07/06/2021
Henry Miller (parti un 7 juin)
En ce temps-là, je n’osais penser à rien d’autre qu’aux « faits ». Pour aller chercher sous les faits, il m’eût fallu être artiste, et on ne devient pas artiste du jour au lendemain. Il faut d’abord qu’on soit écrabouillé un bon coup, que soient annihilés les éléments de contradiction que l’on porte en soi, que l’on soit entièrement balayé en tant qu’être humain, pour renaître en tant qu’individu ; carbonisé et minéralisé afin de s’élever progressivement en partant du dernier dénominateur commun de soi. Il faut dépasser la pitié si l’on veut que la sensibilité parte des racines mêmes de l’être. On ne fabrique pas un nouveau ciel, une nouvelle terre avec des « faits ». Il n’y a pas de « faits » : il n’y a qu’un fait, qui est que l’homme, n’importe quel homme n’importe où dans le monde, est en voie d’ordination. Certains prennent la route la plus longue, d’autres la plus courte. Tout homme travaille à sa destinée à sa façon et personne ne peut lui venir en aide, si ce n’est par générosité, bonté et patience. Dans mon enthousiasme d’alors, bien des choses m’apparaissaient inexplicables qui éclatent aujourd’hui.
Henry Miller "Tropique du Capricorne"
09:45 Publié dans carottages littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : miller, tropique du capricorne
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