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03/06/2024

Les dangers du rail

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Le chemin de fer inspirait encore de la peur. On n’était pas si loin de la grande peur du XIXe que le guide Chaix combattait alors avec des arguments sublimes, non pas en essayant de rassurer le voyageur comme on aurait fait au XXe mais en jouant sur son goût du risque et sur son mépris de la mort. Ce vieux guide qui figurait dans les arrière-fonds de la bibliothèque de mon père proclamait : « C’est une grande erreur de chercher un préservatif contre la crainte de la mort dans l’éloignement de l’idée d’une catastrophe dont rien ne peut nous préserver. C’est un préjugé de croire que l’on souffre beaucoup en mourant. Les convulsions, les angoisses, les gémissements de quelques personnes mourantes ne doivent pas nous en imposer. Ces signes, ces accidents ne font souffrir que le spectateur et non le mourant qui ne ressent rien. Pensons souvent à ceux qui nous ont précédés, à ces êtres si chers à notre cœur qui semblent nous inviter à aller les rejoindre dans des régions que la faiblesse de notre vue ne nous permet pas d’apercevoir. Si vous êtes profondément pénétrés de ces préceptes sages, moraux et vrais, vous pouvez entrer dans un wagon sans éprouver la crainte d’une de ces rares catastrophes dont les chemins de fer ont été le théâtre. »
Le rail inquiétait donc assez mon père pour qu’il nous remît au départ une case écrite de sa main qui portait « bien arrivés, baisers ». Elle était timbrée ; il suffisait de la glisser dans une fente postale, au terminus. 
 
Jacques Laurent, Histoire égoïste
 

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