10/08/2020
Le nouveau "Damon"
« je pue le bouquiniste et la colle qui vieillit mal
mais j’ai encore une jolie couverture
et un jour tu auras tout lu
mes pages sont toutes collées
faudra bien que tu te mouilles les doigts »
20:23 Publié dans où je lis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : damon, un peu plus ample un peu moins moche, grégoire damon, éditions vanloo
28/07/2020
Où Woody parle de Diane
J’étais sur le point d’achever le casting d’"Une aspirine sur deux", il fallait simplement trouver la bonne actrice pour jouer Linda, le principal personnage féminin...
Entre sur scène une jeune fille dégingandée... tout juste sortie de sa cambrousse californienne, adepte des vide-greniers et des sandwiches au thon... Elle gagne sa vie comme employée de vestiaire, après avoir tenu l’espace confiserie d’un cinéma sur la côte Ouest, d’où elle s’est fait virer pour avoir mangé toute la marchandise...
Ce jour là, elle tenta de nous servir le boniment d’usage en guise de présentation.
Nous avions sous les yeux une rustaude...
Mais que voulez-vous que je vous dise, elle était géniale, Géniale à tout point de vue.
On dit d’une personnalité qu’elle illumine la pièce en entrant : elle, c’est un boulevard entier qu’elle illuminait.
"Soit dit en passant", Autobiographie, Woody Allen.
09:52 Publié dans où je lis | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : allen, keaton, soit dit en passant, amour
14/06/2020
Kem Nunn
Il repensa au magasin de son oncle Gordon, à la vieille porte grillagée, à la musique qui s’écoulait de la radio et se répandait sur l’allée de gravier, une chanson country après l’autre jusqu’à ce qu’elles n’en fassent plus qu’une, plus longue et plus assommante que le vent du désert sur King City et les hauteurs désolées au-delà, et soudain il eut l’impression de comprendre un peu mieux cette femme que Gordon avait un jour vue partir bras dessus, bras dessous avec un gommeux, accrochée à une promesse.
08:14 Publié dans où je lis, polar | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : kem nunn, nunn, surf city
15/05/2020
Il aurait eu un siècle aujourd'hui
« Un type qui porte un brassard est toujours une ordure, sauf s’il est en deuil. Un type qui porte un béret basque est toujours une ordure, sauf s’il est basque. Et voilà que les ordures à brassard succédaient aux ordures à béret ! Ça recommençait, bordel de merde ! Le premier patriote prenait la relève du dernier collabo ! Belote et rebelote ! Le maquisard ramassait sur le tapis encore poisseux le jeu du milicien et abattait les mêmes cartes douteuses. Déjà les anonymographes saturaient les services postaux : les concierges dénonçaient les faux juifs ; c’était reparti et bien !
J’ai surpris Hortense sortant du Comité d’Épuration avec cette aura de visitandine qu’elle avait en sortant, la veille encore, de la Kommandantur.
(...) »
10:16 Publié dans Ephéméride, où je lis | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : audiard, michel audiard, la nuit le jour et toutes les autres nuits
01/05/2020
Parce que c'était lui...
Qui est Romain Colomb ? Un lyonnais fonctionnaire des Impôts qui, sans jamais se prétendre historien, nous a laissé de précieux écrits consacrés à son cousin : Henri Beyle dit « Stendhal ».
« Un jour, quelque écrivain de talent s’occupera de Beyle ; j’aurais mis les matériaux sous ses yeux (…). Mon ambition se bornera à avoir été pour lui un chroniqueur sincère. »
L’homme nous narre l’enfance de celui dont il a été « le premier ami », à commencer par leurs attentats de jeunesse (tirer au pistolet sur un « arbre de la Fraternité »). Devenu l’exécuteur testamentaire de Stendhal, Colomb fera graver sur son monument funéraire la mention « Milanais », l’écrivain ayant « abdiqué sa qualité de français » dès 1840 pour quelques obscures raisons politiques.
Toute une vie… Que Beyle batte la campagne (d’Italie, de Russie) ou le pavé parisien, son cousin est toujours là pour nous le montrer en train d’accumuler le matériau indispensable à sa future œuvre… mais pas seulement. Le Stendhal qu’il nous dépeint aime aussi à « défigurer son nom, en y ajoutant quelque lettre », à « s’attribuer un titre ou une profession supposés », à passer pour une « fashion victim » à juste titre ou pour un « hypocrite méchant » sans jamais l’être réellement. Oui, Stendhal voit s’évanouir sa fortune en même temps que celle de Napoléon, et il prend « gaiement la chose », oui, il survit en signant des articles littéraires pour des magazines anglais, oui, il rédige une statistique du Sacré Collège afin d’aider Charles X à faire élire un pape français, oui, il ne voit absolument pas venir certains bouleversements politiques majeurs, oui, il lui arrive de « hurler avec les loups » aux dires même de son cousin, et cela ne l’empêche pas de se juger sévèrement dans le même temps (on songe à Drieu), « au fond, cher lecteur, je ne sais pas ce que je suis ; bon, méchant, spirituel, sot. Ce que je sais parfaitement, ce sont les choses qui me font peine ou plaisir, que je désire ou que je hais. », oui, Stendhal reçoit plus de ses amis qu’il ne leur donne, bien qu’il rende « le bâillement impossible dans le salon où il se trouve », oui, il enchaîne les séjours italiens et s’aperçoit… qu’il va avoir cinquante ans, oui, il rêve de recevoir la croix de la légion d’honneur en qualité « d’administrateur » et s’avoue blessé de la décrocher comme écrivain…
Oui, Romain Colomb aime son cousin, et il est conscient de sa valeur, mais jamais il ne sombre dans l’hagiographie. Oui, d’une certaine façon, Colomb n’a pas démérité de Stendhal.
F.Houdaer
« Notice sur la vie et les ouvrages de Henri Beyle dit Stendhal rédigée en 1854 par son cousin Romain Colomb »
(introd. de Gérard Guégan)
Éditions À Rebours
170p., 17 euros
ISBN : 2 915114 03 X
07:03 Publié dans C.A.P de lettres, où je lis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : stendhal, lyon, drieu la rochelle, napoléon, beyle, a rebours, guégan
15/04/2020
"Voyages" ?
« J’en vois. Prendre des notes est une espèce de maladie. Certains sont de vrais frénétiques. Mais ça n’a jamais rien donné de très remarquable – cette impression de refroidi, de vieux chewing-gums entre des mains hésitantes. Les choses doivent remonter d’elles-même, mériter leur place au grand jour. J’ai arrêté mes carnets pour cette raison. On ne peut valablement écrire que dans un sentiment de fragilité absolue. Et sans doute sauter dans un avion permet-il encore de récolter quelques détails subsidiaires, mais le plus gros doit être fait avant, quand on ne sait pas encore très bien où l’on va, que tout reste dans l’ombre, que tout est encore gratuit.
(…) Plus tard, la fiction s’impose naturellement. »
05:39 Publié dans où je lis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : voyage, voyages, djian, philippe djian
12/04/2020
(Re)lecture de saison
Il y eut sur la terre un moment, improbable avec le recul et en réalité bien bref au regard de l'histoire humaine, l'espace d'un clin d'œil plutôt qu'un moment, où il était possible de gagner sa vie uniquement en photographiant et en interviewant des gens connus. Sept ans avant la fin du monde, Jeevan Chaudhary décrocha une interview avec Arthur Leander.
Emily St. John Mandel
12:24 Publié dans où je lis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : station eleven, emily st john mandel
08/04/2020
Mirbeau
- Sainte Vierge !... Prêtre, toi !... Un garnement comme toi !... Mais c’est offenser le bon Dieu que de dire des choses pareilles !...
- Je veux me faire prêtre, nom de Dieu !... Prêtre, sacré nom de Dieu !
Et la mère s’évanouit, en disant :
- Ah ! J’ai donné le jour à l’Antéchrist !... Pardonnez-moi, Seigneur.
On consulta le curé, et le curé ne vit, dans cette vocation extraordinaire (…) qu’une grâce soudaine du ciel…
- C’est un miracle !... un grand miracle.
Mme Dervelle sanglotait.
- Mais il sacrait, monsieur le curé, il sacrait comme un païen.
- Ta, ta, ta, ta !... il sacrait… C’est bien évident, qu’il sacrait… Mais c’est l’esprit du mal qui s’en allait, ma bonne petite dame…
04:21 Publié dans où je lis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : mirbeau, octave mirbeau, l'abbé jules
28/03/2020
"L'ÎLE ATLANTIQUE" de Tony Duvert
Sans le moindre doute, le meilleur roman que j'ai lu depuis le début de l'année. Son auteur ? Tony Duvert (le très sulfureux). C'est paru en 79 chez Minuit. Mordillat en a tiré un téléfilm (pas vu). Ce n'est pas le plus important. Le plus important, c'est son écriture.
« Alain Viaux s’y intéresse aux touristes. Il n’irait pas les voir là où ils logent (quartiers pauvres d’époque, quartiers riches actuels) ; et il sait que les riches ne mettent pas les pieds dans les endroits sans visage où on habite. Mais il existe quelques régions intermédiaires, assez indigènes pour que Viaud y aille comme chez lui, assez singulières pour que les étrangers les visitent. La plage des Pins. Le Festival des Poteries, Coquilles peintes & Parasols. La rue piétonnière, avec ses chaînes où on se balance et ses commerces trop chers pour acheter, trop surveillés pour voler ; s’y promènent des gens beaux deux par deux, qui ne s’occupent que de se montrer avec la main, les yeux, combien ils se trouvent beaux l’un l’autre, et combien ils sont au-delà de ces sottises : les produits. A se demander pourquoi ils viennent tous ensemble, et aux mêmes heures, manifester – sourire voilé sur œil vitreux, œil alangui sur sourire mou – dans l’unique rue marchande de la ville, qu’ils sont au-delà de ça et n’ont de passion que pour l’amour d’eux-mêmes.
Lui, Viaux, il comprend très bien. C’est si luxueux d’être indifférent au luxe : mais où le montrer, sinon sur ces deux cents mètres de commerces ruineux ?
(…) C’est cela qu’il vient voir, Viaud, justement. Les mannequins, les pantins. C’est brillant et ça bouge comme à Noël. C’est une chance d’être une île touristique : on a ça toute l’année. C’est des têtes qui frappent. »
« Il n’y avait, à vrai dire, aucun mort. Cependant, Camille Gassé avait reçu une balle dans la poitrine. Il s’était évanoui. Personne ne savait quoi en faire.
Son frère Benoît retrouva instantanément le ton grand-bourgeois, et il s’indigna dignement contre Guillard comme il se serait plaint au directeur d’une agence de voyages dont le programme a mal tourné. Pour un peu, il l’aurait menacé d’un avocat, de poursuites, ou l’aurait traité de fils d’ouvrier. Il sentit, à temps, l’hostilité qu’inspirait son genre d’en haut ; on était plus de dix dans la grotte ; même François Boitard ne se ralliait pas à ces protestations prétentieuses ; Benoît eut donc une crise de larmes intéressantes, comme si quelqu’un de son milieu, par-dessus le toit, avait pu voir, apprécier, évaluer sa prestation sociale. On dévêtit Camille. Benoît bouda. Il y avait vraiment une blessure, avec un vrai trou rond, qu’on regarda. On écouta le cœur. Ça marchait. Mais comment arrêter ce sang, et où trouver, sans conséquences, un médecin ? Guillard appuya sur la plaie avec un chiffon. Dommage, pensait-il, que la balle n’ait pas atteint l’autre Gassé. »
11:56 Publié dans où je lis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : l'île atlantique, tony duvert, duvert, éditions de minuit, antpine brea, realpoetik