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20/07/2021

"Alors seulement..."

A Greenland, je ne fais pas que regarder l'herbe pousser. Je lis aussi.

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Derrière la dame du comptoir qui étageait des chiffres s’ouvrait toute une panoplie d’apéritifs. Le visiteur regarda les sirops et alcools de couleur avec mélancolie, avec envie, avec passion. Ses jambes se mirent à trembler; ses genoux s’entrechoquaient; il serra les poings, se tendit pour résister, soupira et cédant soudain à son désir, libérant brusquement son élan, bondit jusqu’à l’étagère; il rasa du bras cette pièce montée qu’était la coiffure de la caissière, s’empara au hasard d’une bouteille de quinquina, mit le doigt dans l’anse d’un bock en passant devant la desserte, non sans avoir saisi de l’autre main un siphon au vol, sauta à bas des deux marches et retomba sur sa chaise. Après avoir précipité dans son verre à bière l’eau de seltz et le dubonnet – et à la fois pour gagner du temps – il but d’un trait.
Alors seulement il s’aperçut qu’il n’avait jamais eu soif. 

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06/07/2021

Le sapin pousse dans les caves

— J'ai souvent entendu parler des détectives privés, mais je n'avais jamais eu l'occasion d'en voir un d'aussi près, fit-il. C'est peut-être impardonnable pour un écrivain, mais le fait est là. Et nous ne pouvons tout savoir et connaître. En quoi consiste exactement votre tâche?

— Nous filons surtout des maris pour le compte de leur femme et des femmes pour le compte du mari, expliquai-je. Parfois, ça va plus loin... Quand on commence une enquête, on ne sait jamais dans quelles ramifications elle va nous entrainer.
— Je vois...
Il prit brusquement un air aussi concentré que le lait qui fait les plus beaux nourrissons du monde :

... Des cas psychologiques intéressants ? Vous comprenez, je suis écrivain et...
— La vie est certainement plus compliquée et fertile en péripéties que tout ce que vous pouvez accumuler dans vos livres, dis-je. Mais elle est aussi plus secrète. Alors, n'est-ce pas ? Vous, avec votre imagination, vous concluez. La vie ne conclut pas.

Léo Malet
Le sapin pousse dans les caves

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04/07/2021

"De si jolis chevaux"

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Son père fumait. Il l’observait.
- Tu vois toujours la petite Barnett?
Il hocha la tête.
- Elle t’a plaqué ou c’est toi qui l’a plaquée?
- J’en sais rien....
- Alors c’est elle qui t’a plaqué.
- C’est ça.
Son père acquiesça. Il fumait. 

Cormac Mac Carthy, "De si jolis chevaux"

 

27/06/2021

"Une histoire orale d'Andrzej Zulawski"

Zulawski faisait partie de ces metteurs en scène qui, avant d’enclencher la production d’un film, sont absolument charmants, tout va bien. Au fur et à mesure de la préparation, on sent apparaître le metteur en scène exigeant, qui ne fera pas tellement de concession. Il jouait un peu les timides et les gentils. Et quand le film a démarré, on s’est aperçu que c’était un Monsieur avec des idées très, très, très précises. 

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Tournage de L’important c’est d’aimer :
Nous gardions la caméra basse volontairement, pour tourner Fabio Testi en ridicule. C’était notre secret avec Andrzej. Il devait marcher les jambes arquées pour être à notre hauteur. Il venait nous voir et implorait : ’Mes yeux, rendez-moi mes yeux !’ Mais on le filmait comme ça justement pour que son regard reste dans l’obscurité.
Selon Andrzej, ça lui donnait l’air plus futé. 
 
Une histoire orale d'Andrzej Zulawski, Matthieu Rostac & François Cau
 

11/06/2021

Retour de ma grosse baraque...

... sise à Greenland.
Là-bas, pas d'internet, mais de quoi lire.

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01/06/2021

Et vous...

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... quel prochain livre de poésie commanderez-vous ?

Pour le Tilman, c'est par ICI.

 

19/05/2021

Dirk Raspe # 3

Robert et Cyril restèrent face à face. Ils évitaient cela depuis longtemps. Ils s’aimaient tendrement, tous les Heywood s’aimaient tendrement ; mais ils avaient pris des chemins si différents. Pour se retrouver, il aurait fallu rebrousser ces chemins ; sinon, on ne pouvait que se héler d’un chemin à l’autre, se crier de loin des mots incompréhensibles ou blessants. Leur tendresse maintenant consistait à feindre de s’oublier l’un l’autre. 

"Mémoires de Dirk Raspe"

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15/05/2021

Né un 15 mai

gary,romain gary,au-delà de cette limite votre ticket n'est plus valable

 

- Jacques, qu'est-ce qu'on va devenir, mais qu'est-ce qu'on va devenir ? Ce n'est pas... enfin, ce n'est pas humain, le bonheur... On se sent menacés...

- Ca s'arrangera peut-être...

- Comment veux-tu que le bonheur, ça s'arrange ?

Ta voix se casse.

- J'ai peur, Jacques. Je suis tellement heureuse avec toi que... je ne sais pas... je me sens tout le temps menacée...

- Ecoute, la vie ne va pas se fâcher parce que tu es heureuse. on peut dire tout ce qu'on veut de la vie mais une chose est certaine : elle s'en fout. Elle n'a jamais su distinguer le bonheur du malheur. Elle ne regarde pas à ses pieds.

 

13/05/2021

Dirk Raspe # 2

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La vue de ces dessins provoqua un malaise. Louise aimait la poésie, les arts ; mais elle était de ces bonnes gens qui ne peuvent admettre un ouvrage que déjà assimilé par d’autres. Il faut que les autres le leur donnent, l’ayant déjà accepté. Pour eux, un artiste, c’est quelqu’un de déjà fait, qui leur vient d’un monde inconnu et révéré, ce ne peut être quelqu’un d’entre eux, quelqu’un qui naît. Ces dessins étaient très faibles, remplis d’une timidité pitoyable. Ils dirent que c’était faible. C’est cela qui aurait dû leur plaire, les rassurer. Après tout, il y avait peut-être dans ces dessins une pointe de vie, quelque chose d’insolite, d’inquiétant. Par exemple, cette prédilection pour les pauvres, cette obsession des pauvres. Etaient-ce les pauvres de Robert ? Celui-ci ne les reconnaissait pas. Il ne pouvait pas plus reconnaître la pauvreté surgissant dans l’art, que Louise ne pouvait reconnaître la vie surgissant dans l’art.
Ils avaient le droit, le devoir de les condamner. Il y a quelque chose de fort, de nécessaire, de sacré, dans cette méfiance des hommes devant l’apparition de l’art. Cette apparition n’est bien souvent qu’une vaine allusion, une prétention infirme. Et l’art, c’est une menace autant qu’un danger pour la vie. Ils étaient la vie. Devant ce danger, eux qui s’étaient tant démis de la vie, redevenaient la vie.