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16/09/2015

Thierry Radière

Nous ne reviendrons plus

dans cette maison où tu pleures

en cachette dès qu’on y séjourne

même quelques heures les coffres-forts

sont bien cachés : près de l’océan

on ne sait jamais du monde circule

et de plus en plus maintenant

que la route principale du village passe

devant chez eux

tu es sûre que c’est une vengeance du maire 

il a voulu emmerder le propriétaire 

c’est-à-dire ton père qui lui avait piqué

sa maîtresse et qu’il ne l’a jamais digéré.

 

Thierry Radière,

"Poèmes géographiques", à paraître tout prochainement au Pédalo Ivre !

08/09/2015

LE DIEU BOUC

 

« La campagne est un pays de verts mystères pour l’enfant qui y passe l’été. Il y a des fleurs, si la chèvre les mord, qui lui gonflent le ventre et il faut qu’elle coure.

 

Quand l’homme a joui avec une fille – ils ont des poils là en bas -, l’enfant gonfle son ventre.

 

Lorsqu’ils gardent les chèvres, ils se font des bravades et ricanent entre eux,

 

mais chacun commence au crépuscule à épier tout autour.

 

Les enfants savent voir qu’une couleuvre est passée

 

A la trace sinueuse qui subsiste par terre.

 

Mais qu’elle passe dans l’herbe, personne ne le voit.

 

Il y a des chèvres qui s’arrêtent dans l’herbe,

 

Juste sur la couleuvre, et qui jouissent de se faire sucer.

 

Les filles aussi jouissent de se faire toucher.

 

 

 

Quand la lune se lève, les chèvres sont inquiètes,

 

il faut les regrouper et les mener à la ferme,

 

sinon le bouc se dresse. Bondissant dans les près,

 

il éventre les chèvres et puis il disparaît.

 

Des filles en chaleur viennent seules, la nuit dans les bois

 

et si couchées dans l’herbe elles bêlent, le bouc accourt les retrouver.

 

Mais que pointe la lune : il se dresse et les éventre.

 

Et les chiennes qui aboient sous la lune,

 

c’est qu’elles ont entendu le bouc qui bondit

 

sur les cimes des collines et flairé l’odeur du sang.

 

Et dans les étables, les bêtes s’agitent.

 

Seuls les chiens plus costauds mordent leur corde

 

et certains se libèrent et courent suivre le bouc,

 

qui les asperge et les enivre d’un sang plus rouge que le feu,

 

et puis ils dansent tous en se tenant dressés et en hurlant à la lune.

 

 

 

Quand le chien reparaît au matin, tout pelé et grondant,

 

les paysans lui donnent la chienne à coups de pied au derrière.

 

Et la fille qui erre dans le soir, et les enfants qui rentrent à la brune, avec une chèvre en moins, ils leur cognent dessus.

 

Ils bourrent les femmes et bûchent sans vergogne, les paysans.

 

Ils sont toujours dehors, le jour comme la nuit, et n’ont même pas peur

 

de piocher sous la lune ou d’allumer un feu

 

de chiendent dans le noir. C’est pour ça que la terre

 

est si belle et verte et que, piochée, elle a, quand vient l’aube,

 

la couleur des visages hâlés. On va faire les vendanges,

 

et l’on mange et l’on chante ; on effeuille le maïs

 

et l’on danse et l’on boit. Il y a des filles qui rient

 

car quelqu’un a évoqué le bouc. Tout là-haut, dans les bois,

 

sur les crêtes rocheuses, les paysans l’ont vu

 

qui cherchait une chèvre et donnait dans les troncs des coups de tête.

 

Car si une bête ne sait pas travailler

 

et qu’elle sert seulement d’étalon, elle aime détruire. » 

 

 

 

Cesare Pavese, « Travailler fatigue » (trad. Gilles de Van)

 

 

13/08/2015

Jean-Pierre Georges # 2

Un été qui ne se confie pas, une inquiétude

qui avoue enfin son nom...

Fenêtre fourbe il échappe

(de justesse) à une tête de loup !

Tous les bouchers sont fermés.

Dès qu'il le peut il compare ses genoux

Très rares incursions dans le tragique, peu de drames

On le reconnaît il avance masqué

et toujours tenant en laisse le désir

imprévisible.

 

Jean-Pierre Georges ("Où être bien", éd. Le Dé Bleu)

 

10/08/2015

Jean-Pierre Georges # 1


Petite féérie matinale, neige partout


je décline toute responsabilité, je ne suis


 


qu’un front sur un carreau.


La mobylette zézayante du facteur


 


porte en elle-même un message destiné


aux seules vieilles dames


 


et aux poètes !


(mais ce serait un hasard si grand…)


 


Le cerisier, la table de jardin restent stoïques


sous tant de blanc


 


quand on songe au peu de poids d’une pensée


on en est consterné.


 


« OÛ ÊTRE BIEN » de Jean-Pierre Georges, éd. « Le dé bleu »

 

08/08/2015

RIEN D’IMPORTANT

Je ne désire pas être profond

je voudrais simplement écrire des idioties

 

pour les dire en public

 

 

 

J’écris pour les têtes en l’air

 

dont la cervelle

 

est restée accrochée à un portemanteau

 

avec ou sans la casquette

 

 

 

Rien n’est plus agréable

 

que de dire ses poèmes à de simples gens

 

 

 

tels que vous mes amis

 

sans exigence d’aucune sorte

 

 

 

Vous êtes gentils

 

 

 

Je ne voudrais ennuyer personne

 

 

 

Vous trouverez ci-joint

 

un trou

 

un simple trou

 

 

 

Avec une petite lumière

 

 

 

Il n’y a rien d’autre. 

 

 

 

Alfonso Jimenez, « On ignore l’heure du train », éd. Gros Textes

 

02/08/2015

"Lus par personne"

" Les plus grands poètes ne sont lus par personne. Ils ne servent qu’à « fournir » des titres merveilleux à des romans. En vitrine de la Maison de la Presse de Chinon aujourd’hui : L’espoir d’aimer en chemin de… peu importe. "

Jean-Pierre Georges, "L’éphémère dure toujours", éd. Tarabuste

 

17/07/2015

Le roi Desbiens

Patrice Desbiens... Sans doute l'une de mes rencontres les plus marquantes à Montréal, lors de la résidence d'auteur que j'y ai effectuée il y a dix ans.

Ses livres sont difficilement trouvables en France. Cela vaut la peine de se battre pour vous les procurer.

Cet enregistrement date de l'année dernière :

 

13/07/2015

" L'Amour est un chien de l'enfer "

charles bukowski,bukowski,l'amour est un chien de l'enfer

 

Trop grand
trop petit

trop gros
trop maigre
ou rien du tout.

Rire ou
larmes

haineux
amoureux

des inconnus avec des gueules
passées
à la limaille de plomb

des soudards qui parcourent
des rues en ruines

qui agitent des bouteilles
et qui, baïonnette au canon, violent
des vierges

ou un vieux type dans une pièce misérable
avec une photographie de M. Monroe.

Il y a dans ce monde une solitude si grande
que vous pouvez la prendre
à bras le corps.

Des gens claqués
mutilés
aussi bien par l’amour que par son manque.

des gens qui justement ne s’aiment
pas les uns les autres
les uns sur les autres.

Les riches n’aiment pas les riches
les pauvres n’aiment pas les pauvres.

nous crevons tous de peur.

Notre système éducatif nous enseigne
que nous pouvons tous être
de gros cons de gagneurs.

mais il ne nous apprend rien
sur les caniveaux
ou les suicides.

Ou la panique d’un individu
souffrant chez lui
seul

insensible
coupé de tout
avec plus personne pour lui parler

et qui prend soin d’une plante.

Les gens ne s’aiment pas les uns les autres.
Les gens ne s’aiment pas les uns les autres.
Les gens ne s’aiment pas les uns les autres.

Et je suppose que ça ne changera jamais
mais à la vérité je ne leur ai pas demandé

des fois j’y
songe.

Le blé lèvera
un nuage chassera l’autre
et le tueur égorgera l’enfant
comme s’il mordait dans un ice-cream.

Trop grand
trop petit

trop gros
trop maigre
ou rien du tout.

Davantage de haine que d’amour.

les gens ne s’aiment pas les uns les autres.
peut-être que, s’ils s’aimaient,
notre fin ne serait pas si triste ?

Entre-temps je préfère regarder les jeunes
filles en fleurs
fleurs de chance.

Il doit y avoir une solution.

sûrement il doit y avoir une solution à
laquelle nous n’avons pas encore songé.

Pourquoi ai-je un cerveau ?

il pleure
il exige
il demande s’il y a une chance.

Il ne veut pas s’entendre dire :
“non.”

 

Charles Bukowski (in "L'Amour est un chien de l'enfer", trad. de Gérard Guégan)

02/07/2015

Ciao, Miss...

 

Hélène Monette