (« Le loup-garou de Paris »)

e8c130e3cd5889056c1a2dee215a8c9c.jpg

j’écris ces phrases

pendant que mes amis rigolent grassement

devant la télé où

Julie Delpy se transforme en loup-garou

c’est bien dommage

ce joli corps qui se couvre de poils

les ongles qui s’allongent à vue d’œil

ne me dérangent pas

mais les poils qui émergent

de cette poitrine si gracieuse

comme si elle était transpercée

de fils de fer

non vraiment

cela me donne plus envie

de pleurer que de rire

je me contiens

je suis un homme qui passe la soirée

au milieu d’autres hommes

l’un d’eux cherche à me rassurer

Julie Delpy a trouvé là

un vrai rôle de composition

me dit-il

personnellement

j’aurais préféré la voir

dans la peau de Mata-Hari

plutôt que dans celle d’un loup-garou

 

le film de ce soir est censé se dérouler

à Paris

à voir la façon dont l’on nous cache

la nudité de l’actrice

il est américain

 

Julie exceptée

c’est mon poème

j’ai le droit de l’appeler Julie

Julie exceptée disais-je

il n’y a pas un acteur pour sauver l’autre

dans ce film

et ceux qui les doublent en français

ne sont guère meilleurs

aussi

je donne raison à Julie de se transformer

en monstre pour

bouffer tout ce petit monde parisien

j’ai fait plusieurs salons du livre

porte de Versailles

et des loups-garous

j’en ai croisé quelques uns

mais mon témoignage

n’est pas pour intéresser mes amis

7a2e345bf92dfe8d3246840e32368f76.jpg