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08/02/2019

Calaferte vs Sartre

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Un soir, j’ai vu au fond du Café de Flore Jean-Paul Sartre entouré de nombreux jeunes gens, une cour autour de lui… (…) J’ai surtout trouvé ridicule qu’un homme de 45 ans tienne une cour de la sorte et je continue de trouver cela parfaitement grotesque. (…) Cet homme m’a paru être un farceur. Depuis, je l’ai lu et c’est plus qu’un farceur, c’est un imposteur. (…) Sa grande source a été Heidegger, naturellement, sa prétendue œuvre philosophique n’est rien de plus qu’une pesante broderie autour de cette grande pensée de notre siècle. L’essentielle différence est celle habituelle entre le maître et l’imitateur. Il y a perte de substance. Dans le cas de Sartre, à mes yeux c’est pis encore, ça relève de la pure fabrication. Tout peut être dit à ce propos en un mot : Heidegger est un poète, Sartre est l’anti-poète, c’est un esprit maigre, un esprit sec.
Ayant eu très jeune une expérience directe des hommes, j’ai rapidement flairé chez les individus ce qui est authentique et ce qui ne l’est pas. Sartre, c’est de la grimacerie ! Son théâtre a un côté scolaire. Ce sont des petites natures ! C’est le procédé de systématisation. Le facteur succès est primordial pour ce type de confectionneurs. Le succès n’est pas accidentel et l’insuccès non plus. Le succès est une chose simple : c’est l’adéquation entre un individu X et le courant général. Ce sont des gens qui ont une nature pour être en adéquation exacte avec l’air du temps. Seulement l’air du temps, ça passe et il est toujours quatre degrés au-dessous de la veine secrète qui sillonne le monde des idées comme le monde des faits, des évènements.

Louis Calaferte, extrait de « Une vie, une déflagration / Entretiens avec Calaferte » de Patrick Amine  
 
 
 
 

13/04/2009

Fuck l'OTAN (2)

Dédicace aux ami(e)s présent(e)s à Strasbourg voilà peu, et qui ont couru... vite.

"  - C’est là, dit Roudelort, écartant le rideau.

Il montra une salle, assez petite, plongée dans l’obscurité.

- Là quoi ? demanda Jérôme.

- C’est là qu’il parlait !

- Qui ?

- C’est là qu’à une dizaine de reprises au moins il a remis en question L’ORDRE DU MONDE.

- Mais qui, quoi ?

- Le Général !

- Le général ?

- Le général de Gaulle : C’est là que devant un parterre de cent ou deux cents journalistes de toutes nations, il donnait ses conférences. Le rideau s’ouvrait, il apparaissait sur une estrade, assis à un bureau, se détachant sur cette tapisserie des Gobelins… regardez bien ce lieu, un peu désuet sans doute, avec ses ors, ses velours, ses tapisseries, ce rideau de théâtre à l’ancienne, eh bien c’est là que ce vieil anarchiste, ce vieux fouteur de merde – plus fouteur de merde que vous autres gauchistes inoffensifs, a annoncé que les troupes américaines, les troupes de l’OTAN, devaient déguerpir de France avec armes et bagages ; c’est là qu’il a annoncé la construction par la France d’une force nucléaire indépendante ; c’est là qu’il a fait allusion à une défense tous azimuts, c’est-à-dire que nos missiles seraient tournés aussi bien vers l’Est que vers l’Ouest ; c’est là qu’il a affirmé qu’il fallait en finir avec la division du monde de Yalta, avec la vision schizophrénique de rideau de fer ; c’est là qu’il a réclamé une Europe de l’Atlantique à l’Oural, une Europe européenne, puissante à forte identité, une Europe des nations, point une Europe du marché, point une grande surface, une poubelle, c’est là qu’il a appelé à la renaissance de la Chine communiste ; c’est là qu’il a dénoncé, après son discours de Phnom Penh, la guerre menée par les Etats-Unis au Vietnam ; c’est là qu’il a remis en question une politique israélienne fondée sur une croyance à une victoire purement militaire sur le monde arabe ; mais c’est là surtout, crime suprême, qu’il a remis en cause, depuis le début des années 60 et jusqu’à la veille de votre farce manipulée de mai 68, le système monétaire international fondé sur la dictature d’un dollar en papier (…) : c’est là que, comme Harpagon, de Gaulle a réclamé aux Américains : " Ma cassette, ma cassette, mon or, rendez-moi mon or ! ", oui, ce vieillard indigne, cet implacable anar (anar de droite si vous voulez !) a réclamé contre la monnaie de singe du dollar son équivalent en or. (…) Gaulle-finger ! C’était une bombe dans la gueule de l’Amérique, un Pearl Harbor : et ça, à mon humble avis, c’est ce qu’on ne lui a jamais pardonné, cette remise en cause du dollar (…). 

Roudelort tenait ce discours en serrant fermement le bras droit de Jérôme, lequel écoutait cette tirade sans presque rien y comprendre. Au fond, il avait lu tout Sartre, tout Althusser, il avait dénoncé avec eux le " fascisme gaulliste ", sans avoir jamais lu une ligne de De Gaulle, ni rien compris à sa politique. Mais Sartre –ou Michel Foucault !- avaient-ils jamais essayé de comprendre de Gaulle ? Ils avaient tartiné des milliers de pages sur le " Pouvoir ", sans semble-t-il, avoir commenté ses conférences de presse ou ses Mémoires. Sans avoir abordé les problèmes économiques, monétaires. En eussent-ils été capables d’ailleurs ? Ces penseurs des sixties-seventies n’étaient-ils pas au fond des… cancres, drapés dans les obscurs oripeaux de leur style souvent abscons ? Des cancres littérateurs qui n’impressionnèrent que des cancres : comme moi Jérôme ! "

 Extrait de " MAOS " de Morgan Sportès

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