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29/04/2015

Pour Katia Bouchoueva

 

Katia Bouchoueva

« Elle a parlé la langue russe

sans connaître un mot de français

jusqu’à neuf ans Mais maintenant

elle manie très bien la nôtre

si bien qu’il m’arrive parfois

de lui demander de reprendre

la langue ourse de ses ancêtres. »

George Perros, « Une vie ordinaire »

 

25/04/2015

Thomas Vinau est une patate

 

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« Vos mensonges

me dissimulent

recouvrent ma peau

comme des bandages

La grande bousille

de votre histoire

me fait bien rire

 

Coupez-lui la tête

à votre histoire ! »

 

T.Vinau

 

« P(H)OMMES DE TERRE », de René Lovy / Thomas Vinau

Editions « la Boucherie littéraire »

 

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08/03/2015

« Vois un film, sois un film. »

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« La lumière est mon obsession. Je la ressens comme une source fondamentale de puissance, comme une sorte de charbon cosmique. Elle fait pousser des choses ; elle fait mourir des choses. Elle peut se transformer en n’importe quoi – une plante, une idée. Les films sont faits de lumière. Pensez simplement au pouvoir qu’a la lumière de se transformer en tout ce que nous sommes et en tout ce que nous pouvons imaginer. »

Denis Hopper

27/02/2015

Prilepine

" Si on forçait les vieux à dessiner, pensa Sacha, ce serait aussi intéressant de voir si leurs dessins sont aussi colorés que ceux des gosses. "

Zakhar Prilepine (" San'kia ")

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12/02/2015

"L'ANGE GARDIEN" # 2

« D’abord faire parler Simon Polaris

Berthet va dans le fond de l’appartement.

Pour ce faire, Berthet longe un couloir. Sur la gauche, le couloir donne sur deux grandes pièces que Berthet a meublées peu à peu depuis 98, à chacun de ses séjours à Lisbonne, en chinant su le marché aux puces de Feira da Ladra ou encore chez les brocanteurs et antiquaires du Bairro Alto.

Sans que Berthet l’ait vraiment voulu, l’appartement de Berthet ressemble maintenant à celui d’un  petit-bourgeois portugais du temps du dernier roi du Portugal, vers 1910. Disons que la dominante est austère, sombre, avec buffets, consoles, tables et chaises qui hésitent entre le néogothique et le néomanuelin tout en gardant une compoction dans l’efflorescence. Dans la chambre, le lit est à baldaquin et c’est Berthet qui a remplacé la vieille frise d’azulejos qui court tout autour du mur par une plus fraîche, mais d’époque, presque carreau par carrreau, se transformant en carreleur chaque fois qu’il trouvait un lot de carrés à son goût chez un broque.

Sur les murs du couloir, pour égayer, si l’on peut dire, Berthet a trouvé des scènes de naufrages qu’il a préférées aux tableaux représentant des scènes rurales. Ou des cartes géographiques. On trouve aussi de belles cartes marines. Oui, Berthet fut cet enfant amoureux de cartes et d’estampes, ce qui ne va pas l’empêcher de torturer à mort un autre homme dans les minutes qui viennent.

Seuls, dans la pièce qui sert de salon, deux éléments indiquent une note propre à Berthet, au rêve que Berthet poursuit : il y a les deux fauteuils clubs en cuir et les rayonnages colorés par les tranches des livres d’une bibliothèque ne comportant presque que de la poésie. Si nous avions le temps, nous constaterions que ces livres sont les mêmes que l’on pourrai trouver dans les autres planques que Berthet juge sûres, personnelles en quelque sorte, c’est-à-dire une dizaine, comme avenue Daumesnil.

Berthet achète toujours les recueils de poésie qu’il aime en plusieurs exemplaires, dans des librairies différentes. Berthet se comporte avec la poésie comme avec les armes ou les substances dangereuses. Varier les endroits où se procurer le matériel, ne pas dépendre d’une seule source d’approvisionnement. »

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"L'ANGE GARDIEN" # 1 ?

 

01/02/2015

"L'ANGE GARDIEN" # 1

Une des plus belles défenses de la poésie publiées ces dernières années, vous la trouverez dans ce polar...

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« À l’unité, un Lambda, c’est un citoyen ordinaire qui doit être exécuté. L’Unité ne fournit pas d’explication ou de motif. Juste un ordre par les voies habituelles : la poste restante de la rue Marie-Rose ou un rendez-vous fixé dans un bar. Pas de pourquoi. L’unité a ses raisons. Et puis on vous paie assez bien comme ça pour éviter les questions.  (…) Berthet avait toujours soupçonné que les opérations Lamda, la plupart du temps, étaient un moyen pour l’Unité de s’assurer de la loyauté de ses agents.

C’est comme ça qu’on se retrouvait à étrangler un notaire d’Arpajon avec un fil à couper le beurre après s’être planqué sur le siège arrière de sa berline haut de gamme ou à tirer une balle dans la tête d’une vendeuse qui sortait d’un magasin de fringues du XIXe arrondissement. On avait beau tenter de se rassurer en se disant que le notaire d’Arpajon était un ancien des réseaux Gladio et qu’il savait trop de choses sur les manips anticommunistes de la guerre froide ou que la vendeuse des Buttes-Chaumont avait été à une époque une sympathisante d’un groupe terroriste d’extrême gauche, on n’avait aucune certitude. On pouvait même sérieusement en douter.

En 92, donc, Berthet s’était retrouvé avec un sixième Lambda sur les bras depuis le début de sa carrière à l’Unité. Un médecin généraliste de la banlieue de Rouen. Berthet avait désobéi. Berthet avait pris des risques. (…)

Berthet n’avait pas exécuté sa cible. Pas tout de suite. Berthet l’avait enlevée à la sortie de son cabinet, le soir. Un coup sur la nuque, le corps dans le coffre et puis un appartement dans une tour de la Grand’Mare. Le généraliste s’appelait Patrick Lefèvre, comme tout le monde, et il avait quarante ans. Pratiquement l’âge de Berthet à l’époque. Patrick Lefèvre, contrairement à Berthet, avait une existence terriblement normale. Une jolie femme qu’il ne trompait apparemment pas, deux enfants, un chien, une belle maison à Mont-Saint-Aignan. Pas de dettes de jeu, pas d’engagement politique. Un Lambda pur. Patrick Lefèvre avait été choisi au hasard, dans l’annuaire, ce n’était pas possible autrement.

En l’amenant dans l’appartement presque vide de la Grand’Mare, Berthet avait voulu lui faire cracher le morceau. Sinon Berthet s’était dit qu’il aurait du mal à tuer Patrick Lefèvre. Ou que ça allait le poursuivre. Et Berthet ne voulait pas de culpabilité, surtout pas de culpabilité. (…)

Berthet avait bandé les yeux du généraliste et l’avait attaché sur une chaise. Puis Berthet s’était assis devant lui. Berthet avait attendu qu’il reprenne connaissance en lisant La vie dans les plis qui venait de reparaître en Poésie / Gallimard. C’était la période Henri Michaux de Berthet.

Je crache sur ma vie. Je m’en désolidarise.

Qui ne fait mieux que sa vie ?

« Pourquoi ? Pourquoi vous me dites ça ? » avait demandé Patrick Lefèvre qui sortait du coaltar.

Berthet ne s’était pas rendu compte qu’il avait lu à haute voix. Berthet avait été encore plus déstabilisé quand Patrick Lefèvre avait dit, la voix pâteuse

« C’est du Michaux, non ? La vie dans les plis ? »

Merde alors. Tuer un lecteur de Michaux. Cela devenait de plus en plus dur, cette histoire. Tuer un lecteur de Michaux, non mais. Berthet regardait, bouche ouverte, Patrick Lefèvre qui ne pouvait pas voir Berthet.

« Pourquoi ? » avait demandé Patrick Lefèvre.

Berthet s’était demandé s’il n’aurait pas fait aussi bien, tout de suite, de prendre son Sig-Sauer P220 dans son holster de ceinture, de visser le réducteur de son et de tuer Patrick Lefèvre. On n’en aurait plus parlé. Là, c’était encore plus dur. Un lecteur de Michaux. Quand même. Un lecteur de Michaux, l’Unité croyait qu’il y en avait combien en France ? »

 

 

29/12/2014

"L'araignée jaune"

" Je te raconte comme on m'a raconté. Victor Jara est un musicien (compositeur ?) chilien. Lors d'un certain coup d'Etat, il fut arrêté et enfermé dans un certain stade, parmi tant d'autres. Pour leur donner du courage, il a joué de sa guitare. On lui a coupé les mains. Il s'est mis à chanter : on l'a tué.

Quelque part en Suisse, une femme, Madeleine, lui a confectionné une paire de bracelets lentement tissés de fils multicolores. Récemment, elle en a offert un à ma mère. L'autre se trouve déjà chez quelqu'un dans le sud de la France. Victor Jara a les bras très larges. "

 

Victor Jara

 

09/12/2014

Deux "Hommes" lus ces derniers temps...

Un livre qui semble écrit tout à la fois par Moravia et par K.Dick !

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Le pitch :

Pianiste au jeu sensuel, Gérard Legrand a succombé à un accident de vélo. Depuis dix ans, il mène cependant une vie posthume intense grâce à ses proches : chaque fois que l’un d’eux pense à lui, sa conscience se ranime. À vrai dire, cela n’arrive plus si souvent, étant donné qu’il ne leur a pas laissé un souvenir impérissable : il avait quitté sa femme pour une jeune violoniste au cœur fuyant ; ses deux fils peinent à l’incarner comme père… Le seul à encore penser régulièrement à lui est le chauffeur du camion mêlé à l’accident qui a causé sa mort. À l’occasion de l’anniversaire de sa disparition qui est aussi celui de sa naissance, un grand repas familial est organisé en sa mémoire. Dans l’esprit de certains, il se sent soudain « revivre », non sans que cela les déconcerte. De cette réunion, qu’attendre ? Avec un naturel bouleversant, Willem Jan Otten nous fait séjourner dans l’au-delà singulier, baigné de musique, d’un pianiste défunt. Que reste-t-il de soi chez les autres une fois l’existence consommée ? Quels liens ceux-ci tissent-ils encore avec nous ? Comment le manque d’un être cher résonne-t-il au fil mystérieux du temps ? Ménageant d’intimes coups de théâtre, débusquant avec une douce ironie des petits riens comiques ou déchirants du passé, l’auteur laisse naître entre ces vivants et l’absent une vertigineuse chimie émotionnelle…

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Un livre réellement subversif ? Cet "Homme-Dé", à coup sûr !

Sa fiche Wikipédia, qui ne laisse qu'entrapercevoir...

12:08 Publié dans où je lis | Lien permanent | Commentaires (0)

30/09/2014

Sorrentino (le livre)

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« Je suis né vico Speranzella, et si vous ne savez pas où c’est, c’est votre problème. Là-bas, la merde humaine devant la porte ils s’en servent comme décoration, et de temps en temps, comment dire, ça partait en ébullition, ça s’exhalait et ça remontait et tu retrouvais ça chez toi, dans les escaliers étroits, incroyablement humides et sombres. Sombres à te faire croire à tous les farfadets, tous les fantômes, tous les morts qui viennent te visiter. À tous les suicidés par amour. Bref, c’était une merde de folklore, alors tu la chassais à nouveau, tu la rejetais toute puante dans la rue. C’était un jeu. Mais c’est fini, maintenant. Maintenant, tout est sérieux. Ils meurent et ils s’en rendent pas compte. Ils peuvent pas s’en rendre compte, parce qu’ils sont en train de penser à la mort qui va venir. Ils pensent à l’avenir. À l’avenir de la mort. Ça, c’est un truc qui me fait peur. Parce que j’ai toujours été attaché à la vie comme une sangsue, comme le poulpe  à son rocher. J’ai toujours fait partie de ces poissons plus malins que les autres, qui rigolent quand ils voient l’hameçon caché sous la mie de pain. Ils font un détour. Mais quand tu te retrouves pris dans la nasse sans même savoir comment, c’est une autre histoire. (…) 

C’est Maurizio De Santis, l’enfant de salaud qui m’a embarqué dans cette tragédie. Il ne me laisse même pas le temps de descendre de la passerelle de l’avion à Capodichino, qu’il me dit :

- Ce soir on va au port, les Colombiens doivent accoster, on se fournira directement  à la source, tu te feras des  provisions  pour affronter le jour de  l’An et la tournée.

Moi, à vrai dire, je suis tout de suite d’accord, enthousiaste comme Tom Sawyer quand ses copains lui proposaient d’aller buller  à la campagne. Dans l’Alfetta rouge de Maurizio De Santis, il y a moi et De Santis soi-même, trente-six ans portés n’importe comment, si je devais vous dire ou même simplement imaginer ce que ce gars-là peut faire le matin je serais bien embêté. C’est un de ces types qui ne prennent forme que la nuit, un peu comme ce Salvetti, le patron du Festivalbar, que tu vois débarquer seulement l’été, qu’est-ce qu’il fait l’hiver ? Bof ! Peut-être qu’en hiver il existe pas. Il s’évapore comme les oursins. Tout ça pour vous prévenir, pour vous avertir tout de suite que le De Santis, je le connais pas plus que ça. »

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« Cet été-là, Peppino s’immergea, corps, cœur et âme, dans un océan d’agitation et de sueur, il se prodigua en dîners, rendez-vous, cocktails, concerts, fêtes, bains de minuit, feux de camp, spaghetti-parties à six heures du matin, coups de fil intercontinentaux, relations sociales en tout genre dans le seul but de voir notre Beatrice, mais elle ne se présentait jamais aux évènements mondains et cette absence la plaçait dans un Olympe inaccessible. Sur l’île, personne ne semblait la connaître. Cette impossibilité de l’identifier accroissait fébrilement notre aliénation. Commencèrent à fleurir les légendes sur l’incomparable Beatrice. Pour vous faire mesurer le degré de folie qui, peu à peu, pulvérisait mes petits camarades, je vous dirai seulement que le jour où Patrizio déclara que c’était peut-être une extraterrestre, la chose fut prise suffisamment au sérieux pour que nul n’ait envie d’en rire, l’hypothèse paraissait plausible.

Entre-temps, nous étions arrivés au vingt août, et Peppino chantait de plus en plus mal. Elle était sur l’île, puisqu’il arrivait que quelqu’un l’aperçoive, qui nous le rapportait ensuite sur ce ton emphatique qu’on prend pour raconter des  histoires de fantômes, à mi-voix, comme dans un complot d’amour raté. Mais désormais nous ne savions plus qui croire.

Peppino menaçait de se jeter du haut des Faraglioni s’il était impossible, non de l’avoir, mais au moins de faire sa connaissance, savoir  son nom, juste ça. Il en avait déjà rabattu sur ses prétentions, notre Peppino di Capri. Et je vous le jure sur la tête de l’Enfant Jésus, il commença  à perdre la boule. Il fit le tour de tous les commerçants de Capri puisque, nous disait-il, elle était bien obligée de manger, cette créature. Mais personne ne l’avait encore jamais vue entrer dans un magasin.

Patrizio pontifia :

- Cette femme n’a pas besoin de manger, elle se nourrit de nos tourments. »

 

"Ils ont tous raison", de Paolo Sorrentino, éd.Albin Michel (traduit par Françoise Brun)