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18/09/2025

"Le chien de guerre et la douleur du monde"

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Nous pouvions sentir l’odeur de la chair morte ; des mains cadavériques cherchaient à nous saisir. Et d’autres encore approchaient derrière les premiers cavaliers : les choses qui couraient, mi-singes, mi-hommes, vêtus de bandelettes de cuir nouées, portant des épieux et des massues en bois, avec des dents comme des défenses. Et derrière eux venaient des guerriers au visage mince, au corps élancé, la chevelure grise flottant au vent, portant une livrée verte et blanche, sans cuirasse. Ceux-ci tenaient de grandes épées à deux mains et guidaient leurs chevaux avec leurs cuisses. Et à côté d’eux se trouvaient des démons, tout en cornes et en pustules, chevauchant des créatures monstrueuses, et il y avait des femmes aux dents limées en pointe, et des femmes avec des groins de porc, et des apparitions dont la chair semblait liquide, et des lézards géants portant des singes, et des autruches montées par des lépreux en armes, et des choses encapuchonnées qui croassaient - et nous galopions toujours, juste devant eux, tandis que Sedenko lançait un appel plaintif à Dieu, au tsar et à sainte sophie ; quant à Groot, exténué, il ne parvenait plus à conserver son allure élégante.

 

14/09/2025

"Composition française"

Achetez du Pierre Louÿs tout frais illustré par Foujita ! Arrivage des Mémoires du baron Marbot et des huit volumes, en forme de colins, de la Géographie Universelle d’Elisée Reclus. Tout est à vendre. Un vieillard remplissait son cabas de tranches de Simenon qu’il se proposait de faire gratiner, sur sa table de chevet, à la lueur d’une lampe. Ainsi, sous les ponts de Paris, coule toute la culture du monde qui attend les crues du fleuve pour se déverser dans les boîtes des bouquinistes. Baudelaire en huit saumons énormes qui luisent sous la mince pellicule de glace d’un papier transparent. Jamais nous n’aurions cru qu’il avait tant écrit, celui-là. Mais à propos de qui et sur quoi ? Impossible de le savoir car le bouquiniste-poissonnier refuse que l’on brise la couche de glace en laquelle sont conservés les saumons baudelairiens. Impossible de leur ouvrir le ventre et de manger leurs oeufs.

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17/08/2025

Soluto

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Cela fait longtemps que je n’avais pas lu un roman de plus de 500 pages aussi rapidement.
Fluidité de la narration, précision de la phrase (j’allais écrire “du trait”). Car les qualités de l’auteur Soluto sont celles du dessinateur et du peintre du même nom (voir son blog) : d’abord et avant tout un oeil, une capacité à rendre au plus juste, à restituer l’essentiel d’une situation, deux-trois personnages à l’instant T dans un lieu donné, sans surcharge psychologisante… Tout étant dans le détail.
Mais dans ce premier roman, Soluto va plus loin que de croquer des scènes, il les prolonge, il les fait résonner, il les fait s’articuler ensemble au point d’obtenir une machinerie infernale. Il raconte. Quoi ? La désintégration d’une famille. Puisque dans toute bonne narration, chaque acte a des conséquences, parfois inattendues. Souvent cruelles.
Soluto ne porte jamais de jugement moral sur ses personnages. Leurs fautes ne sont pas si gigantesques que cela, et pourtant… Chéri-Bibi prononcerait sa fameuse formule Fatalitas, Gurdjieff évoquerait l’horreur de la situation. Soluto, lui, jamais n’appuie sa narration. Simplement, il va jusqu’au bout de chacun de ses personnages. Personne n’en sort évidemment indemne.
Le style (le jeu) de Soluto ? Son refus des lourdeurs le rapproche d’un Simenon ou, plus proche de nous, d’un Pascal Garnier, m’a-t-il semblé.
Hâte de lire les nouvelles de ce même Soluto, publiées aux Editions Le Dilettante.
 
Soluto, Redites-moi des choses tendres, Editions du Rocher.
 

24/07/2025

"l'histoire des moyens d'existence"

L’histoire des Lettres est aussi l’histoire des moyens d’existence de ceux qui ont pratiqué l’art d’écrire « à travers les âges ». On y trouve toutes les solutions possibles du problème de vivre en dépit de l’esprit qu’on a : la flatterie, la louange des grands, des riches ou du peuple ; la mendicité ; l’escroquerie ; le vol à main armée ; l’exploitation des femmes ; l’extorsion de fonds sous menace ; l’exercice de professions quelconques, auxquelles on dérobe le temps de songer et d’écrire. (…)

En somme, Homère mendiait ; Virgile avec Horace flattaient ; Villon pillait ; l’Arétin savait bien des choses… Sous Louis XIV, on vise aux pensions. Que de parasites sous Louis XV ! Balzac s’épuise en faillites savantes. Lamartine quête. Verlaine vit d’expédients et d’aumônes. 

 

Paul Valéry

 

 

13/06/2025

au sujet de la Première Guerre Mondiale

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Je l’ai compris fort tard : on nous avait trompé sur les causes de la guerre, sur les responsabilités qu’elle impliquait, sur la façon dont elle était menée, sur la valeur et les intentions des chefs civils ou militaires, sur la volonté des peuples et sur notre propre état d’esprit. Nous avions vécu dans l’imposture sans le savoir.
Nos morts étaient morts en croyant vraies des choses fausses. Et chez nos adversaires, il en était de même. Imposture contre imposture. Et sur l’une des deux, celle qui avait triomphé par la seule force du nombre, on avait construit la paix en obligeant les vaincus à lâcher leur tricherie pour la nôtre.

Robert Poulet (au sujet de la Première Guerre Mondiale), Ce n’est pas une vie

 

08/03/2025

A Kerninon...

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A Kerninon, la vie était sauvage, quelquefois féroce. La plupart des hommes vivaient de la pêche ou pillaient les épaves. Nous adorions le feu et l’eau et notre misère était parfois si grande que trois jeunes filles du pays se firent voleuses et moururent sur l’échafaud très loin, à Nantes, je crois bien. Elles s’appelaient Marion du Faou, Yvonne Guigin et Rose Banec. Chez nous, on priait pour le repos de leurs âmes, car nous confondions ingénument le bien et le mal. 
 
Pierre Mac Orlan
 

25/01/2025

G.

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Ai-je raison de penser que plus la littérature est téméraire et d’un accès difficile, plus elle devrait retourner vers des formes anciennes, faciles, auxquelles les lecteurs se sont habitués ? 

Gombrowicz (extrait de sa préface de « La pornographie », préface que je vous recommande de lire après le roman)

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23/01/2025

Lecture d'insomnie

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Une anthologie concoctée par Jacques Chambon autour du thème « le voyage dans le temps », l'un des plus beaux champs de manœuvre que la S.F. se soit jamais proposé.
Tous les auteurs ne font pas le choix du spectaculaire. Certains vont parfois tellement loin dans l’intime que leur histoire peut faire songer à… une nouvelle (revisitée) de Carver.
Les paradoxes poético-temporels abondent.
Le plaisir de retrouver quelques auteurs comme Silverberg, la joie d’en découvrir certain-e-s (ex : Kit Reed).
 

17/01/2025

Un artiste, un vrai

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- Tu lis des trucs, en ce moment ?
- Je te rappelle qu’on me paie des millions de dollars pour ça.
- Tu lis quoi ?
- Entre autres, l’étrange bio de David Lynch.
- T’apprends des trucs ?
- Plein.
- Par exemple ?
- Qu’on lui a proposé de tourner « Le retour du Jedi » juste avant qu’il fasse « Dune ».
- C’est dingue. Ça aurait tout changer au Star Wars VI !
- Les Ewoks auraient eu une autre gueule.
- Même que c’est pas Dorothée qu’aurait chanté leur chanson !
- Voilà où je voulais en venir.