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29/07/2024

"C’est pourquoi l’homme part en vacances..."

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C’est pourquoi l’homme part en vacances. Il est heureux et a beaucoup d’enfants. Il les assied sur la banquette de façon à coincer les paquets.
Le lendemain, les plages sont noires de monde. La mer se couvre de canards en plastique jaune que chevauchent des hommes intrépides. Parfois, ce sont des comptables modèles, parfois des penseurs importants. Les plus beaux ont l’air de monarques avec une grande barbe carrée. Ils donnent l’image qu’eût présenté l’histoire du monde si les rois s’étaient mis à cheval sur des canards. Leur corps se bronze, leur tête s’échauffe, les femmes les admirent dans les bars.
D’autres fois ils pendent au bout d’un fil, le long d’une falaise verticale, vertigineusement accrochés avec des clous et des ficelles. Puis ils s’élèvent lentement par tractions successives. Leurs abdominaux se fortifient.
D’autres fois, ils se jettent dans les entrailles du sol pour regarder des bisons dans des grottes. C’est ce qu’on appelle la spéléologie. Assis sur des rochers humides, à mille mètres de profondeur, ils contemplent longuement dans de sombres cavernes des profils de bison, de mouflon, d’instituteurs, et même des slogans politiques que les premiers hommes et les enfants de l’école voisine ont tracé sur les parois.

Alexandre Vialatte, Almanach des quatre saison
(Ill : Reginald Marsh)

 

11/07/2024

"La télévision ?"

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La télévision ? Des cons qui en questionnent d'autres.
 
Frédéric Dard
 

24/05/2024

"immédiate et grande leçon..."

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Borges m'a donné une immédiate et grande leçon : la nouveauté du passé. Une chose fondamentale pour ma littérature.

Carlos Fuentes

 

17/05/2024

"It takes a lot..."

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It takes a lot of rehearsing
for a man to be himself. 

William Saroyan

 

03/04/2024

"Malgré les secours..."

baudelaire,progrès,bien,beauté,mal,beau,poésie

Malgré les secours que quelques cuistres célèbres ont apportés à la sottise naturelle de l'homme, je n'aurais jamais cru que notre patrie pût marcher avec une telle vélocité dans la voie du progrès. Ce monde a acquis une épaisseur de vulgarité qui donne au mépris de l'homme spirituel la violence d'une passion. Mais il est des carapaces heureuses que le poison lui-même n'entamerait pas.
J'avais primitivement l'intention de répondre à de nombreuses critiques et, en même temps, d'expliquer quelques questions très simples, totalement obscurcies par la lumière moderne : qu'est-ce que la Poésie ? quel est son but ? de la distinction du Bien d'avec le Beau ; de la Beauté dans le Mal ; que le rythme et la rime répondent dans l'homme aux immortels besoins de monotonie, de symétrie et de surprise; de l'adaptation du style au sujet ; de la vanité et du danger de l'inspiration, etc., etc ; mais j'ai eu l'imprudence de lire ce matin quelques feuilles publiques ; soudain, une indolence, du poids de vingt atmosphères, s'est abattue sur moi, et je me suis arrêté devant l'épouvantable inutilité d'expliquer quoi que ce soit à qui que ce soit. Ceux qui savent me devinent, et pour ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas comprendre, j'amoncellerais sans fruit les explications.
 
Charles Baudelaire - Œuvres posthumes, (1908)
 

30/01/2024

Pédanterie # 1

encyclopédie populaire,Robespierre

Description de la mode sous le Directoire par L’Encyclopédie populaire (1899) :

Ce ne furent que tuniques grecques, cothurnes classiques, dolmans turcs, coiffures à la Caracalla…. Il y eut le bal partout. Mais le plus caractéristique fut celui sous le nom de « Bal des victimes » qui se tint à l’hôtel Richelieu. On n’y admit que les jeunes gens qui pouvaient citer le nom d’un père, d’un frère, d’une sœur ou d’un oncle immolés sur la place de la Révolution. En entrant à ce bal, les danseurs saluaient « à la victime » d’une inclinaison sèche, imitant le mouvement d’une tête que l’on coupe. De cyniques « merveilleux » imaginèrent même de se faire raser la nuque à la façon dont Samson accommodait ses victimes, et il y eut des « merveilleuses » qui osèrent serrer autour de leur cou un mince collier rouge imitant à ravir la section de la lame… Puis on chantait en chœur :

Quand Robespierre reviendra

Tous les jours deviendront des fêtes,

La terreur alors renaîtra

Et nous verrons tomber des têtes ! »

 

22/01/2024

L'actualité ?

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L’actualité existe-t-elle ? Elle est du jour et elle meurt à peine née. Sa nature est d’être éphémère. Son caractère est de passer vite. Son essence est d’âtre inactuelle dans la minute même qui la suit.
Rien de plus arbitraire également : elle est composée de faits triés par les journaux. Sans eux elle n’existerait pas. Et les journaux ne peuvent rendre compte, pour cent raisons, que d’une partie infinitésimale de tout ce qui arrive : ils ont laissé passer (quel oubli !) la naissance de Napoléon.
L’actualité la plus répandue est celle dont ils parlent le moins : le solstice, la neige, la Saint-Sylvestre, les saisons, la première fleur, la dernière feuille.
Où est le journal qui parle de l’aube ? L’aube, suprême curiosité de l’homme.
Car, cela ils l’ont compris (la Bible aussi, relisez la Genèse, relisez l’histoire du pommier), l’homme vit surtout de curiosité. C’est le dernier vice qui lui reste. Toutes ses curiosités sont blasées, il garde celles de son décor.
Il a vu le jour. Il ne cesse de vouloir le revoir.
Au bout du compte l’homme de la grande actualité, ce n’est peut-être pas le journaliste, mais le poète. Son actualité ne se fane pas. 
 
Alexandre Vialatte, Chronique des longues actualités, in La Montagne du 11 décembre 1962
 

15/01/2024

Les dames de janvier

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Les dames qui seront nées ce mois-ci, bien que fragiles de la cheville, et même sensibles du mollet dans quelques cas, seront tentées par l'aventure prométhéenne. Elles ressembleront à Mozart, à Pergolèse et à Polichinelle, parfois au Douanier Rousseau, et brilleront dans l'expertise légale. Leur visage, aminci du bas, pourra s'inscrire dans un triangle. Elles aimeront les voyages, les étoffes à carreaux, les produits synthétiques et les poêles à trois trous. Les astrologues très renseignés ajoutent qu'elles recevront des lettres. Moins tentées que les hommes par le crime passionnel, elles fourniront un pourcentage accru d'escrocs. Malgré quoi, comme par le passé, cette carrière restera surtout l'apanage de pères de famille (68 % de l'effectif), notamment des quadragénaires, dont l'activité se poursuivra au-delà de la soixantaine. 

Alexandre Vialatte, La Montagne, 21 janvier 1961. 

 

10/01/2024

"Glacial..."

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Un vent glacial succède à la neige. Il fait moins dix. Les trains patinent, les enfants glissent, les vieillards trébuchent, les ménagères tombent au bord du trottoir. La sentinelle passe un journal entre sa chemise et sa poitrine.
Le Père Noël, par souci de dignité, attache au bout de sa barbe un petit plomb de couturière pour l’empêcher de voler au vent.
Telles sont les rigueurs de l’hiver.

Alexandre Vialatte (La Montagne, 17 décembre 1963)
Ill : Clarence Coles Phillips