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26/08/2021

"bougnats et mastroquets..."

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En marge de Saint-Germain-des-Prés, il reste des bistrots ignorés du public interlope et qui ont chacun plus d’intérêt à mes yeux que les autres réunis. Ainsi tous les bougnats et mastroquets de la rue des Canettes qui vivent très loin du monde snobinard dit littéraire ou de celui pétrifié dit religieux qui les encadrent, et ne sont fréquentés que par les petits rentiers, commerçants, ouvriers, vieux et vieilles prêts pour l’hosto qui crèchent les uns sur les autres dans les maisons ventrues, et sous les toits mansardés de la rue Guisarde, population bistrotière dont les conversations ne dépassent pas la météorologie, la politique à petite semaine, les affres de la nourriture quotidienne, les derniers ragots pas bien méchants sur le voisin et les distractions s’arrêtent au domino, à la belote, au nain jaune, à la manille, et les consommations ne vont pas au-delà de trois verres. J’ai couché plus qu’habité, dans le plus discret hôtel de la rue, chez le père Jules, et l’étrange tranquillité, faite de silence respecté, de fatigue accumulée, d’obscurité économique, m’en semblait d’autant miraculeuse, qu’à moins de dix mètres le tabac du coin faisait un raffut de tous les diables, mais qui ne parvenait pourtant pas à faire le tour de la boulangerie jusque-là. Et son immense salle commune est encore le paradis du scribouilleur qui cherche un havre de paix pour pondre ses pages d’écriture, sans qu’il soit besoin de renouveler une consommation prise la matin et dont la tasse refroidit jusqu’au soir. 


PARIS INSOLITE de Jean-Paul Clébert, éd. Attila

« Le livre le plus étonnant, le plus vivant, le plus Mystères de Paris qui soit éclos depuis les vagabondages d’un Gérard de Nerval. »
René Fallet, Le Canard enchaîné, 08 10 1952

« Une purée déconcertante et féérique »
Kléber Haedens, Paris Presse, 21 10 52

« Un récit de voyage où tout est vrai, même la légende. Et qu’importe ? »
Georges Arnaud, Arts, 29 11 52

24/08/2021

UNE TERRA INCOGNITA ETRANGEMENT FAMILIERE

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Longtemps avant « Jusqu'où la ville », Fabienne Swiatly a publié son premier roman.

Dès le début, « on ne voit pas si c’est une femme ou encore une enfant, celle qui se tient debout au milieu des ruines ». Ce qui est certain, c’est que l’anti-héroïne de Swiatly s’affaire. Pas n’importe comment, pas n’importe où, pas n’importe quand. Elle cherche du charbon en plein Berlin année zéro. Pas un décor déjà vu pour Swiatly, mais un épicentre invivable qu’elle sait nous faire redécouvrir, ressentir, sans misérabilisme. L’écriture de Swiatly n’a rien perdu de sa précision (qui a peu à voir avec l’objectivité, et permet au roman d’échapper aux chausse-trappes du naturalisme).

La femme allemande se tient debout au milieu des ombres qui habitent « sous terre même si les bombes ne tombent plus ». Sachant pertinemment que « la guerre dure plus longtemps que les accords sur papier », que les soldats vainqueurs qui défilent représentent un danger. Elle va suivre (choisir ?) l’un d’eux, pourtant.

D’une langue l’autre, la voilà qui passe par la case « Lorraine ». Elle y passe et s’y arrête. Pour toujours. La transition n’en était pas une. Encalminée dans un quotidien marqué par les enfants, les 3 /8 du mari à l’usine (longtemps qu’il n’est plus le beau soldat à l’uniforme à la taille cintrée), les regards des beaux-parents sur l’étrangère…

Mais là encore, nul manichéisme chez Swiatly. Le mari n’a rien d’un salaud, les femmes entre elles se convainquent volontiers que le malheur est contagieux. Pour finir ? Pour finir, « la femme allemande mourra en pays étranger ».

 

Frédérick Houdaer

 

Une femme allemande

de Fabienne Swiatly

éditions La fosse aux ours

120 pages, 16 €

ISBN 978 2 912042 98 9

21/08/2021

" les seules histoires... "

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(…) les seules histoires qui m’intéressent vraiment sont celles dont je suis sûr, dès le début, qu’elles ne sont jamais arrivées, qu’elles n’arriveront jamais, qu’elles ne peuvent pas arriver. J’estime qu’une histoire impossible, du seul fait qu’elle n’a pas, pour se justifier d’être, une quelconque prétention documentaire ou idéologique, a toutes les chances de contenir beaucoup plus de vérité profonde qu’une histoire simplement plausible. En quoi je suis peut-être – je dis ça pour me consoler – plus réaliste à ma manière que tous ces gens qui croient aimer la vérité, et qui passent leur vie à se laisser bêtement imposer des mensonges insipides – vraisemblables justement dans la mesure où ils sont insipides ! 


Extrait de la préface des Contes de la rue Broca de Pierre Gripari

 

20/07/2021

"Alors seulement..."

A Greenland, je ne fais pas que regarder l'herbe pousser. Je lis aussi.

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Derrière la dame du comptoir qui étageait des chiffres s’ouvrait toute une panoplie d’apéritifs. Le visiteur regarda les sirops et alcools de couleur avec mélancolie, avec envie, avec passion. Ses jambes se mirent à trembler; ses genoux s’entrechoquaient; il serra les poings, se tendit pour résister, soupira et cédant soudain à son désir, libérant brusquement son élan, bondit jusqu’à l’étagère; il rasa du bras cette pièce montée qu’était la coiffure de la caissière, s’empara au hasard d’une bouteille de quinquina, mit le doigt dans l’anse d’un bock en passant devant la desserte, non sans avoir saisi de l’autre main un siphon au vol, sauta à bas des deux marches et retomba sur sa chaise. Après avoir précipité dans son verre à bière l’eau de seltz et le dubonnet – et à la fois pour gagner du temps – il but d’un trait.
Alors seulement il s’aperçut qu’il n’avait jamais eu soif. 

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06/07/2021

Le sapin pousse dans les caves

— J'ai souvent entendu parler des détectives privés, mais je n'avais jamais eu l'occasion d'en voir un d'aussi près, fit-il. C'est peut-être impardonnable pour un écrivain, mais le fait est là. Et nous ne pouvons tout savoir et connaître. En quoi consiste exactement votre tâche?

— Nous filons surtout des maris pour le compte de leur femme et des femmes pour le compte du mari, expliquai-je. Parfois, ça va plus loin... Quand on commence une enquête, on ne sait jamais dans quelles ramifications elle va nous entrainer.
— Je vois...
Il prit brusquement un air aussi concentré que le lait qui fait les plus beaux nourrissons du monde :

... Des cas psychologiques intéressants ? Vous comprenez, je suis écrivain et...
— La vie est certainement plus compliquée et fertile en péripéties que tout ce que vous pouvez accumuler dans vos livres, dis-je. Mais elle est aussi plus secrète. Alors, n'est-ce pas ? Vous, avec votre imagination, vous concluez. La vie ne conclut pas.

Léo Malet
Le sapin pousse dans les caves

léo malet,malet,nestor burma

 

 

04/07/2021

"De si jolis chevaux"

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Son père fumait. Il l’observait.
- Tu vois toujours la petite Barnett?
Il hocha la tête.
- Elle t’a plaqué ou c’est toi qui l’a plaquée?
- J’en sais rien....
- Alors c’est elle qui t’a plaqué.
- C’est ça.
Son père acquiesça. Il fumait. 

Cormac Mac Carthy, "De si jolis chevaux"

 

27/06/2021

"Une histoire orale d'Andrzej Zulawski"

Zulawski faisait partie de ces metteurs en scène qui, avant d’enclencher la production d’un film, sont absolument charmants, tout va bien. Au fur et à mesure de la préparation, on sent apparaître le metteur en scène exigeant, qui ne fera pas tellement de concession. Il jouait un peu les timides et les gentils. Et quand le film a démarré, on s’est aperçu que c’était un Monsieur avec des idées très, très, très précises. 

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Tournage de L’important c’est d’aimer :
Nous gardions la caméra basse volontairement, pour tourner Fabio Testi en ridicule. C’était notre secret avec Andrzej. Il devait marcher les jambes arquées pour être à notre hauteur. Il venait nous voir et implorait : ’Mes yeux, rendez-moi mes yeux !’ Mais on le filmait comme ça justement pour que son regard reste dans l’obscurité.
Selon Andrzej, ça lui donnait l’air plus futé. 
 
Une histoire orale d'Andrzej Zulawski, Matthieu Rostac & François Cau
 

11/06/2021

Retour de ma grosse baraque...

... sise à Greenland.
Là-bas, pas d'internet, mais de quoi lire.

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01/06/2021

Et vous...

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... quel prochain livre de poésie commanderez-vous ?

Pour le Tilman, c'est par ICI.