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13/10/2013

Pourquoi publier de la poésie ? # 1

 

C’est la question que je me suis posée un peu plus intensément ces derniers jours, après avoir renoncé à publier un(e) poète(sse) au dernier moment (le re-travail sur le manuscrit avait été fait, les contrats étaient prêts).

Pour commencer à y répondre, j’ai envie d’évoquer une expérience marquante dans mon petit parcours éditorial. L’anecdote (aussi cruelle que fondatrice pour moi) remonte à ce jour où, au terme d’une aventure éditoriale de presque quatre ans, je cessai de m’occuper d’une collection de romans francophones chez un petit éditeur (les éditions A plus d’un titre). L’aventure prenait fin pour moi, pour des raisons strictement personnelles, sans rapport avec le relatif insuccès des huit titres que j’avais sortis (un seul avait rencontré son public, « Les ruines de la future maison » d’Hélène Dassavray, critique élogieuse dans le Canard Enchaîné, premier tirage de 1500 ex. épuisé… le Pérou).

L’aventure prenait donc fin et j’essayais de faire un bilan en présence de certains des auteurs que j’avais défendus. Si j’avais sans doute commis des erreurs, je n’avais aucun regret (n’avais-je pas aidé à la parution de deux ouvrages aussi formi-formidables et opposés que « Aux vents » de M.Pellacoeur et « Shopping Bang Bang ! » du tandem Flahaut-Labedan ? J’en étais et en suis toujours fier). J’étais - cette fois - également convaincu que publier des romans dans la petite édition était une mission vaine (pour des raisons que je ne développerai pas ici),  qu’il y avait autre chose à faire dans la petite édition. Alors que je dressais ce bilan à voix haute, j’ai lâché comme une évidence que, de toute façon, n’ayant jamais gagné le moindre euro dans cette aventure, je n’avais jamais raboté ma liberté d’initiative, etc, etc.

Je me suis sans doute écouté parler à cet instant, et n’ai pas tout de suite compris la réaction des personnes autour de moi. Je ne l’ai pigée que plus tard. J’ai pigé que certains de mes proches ne m’avaient tout simplement… pas cru quand j’avais rappelé ne pas m’être fait un centime dans l’histoire.

Et alors, me  direz-vous ? Et alors, je crois que c’est l’un des souvenirs les plus cuisants de ma vie. Que de nombreux auteurs ignorent la réalité économique de la petite édition, c’est une chose (même si je leur trouve de moins en moins d’excuse). Que des proches me méconnaissent à ce point en est une autre (voir "Fire Notice" pge 26).

Aujourd’hui, grâce au soutien de Jean-Marc Luquet, c’est la poésie que je veux défendre au Pédalo Ivre. Pas n’importe laquelle. Dans le jeu des sept familles de la poésie, il y en a deux qui me tiennent particulièrement à cœur (lesquelles ? Ben, lisez ce qui est déjà publié au Pédalo Ivre pour vous faire une idée). Et il y a beaucoup, beaucoup de choses à faire (des éditeurs aussi remarquables que Les Carnets du dessert de lune, Gros Texte, Les Etats Civils, Le Pont du Change, Pré Carré, Color Gang, La Passe du Vent, Cousu Main et quelques autres ne peuvent y suffire).

Les enjeux financiers de la poésie étant à peu près nuls, j’ai cru pouvoir avancer sur un terrain relativement déminé. Erreur. Bien sûr, il y a les egos. Mais je n’ai jamais craint les egos un peu forts, du moment qu’ils s’accompagnaient d’une véritable générosité, d’une prise de risque authentique.

Je publie donc des poète(sse)s, pas des princes(sses) au petit pois. Des gens qui prennent et qui donnent, pas ceux qui se croisent les bras au bord de la piscine, pas ceux qui sortent de la cuisse de Jupiter (qu’ils y retournent). Exit, les petits malins qui n’ont jamais lu un titre publié au Pédalo Ivre et qui m’envoient leurs z’œuvres en pièce jointe sans me demander si je ne préfèrerais pas une version papier.  À cette engeance, je dis simplement : je ne suis pas là pour vous servir.

Bref, donc, en résumé, au milieu des derniers hommes et des princesses au petit pois, pourquoi publier de la poésie ? Pour prouver que la vie est autre chose qu’une course de rats. Mais peut-être que j’ai tort, peut-être que c’est Ptiluc qui a raison.

 

Ptiluc.png


Mauvais exemple... À bien y réfléchir, je pense avoir trouvé beaucoup de poésie, gamin, dans les B.D de Ptiluc.

 

06/10/2013

Streaming gratuit

 

s'asseoir et regarder la mer

et regarder la mer en streaming ce n'est pas la même chose que

s'asseoir et regarder la mer ou s'asseoir

et regarder un feu de bois

téléchargé légalement

 

et pas seulement parce que

le streaming a des ratés

boulottée-nettoyée sans pitié la mémoire-tampon

soleil blanc fait la roue sur l'image arrêtée

 

ce n'est pas la même chose un canapé en cuir sous feu téléchargé

que mon vieux clic-clac de récup indisposé

qui coule qui coule

mon vieux canapé à

homicides

 

Grégoire Damon, "MON VRAI BOULOT" (éd. Le Pédalo Ivre)



06/09/2013

Love song III

 

Quand tisonner les mots pour un peu de couleur

ne sera plus ton affaire

quand le rouge du sorbier et la cambrure des filles

ne te feront plus regretter ta jeunesse

quand un nouveau visage tout écorné d’absence

ne fera plus trembler ce que tu croyais solide

quand le froid aura pris congé du froid

et l’oubli dit adieu à l’oubli

quand tout aura revêtu la silencieuse opacité du houx

 

ce jour-là

quelqu’un t’attendra au bord du chemin

pour te dire que c’était bien ainsi

que tu devais terminer ton voyage

démuni

tout à fait démuni

(…) »

 

Nicolas Bouvier, « Le dehors et le dedans »

 

 

 

 

10/08/2013

Natyot

Alors je me suis tue.

 

On pourra peut être se parler maintenant.

Essayer sans la bouche. Je suis déjà tranquille.

J’ai un peu marché et je me suis enfoncée dans les bois.

Il n’est pas trop tard pour s’enfoncer dans les bois.

Je le saurais.

Les bois, c’est comme une petite forêt.

Tu ne m’as pas suivie, c’est encore partie remise.

J’inhale chaque pollen proposé. Je m’en mets partout.

Ce n’est pas raisonnable mais j’avais dit :

Plus de bouche ! Plus de bouche !

Il fait toujours plus froid dans les bois.

Plus froid que n’importe où ailleurs.

Mais jamais autant que lorsque tu ne me parles pas.

Alors j’ai couru. Il y avait plein de raisons de le faire.

 

Martinet noir : Cris de vol stridents « srrriiiiiii » poussés fréquemment.

18_couv_NATYOT.jpg

 

NATYOT 

 

 

05/06/2013

Pour ceusses qui ne connaissent Pirotte ni d'Eve ni d'Adam

" Mais il nous reste un peu de rage

au cœur un brin d’amour humain

le tenace espoir que demain

nous serons élus par l’orage. " 

Jean-Claude Pirotte 

 


20/05/2013

"Plus que les hommes..."

Les chants des hommes
Sont plus beaux qu’eux-mêmes
Plus lourds d’espoir
Plus tristes
... Plus durables
Plus que les hommes
J’ai aimé leurs chants
J'ai pu vivre sans les hommes
Jamais sans leurs chants
Il m’est arrivé d’être infidèle
A ma bien-aimée
Jamais aux chants que j’ai chantés pour elle
Jamais non plus les chants ne m’ont trompé
Quel que soit leur langage
J’ai toujours compris tous les chants
Rien en ce monde
De tout ce que j’ai pu boire et manger
De tous les pays où j’ai voyagé
De tout ce que j’ai pu voir et entendre
De tout ce que j’ai pu toucher et comprendre

Rien, rien
Ne m’a rendu aussi heureux
Que les chants
Les chants des hommes.

Nazim Hikmet
 

Nazim Hikmet

 

29/04/2013

"... il en écouta très peu jusqu'au bout."

 

 

castaneda,don juan,le don de l'aigle

« Nous arrivâmes à Oaxaca en début de soirée. Je garai la voiture dans une rue latérale, puis j’entraînai la Gorda vers la place, au centre de la ville. Nous cherchâmes le banc ou don Juan et don genaro s’asseyaient toujours. Il était vide. Nous nous y assîmes, dans un silence respectueux. Enfin, la Gorda me dit qu’elle était venue très souvent en cet endroit avec don juan, et aussi avec une autre personne dont elle ne parvenait pas à se souvenir.

- Avec don Juan, qu’avez-vous fait sur ce banc ?

- Rien. Nous attendions l’autocar, ou le camion de bois qui nous ramènerait dans les montagnes.

Je lui dis que sur ce banc, don juan et moi avions parlé pendant des heures.

Je lui racontai la grande passion de don Juan pour la poésie. Souvent, quand nous n’avions rien d’autre à faire, je lui lisais des poèmes. Il les écoutait selon le principe que seule la première strophe (et parfois la deuxième) mérite d’être lue ; il trouvait que le reste était de la complaisance de la part du poète. Sur les centaines de poèmes que je lui lus, il en écouta très peu jusqu’au bout. »

 

Castaneda, « Le don de l’aigle » (trad. Guy Casaril)

 

14/04/2013

Fils de pute

 

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" Un bon poète n'est pas plus utile à l'état qu'un bon joueur de quilles. "
Malherbe

29/03/2013

« satané » langage noble

 

Villon, Gérard de Nerval, Gongora me paraissent avec le grand Baffo, des sujets de réflexion actuelle quant à la technique poétique. Unir le langage populaire, le populaire, à une atmosphère inexprimable, à une imagerie aiguë : annexer des domaines, qui même de nos jours, paraissent incompatibles avec le « satané » langage noble qui renait sans cesse des langues nobles arrachées du cerbère galeux qui défend l’entrée du domaine poétique, voilà qui me paraît besogne souhaitable sans oublier, je le répète, certains motifs impérieux d’inspiration actuelle…


Robert Desnos