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31/05/2021

Aller-retour

Pratt,Le désir d'être inutile

À l’école primaire, quand j’avais sept ans, il m’est arrivé un incident étrange. À la suite d’une insolation, j’ai perdu la mémoire. Je suis resté pendant six mois en état de choc, ne me souvenant plus que d’une grande lumière, puis je suis brusquement redevenu normal. Pendant toute cette période, on m’avait mis dans une section spéciale de mon école, réservée aux élèves déficients mentaux. Nous étions huit, et devions porter un uniforme noir, alors que les élèves normaux étaient habillés en blanc.

Quand je me suis comme réveillé, on m’a redonné l’uniforme blanc, et les élèves considérés comme débiles m’ont demandé : “ Mais qu’est-ce que tu fais là, habillé en blanc comme tous ces cons ? ”.

 

Hugo Pratt (extrait de son autobiographie “ Le désir d’être inutile ”)

 

25/05/2021

Dirk Raspe # 4

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(…) dans la ville, tous les musées m’étaient ouverts ; j’y passais mes heures de congé. Je découvrais avec stupeur la peinture hollandaise. Je n’avais vécu que jusqu’à six ans à La Haye avec ma grand-mère. Certes, cela était resté dans mes yeux. Maintenant, j’étais mis en face du rêve des hollandais, ce qui était plus que leur vie : la lumière, la naissance et la mort de la lumière, la lumière dans ses prisons et faisant de ses prisons des palais, la lumière entre le ciel et la terre, brillant dans l’entrebâillure des nuages et dans une tache soudaine sur une maison, combattue par l’immense conspiration des ciels couverts, des brouillards, des bruines, par les opacités et les louches interceptions ou filtrations, s’éprouvant, s’assouplissant, s’aiguisant dans ces difficultés et en faisant les éléments de son triomphe inattendu, étrange, tour à tour dissimulé et éclatant, unique, irremplaçable, la lumière du Nord.
C’était à peu près la même dont je suivais le destin misérable et émouvant dans la ville. La lumière d’ici n’était pas la lumière de là-bas ; il y a de subtiles mais rigoureuses différences, je n’avais pas les moyens de m’en rendre maître.
Je ne regardais pas beaucoup les italiens ni les français. (…) J’allais à ce qui était mon besoin. (…) Je ne vis pendant longtemps chez les français que ce qui était comme le complément infirme, nostalgique des hollandais. Dans leurs aises, dans leur originalité, dans leur exquise intégrité, ils me paraissaient infirmes, privés de quelque chose.
J’étais faible, un enfant tâtonnant, mais un enfant qui jouissait avec une profondeur sourde d’animal de ce qui pouvait être sa nourriture. 
 
"Mémoires de Dirk Raspe" de Pierre Drieu la Rochelle
 

17/05/2021

Sunshine

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Considérez le ciel solaire
à l’heure de l’extrême incandescence :
c’est là qu’il nous faut traverser.
Des barques croisent dans ce lac de lumière.
Aiguisez mieux votre regard :
vous les verrez franchir sans bruit cette brume éblouie
et, par-delà, s’ancrer dans les eaux de la nuit
pour y plonger éternellement leurs filets
dans les profondeurs. 
 
Philippe Jaccottet
 

16/04/2021

Météo Blanchard

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La météo hésite, et la saison nouvelle enlace encore l'ancienne, le temps d'être sevrée.
 
André Blanchard
 

01/03/2021

Jaccottet (ter)

 

dans le documentaire
le poète marche le long
d'une route de campagne
on ne voit ni abeille ni
mouches noires ni
oiseaux
ils sont pourtant partout
dans tous ses poèmes
faisant bourdonner les pages
comme une vieille radio
il parle et gesticule et
les arbres se pressent
contre lui comme des
gardes du corps
 
Patrice Desbiens
Montréal 2021
 

29/01/2021

Au final...

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Au final, on utilise tout. Mais à moins d’écrire votre autobiographie, ça passe par des codes. (…) J’emprunte sans vergogne à la vie de mes amis, au point que ça peut paraître bizarre. Ce sont des amis et ils me racontent leur vie, et une partie de mon cerveau agit comme un vampire qui pompe certains détails pour les recracher plus tard. Je ne peux pas m’en empêcher, je suis auteur. Mais je vais finir par écrire sur moi, je m’en rapproche. (…) En vieillissant, j’ai moins peur de me dévoiler et de passer pour un crétin. Au bout d’un moment, on accepte d’être un crétin quand on fait ce genre de choses. 


Alan Moore

 

25/12/2020

Anouilheries #4

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- Elle était si folle ce soir-là, elle parlait de tout, se coupant, jouant à être avec moi, tout à tour, chaque amoureuse de la mythologie. Elle me cherchait des airs de taureau, des airs de cygne… Elle m’avait même obligé, moi qui déteste cela, à allumer un énorme cigare, ne voulant plus me voir qu’entouré de fumée, sous prétexte que je ne sais plus quelle déesse avait été aimée par Jupiter, déguisé en nuage ! Tout cela coupé de notes, de bribes d’opéras, de réminiscences de ses rôles. J’ai également été Siegfried et quelques autres héros wagnériens ce soir-là.

- Mais vous êtes bien sûr qu’elle ne vous a pas dit, une seule fois, tout simplement : « Je vous aime » ?

 

Anouilh, « Léocadia » (illustration : Eduard Thöny)

 

13/12/2020

Où écrire

« J’écris sur les tables de cafés, parce que je ne saurais me passer longtemps du visage et de la voix humaine (…) j’écris dans les salles de cafés ainsi que j’écrivais jadis dans les wagons de chemins de fer, pour ne pas être dupe de créatures imaginaires, pour retrouver d’un regard jeté sur l’inconnu qui passe, la juste mesure de la joie et de la douleur. »

Bernanos, préface aux "Grands cimetières sous la lune"

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09/10/2020

Le grand Marcel

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Ketty fut pendant près d’un an la maîtresse d’un officier allemand. A la Libération, elle fut tondue et arrêtée. Passant devant une commission d’enquête et comme on lui demandait pourquoi elle avait été la maîtresse d’un Allemand : "Parce qu’il avait, répondit-elle, une belle gueule et qu’il me faisait jouir. Vous, avec vos gueules de cons, vous ne me feriez pas jouir. "

 

"Le chemin des écoliers", Marcel Aymé (cliquez sur ce nom magique pour dénicher d'autres notules à son sujet)