25/09/2015
Hyvernaud
« Je ne me moquerai pas de ce garçon roux, volubile et maladroit qui m’a donné ce matin un cahier bleu en me demandant de jeter un regard sur ça. Ça, c’est une vingtaine de poèmes qu’il a écrits ici. Surtout, que je lui dise sincèrement ce que j’en pense, sans complaisance. Il en a assez des compliments automatiques qu’on lui fait d’habitude (si souvent ?).
Je feuillette le cahier. Honnêtes descriptions de paysages bretons, avec rochers, phares, genêts et ajoncs. Paysanneries sentimentales : le promis et sa promise, la veste neuve et la coiffe du dimanche. Méditations sur la vie, sur la mort. Poèmes d’amour, surtout, avec caresses et tendresses, de l’azur, de la pureté, des cheveux blonds et des mains douces.
C’est pâle, c’est fade, c’est niais. On reconnaît des voix trop connues : celle du vieil Hugo, celle de Verlaine, celle –hélas- d’Albert Samain. Et dans ce pauvre écho, elles paraissent bien misérables.
Mais je ne veux pas me moquer de lui. Bien que cela m’agace de ne trouver que des mièvreries chez cet homme qui a traversé la guerre et la prison. Ces choses-là, quand même, auraient dû le délivrer des romances et des pastiches, tirer de lui autre chose que des chansons d’automne, des complaintes d’amour et des peintures consciencieuses de décors pour cartes postales.
Il faut croire que ces expériences violentes que nous vivons ne servent exactement à rien, puisqu’on peut en sortir inchangé, serein, avec au cœur les mêmes sentiments de tout repos, et aux lèvres la même bonne chanson, la sempiternelle chanson qu’on eût murmurée pendant toute une existence d’immobilité et de quiétude bourgeoise. »
Georges Hyvernaud, « Carnets d’oflag »
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02/09/2015
Et, tout de suite, ça a une autre gueule
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31/08/2015
"Venus d'ailleurs" de Paola Pigani
Remarquée comme poète et nouvelliste (son recueil « Concertina » aux éditions du Rocher est lauréat du prix Prométhée), Paola Pigani a publié assez tardivement son premier roman voilà deux ans, chez Liana Lévi. Bien lui en a pris, puisque « N’ENTRE PAS DANS MON ÂME AVEC TES CHAUSSURES » - ce « roman vrai » de l’internement des Manouches en Charente - a remporté un vrai succès public et critique (ainsi que six prix littéraires).
Loin de nous offrir un nouveau récit historique et rural, elle nous revient aujourd’hui avec un roman aussi contemporain qu’urbain. Lyon en est – bien plus qu’un décor ou une toile de fond – l’un des personnages principaux. Une cité qui n’a plus grand-chose de commun avec celle décrite par Béraud dans sa « Gerbe d’or », ni même avec celle dépeinte par Belletto dans ses faux polars torturés du début des années 80.
Paola Pigani est la première auteure à parler du Lyon de ce début du XXIème siècle, à nous offrir la vue en coupe d’une « métropole régionale à prétention européenne » en pleine transformation.
Qui est Mirko, le personnage principal de « Venus d’ailleurs » ? Quelqu’un « avec des mains qui travaillent malgré leurs deux doigts manquant » comme il nous apparaît dans la première scène ? Ses collègues se nomment Kevin, José, Moktar ou Coto (pour « Cotorep »). Tous pointent comme intérimaires sur des chantiers (la ville n’en manque pas).
Mirko vient du Kosovo. Tout comme sa sœur Simona. Il est passé « de file humaine en file humaine » jusqu’à arriver entre Rhône et Saône en ces débuts d’années 2000.
« Le passeur travaillait sous un faux nom, Aldo. Presque élégant, presque sympathique, il leur avait proposé différents forfaits, à payer en lires bien sûr. Aldo maîtrisait parfaitement l’italien et le français et il s’adressait à eux en albanais. C’était un frère, disait-il, engagé dans ce business par compassion et conviction. Il parlait trop, sa pomme d’Adam palpitait sans cesse. Simona regardait le cuir de ses chaussures briller comme un mensonge. »
Mirko marche dans Lyon. « Place Bellecour, le roi est seul. Cette image le fait sourire ». Mirko mâche Lyon à chaque foulée. Morceau par morceau. Particulièrement dans « ces zones où les murs écaillés cachent mille messages codés ». Des messages, il en tagguera à son tour.
Quant à sa sœur Simona… Elle « garde les mots en bouche » pour mieux faire sienne la langue française, même quand ces mots sont « niveau de vie moyen, traitement préventif, signe ostentatoire religieux ».
« Elle roule sa voix sur cette nouvelle langue. Elle l’aime. Elle la crache. Elle la chante avec toute la hargne qui l’habite. C’est une histoire tendre et nerveuse qui lui coûte du temps. Simona s’en fiche. »
Des locaux de l’Alliance Française à un bazar discount du quartier de la Guillotière, de la Friperie Mistigriff (où des clientes en viennent aux mains en se traitant mutuellement « d’arabe » ou de « fille de l’est ») au chantier du futur hôpital Mermoz, d’une épicerie Dia à la friche RVI (« au cœur d’un quartier bâtard, sans âme, fendu par l’avenue Lacassagne où s’engouffre toujours un vent sournois »), l’auteure suit ses personnages tout le long d’un véritable jeu de l’oie, sans jamais perdre son lecteur. Jusqu’aux lisières de la ville où « la solitude est presque facile ».
Dans « Venus d’ailleurs », on franchit à l’aube l’enceinte de l’hôpital Edouard-Herriot dont les bâtiments « rappellent ceux de l’Albanie d’Enver Hodja », on récupère du cuivre à la Rize, on picore des sachets de pistaches, on réécrit une lettre de candidature au Monoprix de la rue de la République, on taggue le mur de la prison de Montluc, on perfectionne son français en mémorisant les chansons diffusées par Chérie FM…
Le monde lyonnais que décrit P.Pigani est… le monde. Le monde tout entier déversé entre Saône et Rhône. L’auteure le dépeint, sans angélisme mais avec bienveillance. Pigani aime ses personnages, ce qui ne signifie pas qu’elle les épargne, bien au contraire… Pourtant, on ne relèvera pas chez elle de goût particulier pour le drame – voire de fascination pour la violence - comme c’est le cas de Jacques Audiard dans son dernier film où il est également question du parcours complexe d’un réfugié. Paola Pigani n’a nul besoin de faire couler le sang de ses personnages pour les faire exister.
« VENUS D’AILLEURS » de Paola Pigani
180p., 17€
Editions Liana Levi
Site de l'auteure : http://paolapigani.hautetfort.com/
Précision : dans cet article, seuls les passages entre guillemets ET en italiques sont extraits du livre de P.Pigani
00:27 Publié dans où je lis | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : venus d'ailleurs, paola pigani, pigani, éditions liana lévi
21/08/2015
Pré-rentrée littéraire
00:05 Publié dans où je lis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : paola pigani, thomas vinau
04/08/2015
UNE POMME ET DES POIRES
Perdre son ego ne signifie pas perdre sa vie, rassurez-vous, braves gens.
N’avoir plus d’ego n’entraîne pas inexorablement qu’on vous piétine la gueule, croyez-moi sur parole.
Des individus venus d’Orient, les bouddhistes, affirment que l’ego n’est rien du tout, du pipi de chat…
Ils sont dangereux… Si on les prend au sérieux, on est dans la merde… D’ailleurs, ils ont un défaut, ils ont des yeux bridés…
Si vous me dites que vous étudiez Spinoza, Kant , Hegel ou Heidegger, c’est bien, c’est sérieux, nous sommes entre nous, mais si vous me parlez de bouddhisme, laissez-moi rigoler…
C’est une simple mode, qui passera comme toutes les modes…
Nous avons une pomme et nous en sommes fiers, notre but est de la faire reluire, elle est inoxydable, c’est du béton, elle va devenir imputrescible, admirable et célèbre, nous réussirons, elle brillera jusqu’à la nuit des temps…
Voici un très beau poème descendu d’une étoile, Véga…
C’est un poème de ma pomme…
Alfonso Jimenez, « On ignore l’heure du train », éd. Gros textes
08:53 Publié dans où je lis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : alfonso jimenez, on ignore l’heure du train, gros textes
29/06/2015
ERRI DE LUCA
" Hier, j'ai vu un des mes livres entre les mains d'une femme. Elle était assise dans le métro, ses doigts serraient les pages pour les immobiliser et les tournaient délicatement. J'ai compris hier que les livres ont un sort meilleur que ceux qui les écrivent. Gardés dans les bras, emportés en voyage, peut-être sur une île du Sud ou sous une tente en montagne, fixés avec intensité par deux yeux qui feraient aussitôt baisser les miens. Oui, les livres prennent du bon temps, bien plus que ceux qui les écrivent.
... Les mots que j'ai écrits ne sont plus à moi, ils sont devenus les siens. Elles les a voulus, en pêchant justement ceux-là dans le grand bazar des livres. Elle les a payés avec de l'argent prélevé sur d'autres dépenses, en se passant d'une bouteille de vin, d'une séance de cinéma, d'un concert. Ils ont pour elle une valeur ajoutée, celle de remplacer des choses plus agréables qu'un livre. Et maintenant, là sur ses genoux, feuilletés par une légère caresse, ses cheveux retombant dessus. Les pages ainsi prises et tenues sont les siennes, beaucoup plus qu'elles n'ont été les miennes."
(Le sort de l'écrivain, traduction Danièle Valin, Libération 13/14 janvier 2006)
10:40 Publié dans où je lis | Lien permanent | Commentaires (0)
27/06/2015
J'ignore...
... quelles substances Thomas Vinau & Grégoire Damon absorbent quotidiennement (Carambars bleus ? Chamallows pimentés ?)...
... mais je veux les mêmes !
21:56 Publié dans où je lis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : thomas vinau, grégoire damon
24/06/2015
LA PEAU DU CUL
Les coups de pied au cul
font mal à l’âme
la peau du cul est sensible
et douce comme une pâquerette
Il vaudrait mieux qu’une main
caressât le bas des reins
la marmite et le lait
en seraient enchantés
L’amour des casseroles
a des pores de prédilection
Et les petits pois
en rêvent la nuit
Alfonso Jimenez, « On ignore l’heure du train », éd. Gros textes
15:57 Publié dans où je lis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : alfonso jimenez, éditions gros textes
18/05/2015
Perros # 2
« On disait autrefois que pour
écrire de façon valable
il fallait être parisien
sinon c’était foutu d’avance
nous n’étions pas dans le vrai bain
de la poétique jouvence
Je n’ai pas été peu surpris
quand par la suite j’ai appris
que l’homme en question qui disait
à Paris seul trouver remède
à ses maux intellectuels
se retirait en Italie
pour finir ses romans »
George Perros, « Une vie ordinaire »
14:40 Publié dans où je lis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : perros, georges perros