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03/12/2013

Bermuda brothers

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14/08/2013

Pour préparer certain(e)s à la rentrée...

 

camus,albert camus

 

« 30 septembre 37.

Je finis toujours par avoir fait le tour d’un être. Il suffit d’y mettre le temps. Il vient toujours un moment où je sens la cassure. Ce qui est intéressant c’est que c’est toujours au moment où, devant une chose, je le sens non-curieux. »

Albert Camus , « Carnets, mai 1935 – février 1942 »

 

06/08/2013

Italia # 7

 

« Mostra Giottesca.

Il faut du temps pour s’apercevoir que les visages des primitifs florentins sont ceux qu’on rencontre tous les jours dans la rue. C’est que nous avons perdu l’habitude de voir l’essentiel d’un visage. Nous ne regardons plus nos contemporains, ne prenant d’eux que ce qui sert à notre orientation (dans tous les sens). Les primitifs ne déforment pas, ils « réalisent ».

Dans le cloîtres des Morts, à la Santissima Annunziata, ciel gris chargé de nuages, architecture sévère, mais rien n’y parle de la mort. Il y a des dalles funéraires et des ex-voto, celui-ci fut père tendre et mari fidèle, cet autre en même temps que le meilleur des époux un commerçant avisé, une jeune femme, modèle de toutes les vertus, parlait le français et l’anglais « si come il nativo ». (Tous se sont créé des devoirs, et des enfants, aujourd’hui, jouent à saute-mouton sur les dalles qui veulent perpétuer leur vertu.)

(…)

Au cloître de San Francesco, à Fiesole, une petite cour bordée d’arcades, gonflée de fleurs rouges, de soleil et d’abeilles jaunes et noires. Dans un coin, un arrosoir vert. Partout, des mouches bourdonnent. Recuit de chaleur, le petit jardin fume doucement. Je suis assis  par terre et je pense à ces franciscains dont j’ai vu les cellules tout à l’heure, dont je vois maintenant les inspirations, et je sens bien que s’ils ont raison, c’est avec moi qu’ils ont raison.  Derrière le mur où je m’appuie, je sais qu’il y a la colline  qui dévale vers la ville et cette offrande de tout Florence avec ses cyprès. Mais cette splendeur du monde est comme  la justification de ces hommes. Je mets tout mon orgueil à croire qu’elle est aussi la mienne et celle de tous les hommes de ma race – qui savent qu’un point extrême de pauvreté rejoint toujours le luxe et la richesse du monde. S’ils se dépouillent, c’est pour une plus grande vie (et non pour une autre vie). C’est le seul sens que je consente à comprendre dans le mot « dénuement ».

 

Albert Camus , « Carnets, mai 1935 – février 1942 » 

08/07/2013

Snowden

 

“ Les hommes d’Europe, abandonnés aux ombres, se sont détournés du point fixe et rayonnant. Ils oublient le présent pour l’avenir, la proie des êtres pour la fumée de la puissance, la misère des banlieues pour une cité radieuse, la justice quotidienne pour une vraie terre promise. Ils désespèrent de la liberté des personnes et rêvent d’une étrange liberté de l’espèce ; refusent la mort solitaire, et appellent immortalité une prodigieuse agonie collective. Ils ne croient plus à ce qui est, au monde et à l’homme vivant ; le secret de l’Europe est qu’elle n’aime plus la vie.

Albert Camus, "L’Homme révolté"

 

 

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07/07/2013

"La Grande Bellezza"

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« Dans un pays étranger, soleil qui dore les maisons sur une colline. Sentiment plus puissant que devant le même fait dans son propre pays. Ce n’est pas le même soleil. Je sais bien, moi, que ce n’est pas le même soleil. »

Albert Camus , « Carnets, mai 1935 – février 1942 »

 

08/09/2012

Italia # 3

" J'entre en Italie. Terre faite à mon âme, je reconnais un à un les signes de son approche. Ce sont les premières maisons aux tuiles écailleuses, les premières vignes plaquées contre un mur que le sulfatage a bleui. Ce sont les premiers linges tendus dans les cours, le désordre des choses, le débraillé des hommes. Et le premier cyprès (si grêle et pourtant si droit), le premier olivier, le figuier poussiéreux. Places pleines d'ombres de petites villes italiennes, heures de midi où les pigeons cherchent un abri, lenteur et paresse, l'âme y use ses révoltes. La passion chemine par degrés vers les larmes. Et puis, voici Vicence. Ici, les journées tournent sur elles-mêmes, depuis l'éveil du jour gonflé du cri des poules jusqu'à ce soir sans égal, doucereux et tendre, soyeux derrière les cyprès et mesuré longuement par le chant des cigales. Ce silence intérieur qui m'accompagne, il naît de la course lente qui mène la journée à cette autre journée. Qu'ai-je à souhaiter d'autre que cette chambre ouverte sur la plaine, avec ses meubles antiques et ses dentelles au crochet. J'ai tout le ciel sur la face et ce tournoiement des journées, il me semble que je pourrais le suivre sans cesse, immobile, tournoyant avec elles. Je respire le seul bonheur dont je sois capable – une conscience attentive et amicale. Je me promène le jour : de la colline, je descends vers Vicence ou bien je vais plus avant dans la campagne. Chaque être rencontré, chaque odeur de cette rue, tout m'est prétexte pour aimer sans mesure. Des jeunes femmes qui surveillent une colonie de vacances, la trompette des marchands de glaces (leur voiture, c'est une gondole montée sur roues et munie de brancards), les étalages de fruits, pastèques rouges aux graines noires, raisins translucides et gluants – autant d'appuis pour qui ne sait plus être seul. Mais la flûte aigre et tendre des cigales, le parfum d'eaux et d'étoiles qu'on rencontre dans les nuits de septembre, les chemins odorants parmi les lentisques et les roseaux, autant de signes d'amour pour qui est forcé d'être seul. Ainsi, les journées passent. Après l'éblouissement des heures pleines de soleil, le soir vient, dans le décor splendide que lui fait l'or du couchant et le noir des cyprès. Je marche alors sur la route, vers les cigales qui s'entendent de si loin. À mesure que j'avance, une à une, elles mettent leur chant en veilleuse, puis se taisent. J'avance d'un pas lent, oppressé par tant d'ardente beauté. Une à une, derrière moi, les cigales enflent leur voix puis chantent : un mystère dans ce ciel d'où tombent l'indifférence et la beauté. Et, dans la dernière lumière, je lus au fronton d'une villa : « In magnificentia naturae, resurgit spiritus. » C'est là qu'il faut s'arrêter. La première étoile déjà, puis trois lumières sur la colline d'en face, la nuit soudain tombée sans rien qui l'ait annoncée, un murmure et une brise dans les buissons derrière moi, la journée s'est enfuie, me laissant sa douceur. "
 
Albert Camus, "L'envers et l'endroit"