05/09/2009
"FASCISTE" de Thierry Marignac
“ La perfection d’une histoire consiste à déplaire à toutes les parties et toutes les nations, car c’est une preuve que l’auteur n’en flatte ni n’en épargne aucun et qu’il doit à tous ce qui est la vérité. ”
Bayle
« FASCISTE » est le premier roman de Thierry Marignac. Il a été publié aux Editions Payot en… 1988 (je relis plusieurs fois la date avant de la noter, j’ai peine à en croire mes yeux tant ce livre fout un coup de vieux à bien des parutions récentes). Si les choses étaient bien faites, ce livre serait mentionné dans les divers panoramas du polar censés signaler les titres phares du polar des vingt dernières années. « Marignac Thierry » figurerait dans les « dicos du noir » en tout genre. Mais que-pouic. Tiens, tiens, et pourquoi donc ?
Si les choses étaient bien faites… Les choses sont très bien faites, d’une certaine façon. Et le talent d’un Marignac (confirmé par d’autres romans) est remarquablement passé sous silence.
« Fasciste » a été publié en 1988 aux Editions Payot (ça va mieux en le ré-écrivant). Combien de temps faut-il pour rendre justice à un livre ? À un auteur ? À un auteur qui n’est pas l’auteur d’un seul livre ?
Si ce premier roman n’a pas pris une ride, son action est datée. Commence en mars 78. On y parle du « Front », un mouvement politique tenu par « L’Ogre ». Il y est aussi question du GUD, de boxe thaïe (Marignac écrit de belles pages sur ce sujet dix ans avant qu’il ne soit à la mode)...
Par paresse, je copie-colle la quatrième de couv’ du livre : « Comment peut-on aimer à la fois l’ordre et les concerts de hard-rock, Primo de Rivera et Lénine, l’alcool et les arts martiaux ? Rémi Fontevrault ne se pose pas de questions : il agit. Par désœuvrement, il adhère au Front, un parti autoritaire et raciste dont il assure le service d’ordre. Il se bat dans la rue, pose des bombes avec ses frères d’armes de l’IRA, tombe amoureux d’une jeune fille BCBG et quelque peu perverse. Et finit par être liquidé par les politiciens du Front, soucieux de respectabilité à l’approche des élections. »
Voilà pour « l’histoire ». Voilà pour une quatrième de couv’ exemplaire (de la pure « prose d’éditeur »). Vingt ans plus tard, il est intéressant d’apprendre la genèse du roman par l’auteur himself en personne :
L’idée de départ correspondait effectivement à l’époque. La montée de l’extrême-droite en France au cours des années 80 était un fait d’actualité brûlante. Comme j’ai commencé à écrire en faisant du journalisme, je m’intéresse à l’actualité, et j’ai toujours voulu écrire des romans en prise avec l’histoire immédiate. Je considère le roman historique, par exemple, comme un hobby de rats de bibliothèque, pas comme un genre. Selon moi, un romancier digne de ce nom se confronte à son époque, prend le risque de se tromper dans sa vision. Sachant qu’il se publie en France des centaines de premiers romans, il s’agissait de se distinguer par une provo. Les années 80 étaient le triomphe des soixante-huitards, le zénith de leur pouvoir, et ils laissaient bien peu de place à quoi que ce soit d’autre. Il s’agissait donc, à la façon punk, d’enfoncer un coin dans la machine ronronnante, de préférence dans le bruit et la fureur. Enfin, personne ne s’attendait à ce que je fasse ça, puisque je venais de « l’underground ». J’ai toujours eu l’esprit de contradiction. Non, très peu de choses ont changé au cours de son écriture par rapport au rêve que j’en avais. La beauté de cette idée, c’était qu’elle donnait tout dès le départ : style, action, esthétique, l’emballant dans un bloc compact, à prendre ou à laisser. Le raffinement de cette idée, c’est qu’elle offrait des possibilités infinies d’ironie vis-à-vis de son propre lyrisme.
Ce livre n’est pas à mettre entre toutes les mains. Il n’a été écrit que pour quelques uns. Autrement dit, déconseillons-le à de nombreuses personnes : aussi bien aux émules de Maxime Brunerie (j’imagine mal un « z’identitaire » apprécier un ouvrage aussi fin et cruel… il n’est que de parcourir les blogs de cette mouvance… à chaque fois qu’un Drieu ou un Nietzsche y est cité, c’est au prix d’une lecture singulièrement pauvre, tout est vu-déformé par le plus petit bout de la lorgnette possible)… qu’aux émules de Didier Daeninkx (dois-je copier-coller l’essentiel de la parenthèse précédente, en me contentant de changer quelques termes ?).
Bref, l’écriture de « Fasciste » a coûté cher à Thierry Marignac… qui a quand même trouvé le moyen d’écrire d’autres livres (il en sera question plus tard sur mon blog).
Je ne sais plus qui a écrit qu’on mesurait la valeur d’un livre au nombre d’ouvrages que celui-ci annulait, rendait caduque, etc. Nous y sommes. « Fasciste » annule nombre de romans écrits sur le sujet (jusqu’aux récentes « Bienveillantes », oserais-je rajouter). Les confrères de Thierry Marignac ne lui en seront pas reconnaissants.
P.S: Une autre critique sur "Fasciste".
21:01 Publié dans où je lis, où mon taux d'adrénaline augmente, polar | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : marignac, fasciste, de benedetti, dj duclock, polar, drieu, nietzsche, bayle, boxe thaïe, gud, lénine, de rivera, punk
17/08/2009
se démaz'aoûter...
Après ce bel été...
22:11 Publié dans où mon taux d'adrénaline augmente | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : muray, deadwood
23/07/2009
à deux jours de mon quarantième anniversaire
Parce que l'année 2009 a tout pour moi d'une "année zéro"... et rien d'une année nulle.
18:03 Publié dans où mon taux d'adrénaline augmente | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : 2009, anniversaire, batman returns
12/07/2009
Un article du "Magazine des livres"
Un article publié dans le numéro de juin du « Magazine des livres » (et aucun copinage là-dessous !) où il est question de « Aux vents ! » de Marc Pellacœur, le troisième livre que j’ai fait publier :
« UN OVNI DE BELLE ENVERGURE
Étrange nom pour une maison d’édition, pour commencer. À plus d’un titre ! Où vont-ils chercher tout ça ?! Et renseignement pris, c’est un libraire à Lyon, quai de la Pêcherie, qui se serait lancé dans l’édition. Ô pauvre libraire ! Ô regrets ! Ô cartons !
Et puis non, stop ! Respect ! Arrêtons-nous un instant, je vous prie. D’abord, cet éditeur a eu le culot de publier une totale inconnue, Hélène Dassavray, qui avec LES RUINES DE LA FUTURE MAISON, tout petit roman court et bien troussé, m’avait impressionné. Le voilà qui récidive en plus vaste, grand, grave et grouillant de vie : Marc Pellacœur fait irruption dans le champ déjà bien labouré des lettres de la France. Pellacœur surgit, et c’est énorme. On a dû sentir la bourrasque jusqu’à Montréal, à Bruxelles, à Bangui, partout où la francophonie se répand en lamentations en compulsant les sublimes ouvrages de nos écrivains les plus connus.
Pellacœur (dont j’ignore tout) est sans doute un garçon qui a contemplé l’humanité depuis quelque temps : « De tous ceux que la fermeture des arènes à chrétiens et l’éloignement momentané des salles de torture ont obligés à se retourner contre les animaux pour continuer à jouir, le pêcheur à la ligne est le plus malin. Placide de la chose criminelle, il a choisi de tourmenter un animal situé au plus bas dans l’échelle compassionnelle. » Son personnage principal, Max, a de mauvaises fréquentations : un gorille tout en muscles, Joseph, qui a voulu récupérer de l’argent auprès d’un brave mécanicien, Mustapha, lequel en est mort, comme ça, sans prévenir. L’épouvantable caractère de ce Joseph, son racisme, sa bêtise atroce, sont évoqués par l’auteur avec une vigueur si terrible que l’on croirait qu’un Louis-Ferdinand Céline est revenu nous tourmenter. Xénophobie, poésie folle, personnages crapoteux et englués dans leur humanité défaillante, tout nous rappelle le fameux Voyage : mais Pellacœur, malin, a senti l’écueil, et par moments il nous donne à voir de la beauté, de la tendresse, un amour que Céline avait peut-être évité ou manqué. Rencontre de Joseph avec son petit garçon qu’il ne voit jamais : « Ils se lovaient l’un dans l’autre à effacer les guerres. Une invention du monde qu’ils portaient, du profond de leur oubli, et dont il aurait fallu capturer l’évanescence pour en faire provision. Le père doucement s’osait d’un toucher, l’enfant lui répondait d’un appui. »
Max cherche du travail et, comme il n’en veut pas, il en trouve. L’horreur absolue ! (…) Univers dérisoire et pitoyable, qui rappelle les westerns que Max a vus, enfant, avec un père facteur et ivrogne, qui « avait distillé avec son foie la presque totalité de la production vinicole de la région ». Que Max ait mal tourné, qu’il ait volé, joué au poker, passé du temps avec des péripapéticiennes, ça ne nous étonnera guère, on lui pardonne, à l’écouter quand il parle de sa danseuse préférée, la Puce, une gamine qui veut lui offrir de la joie : « La joie ne me gênait pas, je la trouvais rare, c’était tout, et pas là où il fallait. Un monde qui n’aurait été rien que du miel, j’aurais plongé dedans. Seulement il en était loin de ce doux. Quelques flaques pour barboter par-ci par-là pour barboter, rien de plus. »
Oh, on ne vous racontera pas la suite, que vous ayez davantage envie de connaître Joseph, la Puce, la Boulange, de repérer les bizarreries lexicales, les fautes grammaticales (« de façon à ce que… »), les passions verticales. Pellacœur à l’enthousiasme d’un Frédéric Dard, la force d’un Céline, la philosophie d’un Raymond Lulle et la rigueur d’un Vaneigem. Déniché par l’animateur d’un « branloir pérenne » sur Internet, Frédérick Houdaer, qui anime la collection « À charge » et doit se frotter les mains, Marc Pellacœur nous apparaît comme un OVNI de belle envergure. Tout bien pesé, ça fait un bout de temps que je n’avais pas repéré pareil écrivain. »
« Le magazine des livres », juin 2009
20:57 Publié dans a.4) EDITEUR | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : le magazine des livres, aux vents, pellacoeur, a plus d'un titre, a charge, dassavray, les ruines de la future maison, céline, du chambon, dard, voyage au bout de la nuit, vaneigem, lulle
08/07/2009
LE COUP DE GRACE
Fier de participer à cette aventure.
06:41 Publié dans LyonnÈseries | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : le coup de grâce, presse, tanhia, lyon
26/06/2009
Dimanche...
21:46 Publié dans LyonnÈseries, planches | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : guignol, théâtre, zonzons, chantiers de la marionnette, lyon
23/06/2009
« AUX VENTS ! » (suite…)
Deux articles récemment parus sur « AUX VENTS !» de Marc Pellacoeur, le troisième livre que j’ai fait publier aux éditions « A plus d’un titre » : un papier formi-formidable, signé Bertrand Du Chambon, dans le « Magazine des livres ». Un autre (que je recopie) dans le numéro de juin de « Livre & Lire » :
« BLACK BERRY
Bienvenue en Berry saint-amandois ! « Pays au cœur d’or », au cœur de la France – odeur de beurre rance garantie… Son clocher ding dong et ses querelles de doux dingues, ses fiers blancs-becs couperosés et ses deux ou trois « bronzés », son ancien maire Maurice Crapon et ses deux clubs de foot ennemis, son dernier authentique anar et ses vieux cocos cuits au comptoir, son cinéma déserté et sa discothèque « blindée », sa salle de poker clandestine et ses concours de danse, sans oublier la nymphomane et les condés à l’affût… Entre petits commerces et gros potins, poujadisme et racisme ordinaires, AUX VENTS ! de Marc Pellacoeur est un roman noir bien affûté sur la misère semi-rurale à la française. Car au-delà du tableau d’un pays tiraillé par son milieu et par son Histoire, au-delà des personnages hauts en couleurs qui peuplent cette fresque berrichonne, il y a bel et bien eu meurtre. Et l’on accompagne Max Hellacoeur, une brave petite frappe qui, jusque là, faisait tranquillement dans l’arnaque aux voitures d’occasion, avant de se retrouver, vieille amitié aidant, mêlé à l’homicide de son Kabyle de mécano. Héros ventre mou d’un polar prolo-rural, Max réussit un moment, de petits boulots en petite amie, à éteindre les soupçons et à faire son trou à Montrond… jusqu’à ce que le cadavre de Mustapha refasse surface. Tour à tour chroniqueur et poète d’un monde évoquant celui de Céline et de Calaferte, Marc Pellacoeur qui sait allègrement changer de registre de langue comme de vitesse de narration, signe ici un premier roman étonnant par l’étendue de ses contrastes. »
Marc-Henri Jéru, « LIVRE & LIRE » juin 2009
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19:43 Publié dans a.4) EDITEUR | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : aux vents, pellacoeur, a plus d'un titre, a charge, livre & lire, jéru
09/06/2009
Cette semaine...
05:49 Publié dans SIGNATURES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : mercure liquide, lans-en-vercors, mjc monplaisir, (h)auteurs
29/05/2009
Musset on wire
« Figure-toi un danseur de corde, en brodequins d’argent, le balancier au poing, suspendu entre le ciel et la terre ; à droite et à gauche, de vieilles petites figures racornies, de maigres et pâles fantômes, des créanciers agiles, des parents et des courtisans, toute une légion de monstres, se suspendent à son manteau et le tiraillent de tous côtés pour lui faire perdre l’équilibre ; des phrases redondantes, de grands mots enchâssés cavalcadent autour de lui ; une nuée de prédictions sinistres l’aveuglent de ses ailes noires. Il continue sa course légère de l’Orient à l’Occident. S’il regarde en bas, la tête lui tourne ; s’il regarde en haut, le pied lui manque. Il va plus vite que le vent, et toutes les mains tendues autour de lui ne lui feront pas renverser une goutte de la coupe joyeuse qu’il porte à la sienne. Voilà ma vie, mon cher ami ; c’est ma fidèle image que tu vois. »
Alfred de Musset, « Les caprices de Marianne »
21:18 Publié dans carottages littéraires, où je youtube, tu dailymentionnes... | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musset, les caprices de marianne, funambule, danseur, man on wire, twin towers