21/06/2005
Mardi 21 juin
Vu à 130 km/h, sur l'A.46:
Deux voitures garées sur la bande d’arrêt d’urgence. Derrière une glissière de sécurité, un homme et une femme. Ils s’embrassent.
Je poursuis ma route jusqu’à Villard-les-Dombes où j’anime un atelier d’écriture dans une résidence de personnes âgées depuis plusieurs semaines. À vol d’oiseau, la résidence n’est qu’à quelques centaines de mètres du… parc ornithologique. Fil rouge de l’atelier : le pain. Aujourd’hui, une mamie de 95 ans écrit ses textes sans aide puis les lit elle-même à voix haute. Elle retrouve sans difficulté le nom du premier boulanger qu’elle a connu, enfant.
Toutes ces personnes que je rencontre ont grandi, vécu, vieilli en milieu rural. Je ne risque pas de les confondre avec les mamies et les papis que j’ai connus comme veilleur de nuit dans la banlieue lyonnaise.
06:25 Publié dans où sont rangées diverses notules incasables | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Villard-les-Dombes, atelier d'écriture, pain, personnes âgées
15/06/2005
Kerouac mode d'emploi
Croyances et techniques pour la prose moderne
Evergreen Review, vol 2, n.8, 1959
Jack Kerouac
Liste des points essentiels:
1. Carnets secrets, couverts de gribouillis, et pages follement dactylographiées, pour votre propre plaisir
2. Soumis à tout, ouvert, à l'écoute
3. N'essayez jamais de vous soûler en-dehors de chez vous
4. Soyez amoureux de votre vie
5. Ce que vous ressentez trouvera sa propre forme
6. Soyez fou, soyez un saint abruti de l'esprit
7. Soufflez aussi profondément que vous souhaitez souffler
8. Ecrivez ce que vous voulez sans fond depuis le fin fond de l'esprit
9. Les visions indicibles de l'individu
10. Pas de temps pour la poésie, mais exactement ce qui est
11. Des tics visionnaires tremblant dans la poitrine
12. Rêvant en transe d'un objet se trouvant devant vous
13. Eliminez l'inhibition littéraire, grammaticale et syntaxique
14. Comme Proust, soyez à la recherche du joint perdu
15. Racontez la véritable histoire du monde dans un monologue intérieur
16. Le joyau, centre d'intérêt, est l'œil à l'intérieur de l'œil
17. Ecrivez pour vous dans le souvenir et l'émerveillement
18. Travaillez à partir du centre de votre oeil, en vous baignant dans l'océan du langage
19. Acceptez la perte comme définitive
20. Croyez en le contour sacré de la vie
21. Luttez pour esquisser le courant qui est intact dans l'esprit
22. Ne pensez pas aux mots quand vous vous arrêtez mais pour mieux voir l'image
23. Prenez note de chaque jour la date blasonnée dans votre matin
24. Pas de peur ou de honte dans la dignité de votre expérience, langage et savoir
25. Ecrivez de façon que le monde lise, et voie les images exactes que vous avez en tête
26. Livrefilm est le film écrit, la forme américaine visuelle
27. Eloge du caractère dans la solitude inhumaine et glacée
28. Composer follement, de façon indisciplinée, pure, venant de dessous, plus c'est cinglé, mieux c'est
29. On est constamment un Génie
30. Scénariste-Metteur en scène de films Terrestres Sponsorisés et Financés par les Anges au Paradis
06:20 Publié dans carottages littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Kerouac, Proust, saint, fou, génie, écriture
14/06/2005
HISTOIRE DE MES LIVRES (Premier épisode)
L'IDIOT N°2
(éditions du Serpent à Plumes, Collection Serpent Noir, neuf euros,
ISBN 2 84261 114 4) :
Ecrit en deux mois, durant l’été 1997 (j’ai 28 ans).
Mon cinquième roman écrit (les quatre premiers pas publiés parce que pas publiables).
Mon premier « roman noir ». Je me passe cette commande après avoir constaté la multiplication des collections noires chez les éditeurs. Résultat : un roman plus personnel que les précédents, malgré l’abandon de la première personne du singulier et de ma veine auto-fictionnesque.
Le thème principal de « L’idiot n°2 » n’a rien d’original, mais me tient à cœur : l’enfermement et la libération, dans tous les sens que l’on peut donner à ces mots. La prison est au centre de l’histoire.
Quatrième de couve copiée-collée :
« Dosto, vingt ans, est incarcéré à Shitland. Dans sa cellule, Abdel-Sammy, un sage, et Richard Sebasteni, « le nouveau Dreyfus ».
Dosto philosophe, lit tout ce qu’il peut trouver, abhore la télévision, s’essaye au bouddhisme zen. Il aime Fanny Charpentois qui le lui rend très bien. M.Charpentois, le père, est quant à lui une institution : politicien véreux et fascisant de Lyon, impliqué dans divers trafics, il viole sa fille tous les soirs depuis son entrée en sixième.
Rapide, déjanté, nerveux, un texte dérangeant et atypique dans la lignée du meilleur néo-polar à la Fajardie. »
De la pure prose d’éditeur, comme dirait Polac. À signaler que dans cette même quatrième de couv’, il est question de ma (brève) correspondance avec Frédéric Dard ainsi que de mes huit échecs consécutifs au permis de conduire (ce dernier détail, c’est moi qui ai tenu à le faire figurer).
Pour écrire ce roman sur une période relativement courte, je prends soin de quitter la plupart des associations dont je fais partie. En deux mois d’écriture, je perds sept kilos.
J’envoie le manuscrit à une trentaine d’éditeurs. Pour dégoter leurs adresses, j’abuse de la patience de Mme et Mr Péju. Dans leur librairie La Proue déjà très encombrée, je bloque tout le monde (« Je peux jeter un coup d’œil dans votre botin d’éditeurs, oui ? Histoire de recopier quelques coordonnées… J’en ai juste pour une petite heure, je m’installe, mais pas pour longtemps, etc… »).
Le roman est pris par le Serpent à Plumes et sort en mars 1999. Atterrit dans la vitrine de La Proue.
Beaucoup de presse (parisienne et Rhône-Alpine). Des chiffres : une quarantaine d’articles. Dans deux articles sur trois, le journaliste n’a pas été fichu d’écrire mon nom ou mon prénom sans l’écorcher (je n’ose pas imaginer ce qu’a vécu Daeninckx à ses débuts !).
« Etrange roman noir, qui a du style à l’évidence et qui fait froid dans le dos. » (Cathy Bouvard, Lyon-Capitale)
L’article le plus intéressant est signé Pascale Vannereux dans le défunt mensuel lyonnais « Nota Bene ».
Cathy Bouvard me racontera une anecdote amusante par la suite. Durant l’été 99, elle est partie du côté de l’Himalaya. Au pied d’une grande montagne (forcément), elle trouve un bouquiniste (on reconnaît la droguée de livres). Pratiquement que des bouquins en anglais. Une petite caisse de bouquins en français. Et au milieu, mon « Idiot ». Quand elle m’a raconté ça, Cathy ignorait tout ce qui pouvait me lier à cette région du monde… où je n’ai jamais mis les pieds.
Si j’additionne la totalité des droits d’auteurs perçus depuis la sortie du livre, je n’obtiens pas la somme de 2000 francs/300 euros nets (en comptant les 0 francs d’à-valoir). L’une des rares obligations d’un éditeur est d’envoyer un relevé de compte annuel à ses auteurs (où il peut avancer les chiffres les plus fantaisistes). Au Serpent, ils ne l’ont fait que pendant deux années consécutives. Le livre continue à se vendre à ce jour (je signe une dizaine d’Idiot à chaque salon du livre auquel je peux participer).
L’extrême violence de « L’idiot n°2 » m’a valu d’être rangé dans la même case que Virginie Despentes par plusieurs critiques. C’est ce qui m’amènera à pousser le bouchon complètement dans l’autre sens avec mon livre suivant (« La Grande Érosion »).
A suivre...
23:15 Publié dans polar | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : l'idiot n°2, polar, Polac, Dard, Péju, Serpent à Plumes, La Proue
07/06/2005
Mardi 7 juin
Lundi dernier, j’anime un atelier d’écriture à la prison avec Marie C., prof de français. Elle me montre un gars dans un couloir, me souffle « je te raconterai plus tard », et m’invite à aller lui serrer la main. Je sais que l’homme ne va pas participer à l’atelier, je suis un peu surpris mais ne pose pas de question.
Deux heures plus tard, Marie m’explique : « pas un méchant, un escroc. Il se faisait passer pour un prêtre, il a marié des gens, et tout… »
Je reste devant Marie la bouche ouverte. Lui demande le nom du gars. C’est bien lui.
J’explique à Marie qui n’a pas lu « Je viendrai comme un voleur », qui ne se rend pas compte de l’énormité de la coïncidence :
- J’ai écrit tout un bouquin autour de ce type, autour de ce fait-divers. Je sais que des faux curés, il y en a plusieurs qui sillonnent la province française, mais c’est bien de lui dont je me suis inspiré. Et tout à l’heure, l’air de rien, tu me l’as présenté, tu m’as invité à lui serrer la main !
23:00 Publié dans polar | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : je viendrai comme un voleur, prison, atelier d'écriture
30/05/2005
Lundi 30 mai
Cendrars, capable de parler d’un “ anarchiste de Barcelone ” comme d’un être “ vindicatif et cruel. Il avait une bouche de tortionnaire et découvrait ses canines quand il souriait ” (in “ L’homme foudroyé ”).
Comme on est loin des Kenloacheries juste bonnes à faire mouiller le petit bonhomme de Télérama !
22:35 Publié dans carottages littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Cendrars, Barcelone, Loach
28/05/2005
Samedi 28 mai
vengeance encore tiède
train qui arrive à l’heure
pour l’homme sans montre
mais qui l’emmène
dans la mauvaise direction
j’écris cela
est-ce que je prétends
connaître
la bonne direction
pour qui que ce soit ?
22:30 Publié dans a.2) MES TEXTES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie
27/05/2005
Vendredi 27 mai
mon éditeur est aussi un poète
comme moi
il fait avec son corps
avec sa voix
comme moi
il lui arrive de bien se débrouiller
comme moi
il s’en sort parfois d’extrême justesse
je nous souhaite de faire
de vieux os
lui
continue de frayer avec
les fantômes des « morts trop jeunes »
qu’il les chasse
ou qu’il relise plus attentivement
les manuels
Lautréamont n’est pas mort à 27 ans
mais à 77
Rimbaud n’est pas mort à 37 ans
mais à 70
et tous deux étaient chinois
pour ne prendre que leur exemple
je crois avoir convaincu mon éditeur
quand je le vois brûler ses papiers
d’identité
jeter sa montre
son portable
tout ce qui l’obligeait à porter
le fardeau de l’heure
le mensonge des dates
mon éditeur va faire de vieux os
moi aussi
21:40 Publié dans a.2) MES TEXTES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Lautréamont, Rimbaud, poésie, Renard
18/05/2005
Mercredi 18 mai
14:55 Publié dans où sont rangées diverses notules incasables | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Swiatly
14/05/2005
FRANCK EINSTEIN
sur le compte du fils Einstein
on dit qu’il est devenu fou
qu’il n’a pas supporté d’être le rejeton
d’un génie qui savait tirer
une langue de berger allemand
on exagère
Franck
je l’ai rencontré
son épaule droite était un Lego rouge
d’une belle dimension
sa tête ressemblait à
celle d’un Big Jim décapité
après qu’on lui ait fait jouer
le rôle de Louis XVI
un magnifique contre-emploi
sur sa tête
trônait le scalp renversé d’un Playmobil
comme une petite couronne
le fils Einstein était d’un commerce
agréable
mais sans plus
il était aussi
partiellement articulé
sans vouloir me montrer méchant
je dois bien reconnaître
qu’il n’avait pas inventé
le fil à couper le beurre
on raconte quantité de choses
sur le compte des fils de Gandhi
et caetera
14:50 Publié dans a.2) MES TEXTES | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Einstein, Gandhi, poésie