12/06/2011
"QUELLE PLACE POUR L’AUTEUR ?"
Comme promis, l'article publié dans le numéro de juin de "LIVRE & LIRE", le journal de l'Arald:
"QUELLE PLACE POUR L’AUTEUR ?
Fichue bonne question, qui mérite une fichue bonne réponse. Plurielle.
L’auteur, je le vois…
a) jamais très loin d’une cafetière.
b) dans une boutique Corep. La scoliose penchée sur la photocopieuse (pas du tout comme une secrétaire lascive). La même position que quinze années plus tôt, lors qu’il reproduisait en x exemplaires son premier manuscrit.
c) dans une salle des profs (énième atelier d’écriture à animer dans un bahut), lieu emblématique, pas forcément glauque mais où la non-beauté atteint sa forme d’expression la plus achevée (des chaises aux classeurs). Où trône aussi une photocopieuse, celle-là même que l’auteur, selon toute logique, finira par épouser.
Quelle place pour l’auteur ? Pas n’importe où. Le lieu compte, le micro-climat joue en sa faveur ou en sa défaveur (on s’est beaucoup moqué de Nietzsche et de ses écrits météorologiques sur le sujet, on a eu tort).
Après, on peut bien parler d’épreuves nécessaires, histoire de voir ce qui résiste à l’inconfort. On peut…
On ne connait pas toujours la place de l’auteur, mais on sait où il habite. Les huissiers finissent toujours par le trouver.
Ce n’est pas le plus important.
Quant bien même aurait-on réussi à cartographier l’écriture et ses différents territoires, l’auteur ne risquerait pas d’y trouver sa place marquée d’un gros point rouge « VOUS ÊTES ICI ».
Quelle place pour l’auteur ? Question risible ou à pleurer ? À creuser, en tout cas… à la faveur d’une dispute avec un ami intermittent au sujet du fameux « statut », d’une cuite avec un libraire au dos précocement fragilisé, d’une amende à régler auprès d’une bibliothécaire puisque « non, Monsieur, quand on emprunte un livre de la Pléïade, ce n’est pas pour le lire dans son bain et le faire tomber dans l’eau ».
La place de l’auteur, dans tout cela ? La mienne ? Au sein d’une chaîne, indiscutablement. Celle du livre, à l’intérieur de laquelle on ne sait parfois plus, de l’éditeur, du libraire ou de l’auteur, qui est le boulet de qui.
F.Houdaer "
23:07 Publié dans a.2) MES TEXTES, où mon taux d'adrénaline augmente | Lien permanent | Commentaires (0)
09/06/2011
PAROLE D'HOMME
j’aimerais signer un traité
un jour
j’ignore quelle serait sa nature
mais ce traité
je le vois rédigé sur un papier de qualité
sur une feuille qui applaudirait au vent
alors qu’on me la tendrait avec le stylo
et le vent aiderait l’encre à sécher plus vite
nulle question de pacte
avec quelque force démoniaque que ce soit
mon rêve est celui d’un accord
trouvé entre hommes de bonne volonté
pour être honnête
plus je regarde mon film
avec toute l’attention qu’il requiert
et plus je doute de ma volonté de respecter ce traité
relisez le début de ce poème
où j’exprime le souhait de signer un traité
et non de le respecter
à présent
je suis sûr d’ordonner la destruction des villages
à présent
je me vois rire
et il y a beaucoup de fumées et de cris
qui montent de la plaine
et je ne suis ni Néron ni Custer
je suis juste un type travaillé par des songes récurrents
F.Houdaer, in "ANGIOMES" (éd. La passe du Vent)
07:07 Publié dans a.2) MES TEXTES | Lien permanent | Commentaires (0)
02/05/2011
VIA TÉVÉ
au bout du fil
une amie m’apprend la mort de Pierre Siniac
comment l’on a retrouvé son corps
un mois après son décès
dans le H.L.M de province où il vivait
en reclus
au moins Céline disposait-il à Meudon
d’un bout de jardin et de quelques grilles
je branche la télé
pour trouver confirmation de cette triste nouvelle
partout
sur toutes les chaînes
il y a des héros
américains
qui prennent la fuite comme des innocents
injustement accusés
et tout autour d’eux
des déploiements de forces armées
pour les traquer
souvent
de la musique accompagne le mouvement général
toujours
la bavure est évitée de justesse
le happy-end sauvé
le héros innocenté
le méchant qui a violé un bus scolaire tout entier
haché menu
je ne vois pas pourquoi cela changerait
F.Houdaer, extrait de "ENGELURES"
18:41 Publié dans a.2) MES TEXTES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : siniac, céline, ben laden, meudon, américains
27/07/2010
IN SITU
un ami auteur
organise un petit salon du livre
dans la petite ville
dont il est originaire
je le retrouve tout chose
il m'explique
que le bled est le berceau
de toute sa famille
le petit stade porte le nom de son grand-père
la petite caserne de pompier porte le nom de son père
mon ami prend une option
sur la petite bibliothèque
tout sauf l'école primaire
me précise-t-il
20:53 Publié dans a.2) MES TEXTES | Lien permanent | Commentaires (1)
25/05/2010
WHAT'S UP, DOC ?
06:30 Publié dans a.2) MES TEXTES, a.4) EDITEUR | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : bukowski, dejaeger, non de non !, shopping bang bang
11/05/2009
Lyon, c'est...
Lyon, c'est deux ex-prisons au bord d'un fleuve.
Lyon, c’est un roi sur un canasson au milieu d’un immense terrain de tennis au centre d’une presqu’île.
Lyon, c'est une énorme fève dorée en forme de Vierge... perchée sur une tourelle de Disneyland biodégradable. Lyon, c'est "l'éléphant renversé" de Huysmans. Et malgré tout cela, malgré ces handicaps...
Lyon, c’est une ville internationale où personne ne parle de seconde langue.
Lyon, c'est un maire, Edouard Herriot, qui en est à son 53ème mandat.
Lyon, c'est Guignol, une "marionnette à gaine".... en fait, une marionnette châtrée.
Lyon, c'est l'entrée principale d'un magasin Auchan, vulgaire sas équipé de portes automatiques, que l'on a baptisé "ALLEE LAURENT MOURGUET".
Lyon, c’est l’Histoire qui garde en permanence sa main sur votre épaule.
Lyon, c’est de moins en moins de cabines téléphoniques.
Lyon, c’est une assemblée de toques blanches qui prend la pose devant des jets d’eau.
Lyon, c’est la ville où sont nés mes enfants, où mourront mes parents.
Lyon, c’est une ville où je ne suis pas né, où je ne mourrai pas.
Lyon, c’est…
22:09 Publié dans a.2) MES TEXTES, LyonnÈseries | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : lyon, prison, place bellecour
16/06/2008
"LA CHAIR"
Une publication très importante, la dernière bombe littéraire du sieur Rivron.
J'en ai signé l'une des deux préfaces. Rien à y rajouter :
« La chair » est un livre que l’on aime et que l’on craint. Que j’ai aimé et craint. À sa lecture. Avant sa lecture, même. Serge Rivron, je connaissais. Déjà lu. Donc, l’envie quand il m’a envoyé son texte par Internet. L’envie, mais le retard (tiens, tiens…). J’ai tardé à lire « La chair ». Rivron me l’a envoyé en novembre 2007. On venait de me confier la charge d’une collection pour les éditions « À plus d’un titre » (Serge l’ignorait). J’ai tardé à lire son manuscrit, sachant qu’il n’était pas question d’y jeter un coup d’œil discret, que je ne sortirais pas indemne de sa découverte. Jean-Pierre Huguet, lui, a réagi au quart de tour. « Les sœurs océanes » UN, « À plus d’un titre » ZERO. Ou comment j’ai raté mon premier texte important.
Frédérick Houdaer
Pour commander cet ouvrage: http://www.editionhuguet.com serge rivron
Un entretien avec Serge Rivron, dans la zone de Juan Asensio.
08:02 Publié dans a.2) MES TEXTES, où je lis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : rivron, jean-pierre huguet, les soeurs océanes
27/02/2008
SIC !
(pour Nicolas L.)
aujourd’hui
ma banquière
ma jolie petite banquière
m’a fait de la peine
elle m’a plaqué
elle n’a pourtant pas encore fini
ses études de banquière
elle est encore toute jeune
encore stagiaire dans une agence du Crédit Lyonnais
elle n’a pas attendu d’être
au faite de sa carrière
pour me quitter
elle n’a pas attendu
son précieux diplôme
pour me laisser sur le frigo
un post-it où je peux lire
faute d'orthographe comprise
« TU FINIRA PAUVRE »
07:41 Publié dans a.2) MES TEXTES | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : banque, poésie
26/01/2008
Qu'est-ce qu'on attend ?
Voici des extraits du texte écrit à quatre mains par Fanny Britt (Elle) et moi-même (Lui) pour le colloque "Hommes, femmes, la révolution inachevée" qui s'est tenu à Lyon début décembre, et qui a fait l'objet d'une lecture-performance:
Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux ? Qu’est-ce qu’on attend pour faire la fête ?
LUI
J’attends que ce refrain stupide quitte mon cerveau. Le responsable : mon auto-radio. Il ne m’a pas épargné tandis que… j’attendais en bas de chez elle. J’attendais qu’une place se libère pour me garer.
La porte de son immeuble. J’attends de me rappeler le numéro de son digicode. Quand cela me revient, j’entre, j’accède, je pénètre. La retrouve. Trop tôt, selon elle.
J'attends qu'elle soit prête pour que nous décollions.
J'attends qu'elle ait fini de se préparer pour que nous levions le camp.
J'attends qu'elle ait apporté "la dernière touche" à sa beauté qui n'a pas besoin d'être refaite pour...
J’attends en relisant deux-trois pages. « Belle du seigneur ». Quand Ariane s’apprête, elle aussi, tandis que Solal… Pour Albert Cohen, cela nécessite une vingtaine de pages. Cela lui demande une vingtaine de pages. Cela mérite une vingtaine de pages.
Je ne m'y attends pas, je ne m'y attends plus quand elle m'annonce que, c'est bon, nous pouvons partir !
Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux ? Qu’est-ce qu’on attend pour faire la fête ?
ELLE
J’attends que la douleur cesse.
J’ai le cœur qui me brise à chaque heure, au réveil, sous la douche, dans la nuit, au déjeuner devant la boîte de céréales
Parce qu’il y a quelque chose dans mon ventre que je n'ai ni la solidité ni l'inconscience courageuse et folle de garder là.
Et que je n'ai pas pris de rendez-vous encore, mais que sûrement, sûrement, la semaine prochaine je prendrai le chemin de la clinique et qu'au bout d'une heure tout sera fini et j'irai m'acheter des machins super-absorbants (est-ce qu'il y en a pour le cœur, de ça?)
Et je rentrerai à la maison et j'aurai envie d'une soupe et de pleurer et ensuite ça ira mieux, ensuite ça ira mieux, ensuite ça ira mieux.
Tu vois je n'arrive même pas à dire le mot.
Hier dans un restaurant bruyant et plein de la lumière chaude de nos intérieurs d’hiver j'étais courageuse et souriante et claire.
Le matin c'est plus difficile.
Faire semblant que tout va bien quand je parle à ma mère est difficile.
Tout ça restera discret et chuchoté, il le faut, tu vois, puisque je n'arrive même pas à dire le mot.
Mon amoureux est courageux et patient - plein de respect et d'espace pour moi, plein d'indulgence pour l’humeur et les symptômes pénibles, il est grand et plein d’espoir plein de baume -
Mais je sais ce qu'il voudrait
Et je vois que je ne peux pas le lui donner
Pas tout de suite
Peut-être jamais?
Comment le savoir?
Quand le saurai-je?
Quand la douleur cessera?
Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux ? Qu’est-ce qu’on attend pour faire la fête ?
LUI
J’attends qu’on cesse de nous prendre pour des cons. Nous-prendre-pour-des-cons.
J’attends que l’on ne nous donne plus du « on ». Surtout quand ce « on » désigne elle et moi.
J’attends que l’on me parle moins systématiquement de « fête ».
Je n’attends pas qu’ils me donnent le goût de la fête. Je ne les juge pas compétents en la matière.
J’attends de voir tomber tous ces pue-la-mort donneurs de leçons de vie
Qu’est-ce qu’on attend pour être…
37. Cette chanson date de 1937. Les gens la reprenaient en cœur, la dansaient. Et la guerre arrivait. Et aujourd’hui, on… elle me reproche de rapporter ce genre de fait, de gâcher l’ambiance…
Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux ? Je l’ignore, mais au moins, que cela soit de pied ferme. Cette fois.
ELLE
J’attends que la douleur cesse.
J’attends que le temps se replie sur lui-même et me ramène au point d’éclatement
Qu’il me ramène à l’épicentre
Au moment où il a dit :
Je suis tombé amoureux.
De quelqu’un d’autre.
LUI
Qu’attend-t-elle ? Des excuses ?
Moi, j’attends d’avoir posé un pansement sur sa joue pour m’exécuter. Je n’aurais pas dû la frapper. Avec ce livre. C’est lui le responsable, plus… qu’elle. C’est ce livre qui m’a énervé. « Les hommes viennent de Mars, les femmes de Vénus ». John Gray ne craint pas les titres trop longs.
C’est elle qui n’a pas craint de m’offrir un livre au titre trop long.
J’attends que Mars explose, que Vénus se désintègre. J’attends que John Gray meurt. J’attends de voir la femme de John Gray passer à la télé, j’attends de l’entendre dire tout le mal possible de son mari. Pour pouvoir ricaner devant l’écran : « Je m’y attendais, ça ne m’étonne pas… ».
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Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux ? Qu’est-ce qu’on attend pour faire la fête ?
LUI
J’attends… pour décider si je vais l’attendre ou non.
Je décide de l’attendre, d’attendre qu’elle ait joui pour en faire de même.
J'attends de croire à cette histoire incroyable: je descendrais aussi d'une lignée de femmes. Et il est vrai que, tout bien vérifié, des prénoms féminins apparaissent dans mona rbre généalogique. De jolis prénoms même, parfois.
ELLE
J’attends que ça revienne.
Je veux que ça revienne.
J’attends que ça revienne.
(Avoir envie avoir le goût avoir besoin avoir fini d’avoir peur avoir fini de voir les cicatrices les plis les pâleurs j’attends de laver mon corps de toute intransigeance)
Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux ? Qu’est-ce qu’on attend pour faire la fête ?
LUI
J’attends… le temps qu’il faut pour que le mot « heureux » disparaisse de sa question.
J’attends qu’elle cesse de se raccrocher à ce genre de branches mortes.
En attendant… je la regarde tomber.
Je suis surpris de découvrir mes bras tendus, devant moi.
J’attends d’avoir oublié sa question pour commencer à y répondre.
ELLE
J’attends qu’il sorte des toilettes.
Il prend un temps interminable
Ininterminable même
« Je lis le journal », il dit
« C’est un moment privilégié », il dit
« Qu’est-ce que ça peut te faire ? » il dit
« Pourquoi c’est jamais correct ? » il dit
Je lui en veux de préférer lire le journal seul là-dedans
Qu’avec moi au lit
Je lui en veux de dire ce que je sais être vrai
J’attends qu’il veuille être un autre
J’attends longtemps
Qu’est-ce qu’on attend pour être heureux ? Qu’est-ce qu’on attend pour faire la fête ?
LUI
J’attends de trouver des choses méchantes à lui dire.
« J’attends de te voir vieillir plus vite que moi », je lui dis.
"J'attends que ça finisse de saigner en toi.
J'attends que ton sang ait fini son cycle, bouclé sa boucle.
Surtout, je n’attends pas que tu sois heureuse pour reprendre le stylo. La voiture. Les clés. »
ELLE
« J’attends que tu sois mou ».
« J’attends que tu te plantes et que tu aies besoin de moi »
« J’attends que tu perdes tous tes cheveux ».
« J’attends que tu arrives enfin là pour te dire : trop tard ».
LUI
J’attends que le feu prenne.
Crois-tu que j’ai apporté tous ces fagots en vain ?
Crois-tu que j’ai fait semblant de serrer tes liens ?
Tu peux bien moquer le bûcher que j’ai dressé, je me suis appliqué à… j’ai soigné son édification, et je l’ai fait sans cesser de penser à toi.
Je n’attends pas de remerciements de ta part, pas plus que de cris au milieu des flammes.
Reconnais seulement que tu n'avais pas la nécessité de m'humilier au Scrabble comme tu l'as fait.
ELLE
J’attends que tu viennes te coucher.
Les nouvelles vont finir
Tu vas fermer la télé
Tu vas éteindre les lumières
(« tu n’éteins jamais les lumières, dis-tu souvent)
Tu vas barrer la porte
Tu vas faire pipi
Tu vas vérifier que le petit dort bien
Je vais t’entendre poser les gestes de notre vie
Dans les sons de notre maison
Je vais entendre ton amour couler dans la champelure de la salle de bain
Je vais entendre ton amour craquer dans les lattes du plancher
Je vais entendre ton amour tourner dans la serrure de la porte d’entrée
Tu viens te coucher
Je ne t’attends plus
Je t’entends.
(...)
© Fanny Britt & Frédérick Houdaer
21:35 Publié dans a.2) MES TEXTES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : britt, couple