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27/11/2024

"Nightmare Alley"

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L’unique roman* traduit en français de William Lindsay Gresham, deux fois adapté au cinéma**. Chacun de ses chapitres s’ouvre avec une lame du tarot, cela commence par Le Mat/Fou, et cela s’achève avec… Le Pendu.

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« Le langage le fascinait. Son oreille attrapait le rythme et il notait certaines tournures de phrases qu’il réutilisait ensuite dans son boniment. Il avait découvert la raison pour laquelle les vieux machinistes forains acceptaient de parler de cette manière traînante très particulière – c’était un ramassis de tous les dialectes des diverses régions de ce vaste pays. Un langage qui, aux oreilles des habitants du Sud, avait une résonnance méridionale, et occidentale aux oreilles des gens de l’Ouest. C’était le parler de la terre, et sa lenteur affichée servait à masquer l’agilité du cerveau qui lui donnait naissance. C’était une langue apaisante, illettrée, sortie de l’humus même. »

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Quand un charlatan (ex-forain) rencontre une psy redoutable et cherche à fomenter avec elle une escroquerie de haut-vol :
« La main de Lilith se glissa sous son bras et, d’une légère pression, guida Stan à travers l’avenue dans la direction de l’immeuble où elle habitait, où elle exerçait sa branche particulière de magie et gardait sous clé dans son fichier mille renseignements précieux. Là aussi où elle prescrivait aux gens ce qu’ils devaient faire le jour suivant lorsque leur prendrait l’envie de boire, de casser quelque chose, de se suicider à l’aide d’une dose excessive de somnifère, de trousser la femme de chambre, bref d’accomplir ce dont ils avaient si peur qu’ils étaient prêts à lui offrir vingt-cinq dollars de l’heure pour apprendre pourquoi il était bon qu’ils le fassent ou qu’ils continuent de le faire ou, au contraire, comment ils pourraient s’arrêter de le faire ou cesser de le désirer, ou cesser d’y penser ; ou bien alors qu’elle leur indique le moyen de manigancer autre chose qui soit presque aussi bon ou quelque chose de mauvais, mais qui les aide à se sentir mieux, ou tout simplement quelque chose qui les rende capable de faire quelque chose. »

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Un roman sidérant (freak show où Freud, Ouspensky et Houdini sont évoqués), une spirale descendante d’une noirceur et d’une profondeur dignes de Selby bien que publiés vingt-cinq ans avant Last exit to Brooklyn. Nick Toshes lui-même, dans la préface qu’il signe, parle de « lyrisme malfaisant ». Pour évoquer W.L.Gresham, il évoque un « lettré des caniveaux qui explore les étoiles en même temps qu’un lettré céleste qui explore les caniveaux ». Philippe Garnier, lui, traitera Gresham de « Tristan Corbière du Maryland » (tiens, tiens…).

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P.S. : allez lire la fiche Wikipédia de l’auteur et pincez-vous. Elle dépasse largement la courte bio au dos de la Série Noire : « Né en 1909 à Baltimore, William Lindsay Gresham a eu une vie marquée par la guerre, la maladie et l’alcoolisme. En quête d’apaisement spirituel, il s’est notamment tourné vers le marxisme, la psychanalyse, le tarot et le bouddhisme. Il est l’auteur de deux romans, Nightmare Alley et Limbo Tower, d’un court texte sur les Gitans, Le peuple du grand chariot, et de trois essais, dont un sur Houdini. Il s’est suicidé à New York en 1962. »
 
* : Le peuple du grand chariot a été récemment traduit en français grâce aux Editions Le passager clandestin.
** : Une première fois adapté au cinéma en 1947 (Le Charlatan avec Tyrone Power), la seconde fois avec le remake très dispensable de Del Toro. Les deux films édulcorent considérablement l’histoire originale.
 

03/11/2024

J.G. alias M.

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Giraud dessinait pour le plaisir dans son carnet de croquis ou sur un rond de bière, poursuit Patrice Leconte. Il dessinait comme d’autres chantonnent, tout en continuant à discuter, « oui, j’ai vu ce film, bof, pas terrible », c’était fou ! Giraud était un mutant, je ne vois pas d’autres explications. Quand il croquait un personnage, il commençait par sa botte gauche, puis il attaquait les ombres, la poussière, comme s’il était en train de repasser à l’encre un crayonné préexistant. J’avais l’impression qu’il projetait dans son cerveau le dessin terminé. Je n’avais jamais vu personne faire preuve d’une telle facilité. Il n’y avait ni rature ni repentir, et il lui arrivait de représenter l’ombre portée avant même d’attaquer le personnage.

 

02/10/2024

de Spens

de spens,willy de spens,hussard malgré lui,drôle de guerre

Une fois de plus, je n’avais pas de chance car elle venait trop tard pour moi, cette guerre, alors qu’enfin la vie m’adressait quelques sourires. Je me sentais fin prêt pour combattre et mourir, quelques années plus tôt, la guerre me semblait la dernière aventure possible dans la pauvreté de ma vie. Et puis voilà que la guerre survenait, alors qu’elle ne m’intéressait plus. Je la détestais fermement, au contraire, elle m’arrachait à tout ce que j’avais appris à aimer. 

 

31/08/2024

C'est fini ?

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04:33 Publié dans où je lis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : vacances, lecture

23/08/2024

"diviser par quatre..."

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Les années passèrent, c’est-à-dire qu’il fallut diviser par quatre le nombre des saisons. De tout ce temps, aucun mort ne fut à déplorer, quoique régulièrement, à la fin d’une journée un peu plus silencieuse, on crut pouvoir penser qu’une période s’achevait, et elle s’achevait en effet : ainsi sommes-nous chassés lentement. 

Frédéric Berthet, Simple journée d’été

 

10/08/2024

Le Havre # 2

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A la question "Pourquoi Le Havre ?", ma meilleure réponse : "Pour respirer".

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Autrement ? Lire POULET (Robert) rue POULET (Edgar).

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Autrement (bis) ? Plusieurs jours que j’espionne les goélands… Je sais maintenant où George Miller a puisé l’inspiration pour sa saga Mad Max.
Mon film des vacances, c’est Mad Max filmé par Allain Bougrain-Dubourg.

 

31/07/2024

Trouvaille de boîte à livres

Trouvaille de boîte à livres : un titre de la fameuse collection Défis fantastiques, un livre dont vous êtes le héros.
Et cette formidable entrée en matière :

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16/07/2024

"onze ans"

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Je pouvais avoir onze ans et je n’étais plus un novice à Saint-Christophe où je commençais ma seconde année. Mais si mon malheur n’était plus celui du déracinement et de la divagation dans l’inconnu, il n’en était que plus profond sous sa forme calme, réfléchie et comme définitive. A ce moment-là, j’avais fait le recensement de mes misères et je n’attendais de lueur d’espoir de nul horizon. J’avais tiré un trait sur les maîtres et sur le monde de l’esprit auquel ils étaient censés nous initier. J’en étais arrivé au point – mais me suis-je jamais départi de cette attitude ? – de considérer comme nul et radicalement disqualifié tout auteur, tout personnage historique, toute œuvre, toute matière d’enseignement quelconque, dès l’instant que les adultes paraissaient se l’être approprié et nous l’octroyaient en nourritures spirituelles. Par bribes, en feuilletant les dictionnaires, en glanant ce que je pouvais dans des ouvrages de compilation scolaire, en guettant dans un cours d’histoire ou de français l’allusion fugitive à ce qui m’importait au premier chef, je commençai à me constituer une culture en marge, un panthéon personnel où voisinaient Alcibiade et Ponce Pilate, Caligula et Hadrien, Frédéric-Guillaume Ier et Barras, Talleyrand et Raspoutine. Il y avait une certaine façon de parler d’un homme politique ou d’un écrivain – en le condamnant certes, mais cela ne suffisait pas, il y fallait autre chose encore – qui me faisait dresser l’oreille et soupçonner qu’il s’agissait peut-être de quelqu’un des miens. 

Michel Tournier, Le Roi des Aulnes 

 

21/06/2024

"il y eut un morceau de mon enfance..."

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Si j’anticipe c’est qu’en écrivant j’ai senti brutalement qu’il y eut un morceau de mon enfance où, tout en sachant que dans un certain temps je serais "grand", le souhaitant avec impatience, je croyais que j’irais toujours au cirque et que toujours je jouerais. 
 
Jacques Laurent, Histoire égoïste