27/10/2025
"L'aventure..."
J'écoutais, à moitié ravi, cette discussion qui m'ennuyait. Depuis que le chirurgien de marine fréquentait assidûment notre toit, l'aventure me harcelait comme une fille coquette un jeune niais de belle figure. Je reconstruisais notre hôte dans sa vie passée. Je l'imaginais à bord des grands vaisseaux célèbres et j'entendais sa voix, qui me dominait, prodiguer les encouragements d'usage aux matelots blessés. J'essayais toujours, quelques fois vainement, de le ramener vers ce passé haut en couleur. Il donnait parfois dans mon piège et s'émerveillait des images qu'il déroulait au coin du feu. Mais il concluait toujours comme mon père que l'aventure était une duperie, plus exactement une rêverie particulière, et que les professions qui paraissaient les mieux faites pour la retenir étaient les premières à la réduire à néant.
"L'aventure, disait-il, c'est un divertissement spirituel pour des commis de bureau ou des adolescents trop choyés par leurs parents."
20:43 Publié dans où je lis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : mac orlan, pierre mac orlan, l'ancre de miséricorde
08/03/2025
A Kerninon...
04:52 Publié dans où je lis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : mac orlan, pierre mac orlan, les clients du bon chien jaune, folio junior
28/02/2019
Simone de Montmartre
Comme j’étais mal disposé,
un matin de pluie,
pour toutes les excentricités humaines
un ami me montra une photographie :
celle d’une femme nue et morte étendue sur un lit d’hôtel
à côté d’un homme vêtu et mort qui,
vu en raccourci,
ressemblait à un phoque rigide.
Simone n’avait pas changé sa coiffure ;
sa cloche reposait sur la cheminée
à côté d’une pendule dorée sans aiguilles.
Simone était incontestablement morte à côté de son ami.
Ils s’étaient suicidés aux sons du phonographe de la maison voisine :
— Some suny day… Swanie… Eleanor !… —
Et sur le ventre nu de la femme,
avant de mourir,
dans une suprême évocation du Mois de Marie,
l’homme avait écrit,
un doigt trempé dans l’encre,
ces mots : Priez pour nous !
Cette photographie venait d’un obscur bureau de police.
De mains en mains,
elle échouait dans les miennes.
Et l’image ridicule et démoralisante
je l’ai gardée dans ma mémoire
jusqu’au jour où j’ai résolu d’écrire cette histoire,
de la faire imprimer
et de la relire plus tard avec des yeux qui ne seront plus les miens
mais des yeux de promeneur imperméable
assis au crépuscule du soir s
ur le banc du corps de garde à la porte du Paradis.
Pierre Mac Orlan
« Simone de Montmartre suivi de l’Inflation sentimentale », 1924
06:51 Publié dans carottages littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : simone de montmartre, pierre mac orlan, mac orlan
 
 














 
  
  
  
 



