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05/09/2006

R de jeu

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ÈRE DE JEUX

 

 

square

 

square

 

square

 

gratter la terre là où elle n’existe plus

 

mais ça ne fait rien

 

on finit toujours par dénicher quelque chose

 

alors on gratte

 

avec le seau plus qu’avec le râteau

 

on ne tient pas à avoir le sens pratique trop développé

 

trop tôt

 

les outils sont recouverts de motifs rigolos

 

cela n’empêche personne

 

de s’appliquer à la tâche

 

on gratte fouille creuse

 

et on trouve

 

on trouve à ramasser des cailloux

 

jusque dans les endroits les plus incongrus

 

sous les semelles des parents

 

ou dans la serrure du portillon par exemple

 

on ne porte pas les cailloux à la bouche

 

surtout pas

 

on a passé l’âge de faire des frayeurs faciles aux grandes personnes

 

on voit plus loin

 

on échafaude

 

on “ tire des plans sur la comète ”

 

on ne sait pas très bien ce que signifie cette expression

 

on l’a entendue la veille

 

on l’a trouvée chouette

 

on l’a prise

 

 

square

 

square

 

square

 

on garde les cailloux prisonniers dans son poing gauche

 

pourquoi le gauche ?

 

parce que c’est le poing le plus méchant

 

on le sait

 

on n’a pas eu besoin d’une grande personne

 

pour l’apprendre

 

on escalade le petit muret d’une seule main

 

on se cramponne au grillage branlant

 

là encore d’une seule main

 

on jette les cailloux de l’autre côté

 

où ?

 

de l’autre côté

 

 

square

 

square

 

square

 

on grimpe sur l’avion-balançoire

 

monté très haut sur ressort

 

en l’attaquant par le flanc droit

 

parce que c’est plus facile de l’escalader de ce côté là

 

une fois qu’on est installé à ses commandes

 

on se jette dans les orages

 

dans des cyclones qui ne portent pas de nom

 

c’est à ce genre de détail

 

qu’on reconnaît les cyclones les plus violents

 

on pourrait apprendre ces choses aux grandes personnes

 

mais on n’en a pas l’envie

 

 

square

 

square

 

square

 

la convoitise nous fait redescendre sur terre

 

on veut le ballon de l’autre

 

on ne peut pas le chiper au vu et au su de tous

 

avant on pouvait

 

plus maintenant

 

on veut se faire bien voir

 

corriger son image

 

on ramasse un biberon tombé

 

la tétine la première

 

on reçoit des félicitations

 

on en profite

 

on vient de créer son association

 

alors on demande des subventions

 

quand on les obtient

 

c’est bien

 

quand on se les voit refusées

 

ça ne va pas

 

on commence à se faire des cheveux blancs

 

puis plein d’autres maladies

 

 

square

 

square

 

square

 

on essaie d’autres manèges

 

on s’en lasse en trois secondes deux dixième

 

on change de femme

 

on essaie de déménager un banc

 

sous le regard amusé des grandes personnes

 

elles ne croient pas en notre révolte

 

elles ne misent pas un bonbec sur notre insurrection

 

elles ont raison

 

on ne fait pas bouger le banc d’un millimètre

 

même en s’y mettant à plusieurs

 

on court dans tous les sens

 

il faut bien compenser notre frustration

 

quel que soit notre âge

 

on pousse la provocation

 

on veut escalader le toboggan

 

par le mauvais côté

 

on menace de manger notre soupe

 

avec une fourchette

 

ce soir même

 

 

square

 

square

 

square

 

on entend sans les voir

 

les joueurs de tennis qui s’affrontent sur le terrain voisin

 

on s’amuse à reprendre leurs cris de victoire

 

ou de rage

 

et l’on commence à aimer

 

prendre des insolations en haut du manège

 

caresser des chiens inconnus

 

peut-être féroces

 

on oublie d’ouvrir le capot de sa voiture

 

de vérifier ses niveaux

 

on espère être seul

 

le jour de l’accident

 

on n’en est même pas certain

 

 

square

 

square

 

square

 

 

on veut sentir

 

ressusciter en nous

 

l’enfant aux doigts dans la prise

 

l’enfant traversé

 

 Frédérick Houdaer

extrait de "ANGIOMES", éditions de la Passe du Vent

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