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17/10/2019

"Simple et nue"

(…) j’ai toujours préféré la phrase simple et nue parce que j’ai toujours eu le sentiment que la Littérature, celle d’aujourd’hui et celle des siècles passés, était en grande partie truquée, tu vois, comme les combats de catch. Même ceux qui ont duré des siècles (avec quelques exceptions) m’ont donné l’étrange sentiment de m’être fait arnaquer. En fait, j’ai l’impression qu’il serait plus difficile de mentir avec la phrase nue, ça se lit d’ailleurs plus facilement, et ce qui est facile est bon et ce qui est difficile est emmerdant (ça m’est resté des usines et de la fréquentation des femmes).
Ainsi, Fante m’a donné la phrase sensible, Hemingway la phrase qui ne demande rien, Thurber la phrase qui se moque de ce qu’a fait l’esprit qui n’y pouvait rien faire ; Saroyan la phrase qui s’aime elle-même ; Céline la phrase qui coupe la page comme un rasoir ; Sherwood Anderson la phrase qui parle au-delà de la phrase. Je pense leur avoir à tous emprunté quelque chose et JE N'AI PAS HONTE DE L'ADMETTRE. 


Charles Bukowski, « Correspondance 1958-1994 »

 

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07/10/2019

Musée ?

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On ne devrait pas être dans un musée plus d’une demi-heure. Mais chaque fois pour ne voir qu’un ouvrage. 

Umberto Eco

 

02/08/2019

"Nous vivons dans..."

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Nous vivons dans l'oubli de nos métamorphoses.

Paul Eluard

28/02/2019

Simone de Montmartre

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Comme j’étais mal disposé,

un matin de pluie,

pour toutes les excentricités humaines

un ami me montra une photographie :

celle d’une femme nue et morte étendue sur un lit d’hôtel

à côté d’un homme vêtu et mort qui,

vu en raccourci,

ressemblait à un phoque rigide.

Simone n’avait pas changé sa coiffure ;

sa cloche reposait sur la cheminée

à côté d’une pendule dorée sans aiguilles.

Simone était incontestablement morte à côté de son ami.

Ils s’étaient suicidés aux sons du phonographe de la maison voisine :

— Some suny day… Swanie… Eleanor !… —

Et sur le ventre nu de la femme,

avant de mourir,

dans une suprême évocation du Mois de Marie,

l’homme avait écrit,

un doigt trempé dans l’encre,

ces mots : Priez pour nous !

Cette photographie venait d’un obscur bureau de police.

De mains en mains,

elle échouait dans les miennes.

Et l’image ridicule et démoralisante

je l’ai gardée dans ma mémoire

jusqu’au jour où j’ai résolu d’écrire cette histoire,

de la faire imprimer

et de la relire plus tard avec des yeux qui ne seront plus les miens

mais des yeux de promeneur imperméable

assis au crépuscule du soir s

ur le banc du corps de garde à la porte du Paradis.

 

Pierre Mac Orlan

« Simone de Montmartre suivi de l’Inflation sentimentale », 1924

 

08/02/2019

Calaferte vs Sartre

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Un soir, j’ai vu au fond du Café de Flore Jean-Paul Sartre entouré de nombreux jeunes gens, une cour autour de lui… (…) J’ai surtout trouvé ridicule qu’un homme de 45 ans tienne une cour de la sorte et je continue de trouver cela parfaitement grotesque. (…) Cet homme m’a paru être un farceur. Depuis, je l’ai lu et c’est plus qu’un farceur, c’est un imposteur. (…) Sa grande source a été Heidegger, naturellement, sa prétendue œuvre philosophique n’est rien de plus qu’une pesante broderie autour de cette grande pensée de notre siècle. L’essentielle différence est celle habituelle entre le maître et l’imitateur. Il y a perte de substance. Dans le cas de Sartre, à mes yeux c’est pis encore, ça relève de la pure fabrication. Tout peut être dit à ce propos en un mot : Heidegger est un poète, Sartre est l’anti-poète, c’est un esprit maigre, un esprit sec.
Ayant eu très jeune une expérience directe des hommes, j’ai rapidement flairé chez les individus ce qui est authentique et ce qui ne l’est pas. Sartre, c’est de la grimacerie ! Son théâtre a un côté scolaire. Ce sont des petites natures ! C’est le procédé de systématisation. Le facteur succès est primordial pour ce type de confectionneurs. Le succès n’est pas accidentel et l’insuccès non plus. Le succès est une chose simple : c’est l’adéquation entre un individu X et le courant général. Ce sont des gens qui ont une nature pour être en adéquation exacte avec l’air du temps. Seulement l’air du temps, ça passe et il est toujours quatre degrés au-dessous de la veine secrète qui sillonne le monde des idées comme le monde des faits, des évènements.

Louis Calaferte, extrait de « Une vie, une déflagration / Entretiens avec Calaferte » de Patrick Amine  
 
 
 
 

21/12/2018

Solstice (s)

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"Au solstice d'été, le sol tisse du blé. Au solstice d'hiver, le sol tisse du verre "

Jean Pérol

 

 

01/12/2018

What's new, doc ? Cioran !

Jamais fait partie des Cioranophiles, ni des Cioranophobes. Pourtant, je me suis régalé à la lecture de ses "Entretiens". Au point d'éclater de rire (je ne me paye pas de mots) devant certaines de ces pages.

Pour ceux "qui ne verraient pas le rapport", je recopie les premières lignes du premier entretien:

 

François Bondy : Comment avez-vous eu cet appartement au sixième étage, d’où l’on a une vue magnifique sur les toits du quartier latin ?

Cioran : Grâce au snobisme littéraire. J’en avais assez depuis longtemps déjà de ma chambre d’hôtel de la rue Racine et j’avais demandé à une agente immobilière de me chercher quelque chose, mais elle ne m’avait rien montré. Je lui ai alors envoyé un livre que je venais de faire paraître, avec une dédicace. Deux jours plus tard, elle m’a conduit ici, où le loyer –croyez-le ou non- vaut à peu près cent francs, ce qui correspond à mes moyens d’existence. C’est comme cela avec les dédicaces d’auteurs. La séance de la signature chez Gallimard, chaque fois qu’un livre paraît, est une chose qui m’ennuyait et une fois j’ai négligé de signer la moitié de mon contingent de livres. Je n’ai jamais eu d’aussi mauvaises critiques. C’est un rite et une obligation. Même Beckett ne peut pas s’y soustraire. Joyce n’a jamais pu le comprendre. On lui avait dit qu’à Paris un critique attend toujours une lettre de remerciement de l’auteur quand il en a dit du bien. Et une fois il a consenti à envoyer à un critique qui avait publié une étude importante sur lui une carte de visite avec ses salutations. Mais l’autre a trouvé cela trop laconique et n’a plus jamais rien écrit sur Joyce.

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Dans un autre registre (et dans un autre entretien du livre), Cioran évoque de façon émouvante la figure d'un ami :

 

Esther Seligson : Quelle a été votre relation avec Michaux ?

Cioran : Je l’ai connu il y a plus de trente ans. Nous nous sommes très bien entendus, et nous avons toujours été amis. Nous parlions des heures au téléphone, et nous nous voyions tout le temps. L’âge en lui ne comptait pas, car il a toujours été vif, combatif, critique et drôle, curieusement épargné par la vie. Je me sentais plus vieux que lui. Il n’avait pas cette amertume qui nous vient avec les années, et je le surprenais souvent en flagrant délit d’optimisme. Il était très railleur et ironique. Il donnait l’impression d’être hors du monde, mais en fait, il était toujours au courant de tout, du cinéma, surtout. Sa vie a été une réussite, puisqu’il a fait exactement ce qu’il a voulu. Il a écrit, approfondi. Ce n’était pas un raté (la plupart d’entre nous le sommes dans une certaine mesure. Pour moi, la réussite est justement d’être un raté, encore que j’eusse pu mieux faire), et c’est pour cela que sa mort n’a rien de triste. (…) Je lui reprochais de s’affliger de la probable disparition de l’homme ; cet aspect naïf de la part d’un être aussi lucide et intelligent me surprenait.

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25/11/2018

" Je commence à comprendre..."

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- Je commence à comprendre ce que vous appelez confort intellectuel.

- Ne vous flattez pas. 

 

Marcel Aymé

23/10/2018

" Vous avez... "

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Vous avez la volonté trapue et c’est l’essentiel.
Gustave Flaubert à Maupassant