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31/07/2021

"Savez-vous..."

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– Savez-vous, dit-il, ce que nous devrions faire pour l’amitié ?
– Ce que vous voulez, dit Rieux.
– Prendre un bain de mer. Même pour un futur saint c’est un plaisir digne.
Rieux souriait.
– Avec nos laissez-passer, nous pouvons aller sur la jetée. À la fin, c’est trop bête de ne vivre que dans la peste. Bien entendu, un homme doit se battre pour les victimes. Mais s’il cesse de rien aimer par ailleurs, à quoi sert qu’il se batte ?
– Oui, dit Rieux, allons-y.
 
Albert Camus, La Peste 
 

15/07/2021

"Chaque fois..."

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Août 37. Chaque fois que j'entends un discours politique ou que je lis ceux qui nous dirigent, je suis effrayé depuis des années de n'entendre rien qui rende un son humain. Ce sont toujours les mêmes mots qui disent les mêmes mensonges. Et que les hommes s'en accommodent, que la colère du peuple n'ait pas encore brisé les fantoches, j'y vois la preuve que les hommes n'accordent aucune importance à leur gouvernement et qu'ils jouent, vraiment oui, qu'ils jouent avec toute une partie de leur vie et de leurs intérêts soi-disant vitaux. 


Albert Camus, Carnets, mai 1935-février 1942

 

14/08/2013

Pour préparer certain(e)s à la rentrée...

 

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« 30 septembre 37.

Je finis toujours par avoir fait le tour d’un être. Il suffit d’y mettre le temps. Il vient toujours un moment où je sens la cassure. Ce qui est intéressant c’est que c’est toujours au moment où, devant une chose, je le sens non-curieux. »

Albert Camus , « Carnets, mai 1935 – février 1942 »

 

06/08/2013

Italia # 7

 

« Mostra Giottesca.

Il faut du temps pour s’apercevoir que les visages des primitifs florentins sont ceux qu’on rencontre tous les jours dans la rue. C’est que nous avons perdu l’habitude de voir l’essentiel d’un visage. Nous ne regardons plus nos contemporains, ne prenant d’eux que ce qui sert à notre orientation (dans tous les sens). Les primitifs ne déforment pas, ils « réalisent ».

Dans le cloîtres des Morts, à la Santissima Annunziata, ciel gris chargé de nuages, architecture sévère, mais rien n’y parle de la mort. Il y a des dalles funéraires et des ex-voto, celui-ci fut père tendre et mari fidèle, cet autre en même temps que le meilleur des époux un commerçant avisé, une jeune femme, modèle de toutes les vertus, parlait le français et l’anglais « si come il nativo ». (Tous se sont créé des devoirs, et des enfants, aujourd’hui, jouent à saute-mouton sur les dalles qui veulent perpétuer leur vertu.)

(…)

Au cloître de San Francesco, à Fiesole, une petite cour bordée d’arcades, gonflée de fleurs rouges, de soleil et d’abeilles jaunes et noires. Dans un coin, un arrosoir vert. Partout, des mouches bourdonnent. Recuit de chaleur, le petit jardin fume doucement. Je suis assis  par terre et je pense à ces franciscains dont j’ai vu les cellules tout à l’heure, dont je vois maintenant les inspirations, et je sens bien que s’ils ont raison, c’est avec moi qu’ils ont raison.  Derrière le mur où je m’appuie, je sais qu’il y a la colline  qui dévale vers la ville et cette offrande de tout Florence avec ses cyprès. Mais cette splendeur du monde est comme  la justification de ces hommes. Je mets tout mon orgueil à croire qu’elle est aussi la mienne et celle de tous les hommes de ma race – qui savent qu’un point extrême de pauvreté rejoint toujours le luxe et la richesse du monde. S’ils se dépouillent, c’est pour une plus grande vie (et non pour une autre vie). C’est le seul sens que je consente à comprendre dans le mot « dénuement ».

 

Albert Camus , « Carnets, mai 1935 – février 1942 » 

08/07/2013

Snowden

 

“ Les hommes d’Europe, abandonnés aux ombres, se sont détournés du point fixe et rayonnant. Ils oublient le présent pour l’avenir, la proie des êtres pour la fumée de la puissance, la misère des banlieues pour une cité radieuse, la justice quotidienne pour une vraie terre promise. Ils désespèrent de la liberté des personnes et rêvent d’une étrange liberté de l’espèce ; refusent la mort solitaire, et appellent immortalité une prodigieuse agonie collective. Ils ne croient plus à ce qui est, au monde et à l’homme vivant ; le secret de l’Europe est qu’elle n’aime plus la vie.

Albert Camus, "L’Homme révolté"

 

 

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07/07/2013

"La Grande Bellezza"

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« Dans un pays étranger, soleil qui dore les maisons sur une colline. Sentiment plus puissant que devant le même fait dans son propre pays. Ce n’est pas le même soleil. Je sais bien, moi, que ce n’est pas le même soleil. »

Albert Camus , « Carnets, mai 1935 – février 1942 »

 

08/09/2012

Italia # 3

" J'entre en Italie. Terre faite à mon âme, je reconnais un à un les signes de son approche. Ce sont les premières maisons aux tuiles écailleuses, les premières vignes plaquées contre un mur que le sulfatage a bleui. Ce sont les premiers linges tendus dans les cours, le désordre des choses, le débraillé des hommes. Et le premier cyprès (si grêle et pourtant si droit), le premier olivier, le figuier poussiéreux. Places pleines d'ombres de petites villes italiennes, heures de midi où les pigeons cherchent un abri, lenteur et paresse, l'âme y use ses révoltes. La passion chemine par degrés vers les larmes. Et puis, voici Vicence. Ici, les journées tournent sur elles-mêmes, depuis l'éveil du jour gonflé du cri des poules jusqu'à ce soir sans égal, doucereux et tendre, soyeux derrière les cyprès et mesuré longuement par le chant des cigales. Ce silence intérieur qui m'accompagne, il naît de la course lente qui mène la journée à cette autre journée. Qu'ai-je à souhaiter d'autre que cette chambre ouverte sur la plaine, avec ses meubles antiques et ses dentelles au crochet. J'ai tout le ciel sur la face et ce tournoiement des journées, il me semble que je pourrais le suivre sans cesse, immobile, tournoyant avec elles. Je respire le seul bonheur dont je sois capable – une conscience attentive et amicale. Je me promène le jour : de la colline, je descends vers Vicence ou bien je vais plus avant dans la campagne. Chaque être rencontré, chaque odeur de cette rue, tout m'est prétexte pour aimer sans mesure. Des jeunes femmes qui surveillent une colonie de vacances, la trompette des marchands de glaces (leur voiture, c'est une gondole montée sur roues et munie de brancards), les étalages de fruits, pastèques rouges aux graines noires, raisins translucides et gluants – autant d'appuis pour qui ne sait plus être seul. Mais la flûte aigre et tendre des cigales, le parfum d'eaux et d'étoiles qu'on rencontre dans les nuits de septembre, les chemins odorants parmi les lentisques et les roseaux, autant de signes d'amour pour qui est forcé d'être seul. Ainsi, les journées passent. Après l'éblouissement des heures pleines de soleil, le soir vient, dans le décor splendide que lui fait l'or du couchant et le noir des cyprès. Je marche alors sur la route, vers les cigales qui s'entendent de si loin. À mesure que j'avance, une à une, elles mettent leur chant en veilleuse, puis se taisent. J'avance d'un pas lent, oppressé par tant d'ardente beauté. Une à une, derrière moi, les cigales enflent leur voix puis chantent : un mystère dans ce ciel d'où tombent l'indifférence et la beauté. Et, dans la dernière lumière, je lus au fronton d'une villa : « In magnificentia naturae, resurgit spiritus. » C'est là qu'il faut s'arrêter. La première étoile déjà, puis trois lumières sur la colline d'en face, la nuit soudain tombée sans rien qui l'ait annoncée, un murmure et une brise dans les buissons derrière moi, la journée s'est enfuie, me laissant sa douceur. "
 
Albert Camus, "L'envers et l'endroit"
 



23/04/2009

un article sur "AUX VENTS !"

C'est dans KIBLIND, cette belle revue -et gratuite en plus de cela- que l'on trouve partout à Lyon.

AUX VENTS !

par A.Demousson

 

Il fallait oser : publier le gros roman d’un parfait inconnu ! C’est le nouveau pari de la collection « À charge » des éditions À plus d’un titre, avec la sortie du troisième titre de son catalogue. Mais quel roman… Imaginez « L’étranger » de Camus raconté/redécouvert dans la langue de Céline ! Bien plus, bien mieux qu’un roman noir !

« Aux vents ! » de Marc Pellacoeur, c’est l’histoire d’un homme qui laisse (par lâcheté) son ami Mustapha se faire tuer par un autre ami, le terrible Plantu. S’ensuit une descente aux enfers de 450 pages qui jamais ne sortira du territoire de Saint-Amand (ville dont le maire s’appelait… Maurice Papon !). Pour être encore plus précis : l’essentiel de l’histoire se déroule entre les murs de la (seule) discothèque de Saint-Amand.

Pas d’erreur possible : dans ce roman censé se passer dans les années 70, c’est le portrait de la société française d’aujourd’hui que Pellacoeur nous trace avec force et sensibilité. Il y a bien quelque chose de pourri dans notre royaume hexagonal, mais Pellacoeur, avec le verbe qui est le sien, parvient à faire (sur)vivre au milieu de ce chaos quelques personnages émouvants (dont Michelle, figure inoubliable pour le lecteur, aussi passionnée de cinéma et de livres que de… cul). Signalons aussi, entre autres morceaux de bravoure, un match de football narré sur de nombreuses pages et qui réconciliera les amoureux et les détracteurs du ballon rond (un tour de force que seul un grand écrivain peut réussir).

 

« Aux vents ! »

de Marc Pellacoeur

Editions A plus d’un titre, collection « A charge »

454 pages / 19euros

 

Pour commander ce livre par Internet, cliquez sur ce lien. Mais vous pouvez AUSSI le trouver (ou le commander) chez votre libraire préféré!

Un premier, puis un second extrait à lire.

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