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30/07/2014

Il y a des textes de circonstances...

... Il n’y a peut-être que cela…

Pendant une dizaine d’années, tout auteur Rhône-Alpin a pu postuler à une résidence d’auteur Montréalaise (comme il s’agissait d’un échange, un auteur Québécois se rendait à Lyon à chaque printemps, c’est comme cela que j’ai pu retrouver, entre autres, François Barcelo).

Après Patrick Laupin et avant Patrick Dubost, j’ai eu la chance de décrocher cette résidence lors de l’hiver 2002-2003. C’est peu dire qu’elle a été déterminante, puisque je l’ai obtenue en tant que « romancier » et  j’en suis revenu, sinon « poète », en tout cas bien gagné par le virus de la poésie (c’est là-bas que j’ai écrit la plupart des textes de « ANGIOMES »).

Quand cet échange de résidence a été supprimé voilà quelques années, pour des raisons budgétaires et très soudainement (sans que les auteurs de Rhône-Alpes ne protestent), l’Arald a demandé aux anciens bénéficiaires du studio-avec-vue-imprenable-sur-le-Carré-Saint-Louis-et-Mont-Royal un texte évoquant leur parenthèse Montréalaise. Le mien, comme celui des autres, a été publié dans une plaquette aujourd’hui introuvable. Je le copie-colle aujourd’hui sur mon blog :

 

MONTREAL.jpg

 

CONTE À REBOURS

 

Nature of request : Visit of Mr Jean-Pierre Houdaer, QS Supervisor, BSN / Mr A.Chauvel, Quality Director, Cordon Blue Int.

September 13, 1976

Mr Houdaer, QS supervisor of BSN in France will be visiting Brockport on September 13. He will be accompanied by Mr Alan Chauvel who will be acting as his interpreter. During Mr Houdaer’s visit, he would like to review the QA Department function, organization and procedures at the Brockport plant.

J’ai sept ans et tu pars au Canada-Québec (pas moyen de comprendre à l’époque s’il s’agit d’un seul et même pays, personne pour m’expliquer autour de moi). Tu pars visiter des usines, les chutes du Niagara. Le boulot avant tout. D’abord, les usines.

1976 : ce voyage organisé dans le cadre de l’office franco-québécois a pour but d’étudier les méthodes nord-américaines de contrôle et gestion de la qualité et de comparer celles-ci aux méthodes européennes.

Tu observes, interroges, griffonnes dans un petit carnet des lignes que je ne lirai que vingt-cinq ans plus tard :

Les normes de l’État Canadien imposent que l’ASSURANCE QUALITÉ du produit final ((les 10% du personnel) ne dépende pas de la production.

Est-ce pendant ton séjour à l’étranger que je décide de devenir écrivain ? Je n’en suis pas sûr. L’âge correspond pourtant. J’ai sept-huit ans et je me lasse de mettre en scène la crémation de Playmobil sur leur lit de Lego.

Tu as 33 ans quand tu atterris en Amérique du Nord. J’ai 33 ans aujourd’hui, et je pars dans un mois. Je me prépare. Je lis. Je relis dans tous les sens (Barcelo, Ducharme, Laferrière), je me marie et je tapisse les murs de la salle des fêtes de textes de québécois (Miron, Giguère, Duguay, Morency, Aquin), je punaise des poèmes jusque dans les toilettes, c’est presque trop, il y a de quoi en faire retourner plus d’un dans sa tombe… Et toi, que pouvait-on lire le jour de ton mariage ?

J’effectue une recherche sur Internet et me débrouille comme un plouc. Je tape « Québec », lance ma demande et obtiens 3 840 000 réponses. Ma fille vient m’embêter. Elle pose ses pieds sur les miens, je la saisis par les poignets et nous marchons ainsi dans l’appartement. Avec ce poids supplémentaire à soulever, mes chevilles souffrent. À cet instant, je dois peser aussi lourd que  toi à mon âge, à la veille de partir.

L’opérateur de production est responsable de la qualité produite. Toutes ses fiches de travail sont vérifiées par le contrôle qualité. Il possède des fiches de contrôle statistique à remplir.

Tu notes pourcentages, températures et indices de toutes sortes. Tu remplis ton petit carnet de schémas que je ne parviens pas à lire. On dirait des croquis réalisés par un Ufologue sous acide.

PROFIL DES PARTICIPANTS :

12 responsables de départements qualité (ou chefs de service contrôle) dans les secteurs industriels suivants :

- industrie  spatiale (CNES) et nucléaire (CEA)

- matériels  électriques et électroniques

- matériels électromécaniques et mécaniques

- autres secteurs : fonderie – caoutchouc / plastique – verrerie / emballage

Tu entres dans cette dernière catégorie. Vous êtes douze. Un bon chiffre.. Le même que celui des apôtres dont maman ne cesse de me rabâcher les Actes, le même que celui des salopards dans ce film que l’on m’interdit de  voir.

Moi, en tout cas, je pars seul. Pascal Garnier – plus d’une résidence d’auteur à son actif – m’a dit « Seul avec ta bite et ton couteau ». L’expression m’a plu.

Tu pars au Canada et en reviens riche de mille diapos. Tu retrouves tes enfants. Et après ? Les vois-tu seulement grandir ? Je suis déjà adolescent. Asphyxie, poche d’oxygène sous la banquise, asphyxie, poche d’oxygène, j’entends que l’on gratte la glace au-dessus de moi. C’est Réjean Ducharme qui s’active. Sortie du Déclin de l’empire américain et de Jésus de Montréal sur les écrans français. Et toi, tu es où pendant ce temps ?

Jour J moins 30 avant le début de ma résidence montréalaise. Je me prépare (je l’ai déjà écrit). Je me prépare à l’idée de te téléphoner. Te reste-t-il un adapteur-transformateur à me prêter avant mon départ ? Voilà, je sais quelle première question te poser, je sais par où commencer quand je t’auraiau bout du fil. Pour le reste…

 

29/03/2005

aux marches du Palais

Avec François Barcelo, nous descendons dans la Drôme jusqu’à la maison-musée (invisible de la route) de Cécile Philippe. Quand je parle de « maison-musée », je n’exagère pas. Dans ce chalet monté comme un Lego (les poutres sont arrivés de Finlande, chacune numérotée pour que l’on sache les emboîter sans vis ni clou dans le bon ordre, sauf que les étiquettes se sont décollées durant le transport), se sont accumulés les œuvres de plasticien achetées par Cécile(1) durant sa carrière de journaliste. Sans compter les artistes qui sont venus ici pour peindre la plupart de ses portes (de Jim Léon à Mignot). 

        Nous parlons littérature, Montréal (Cécile y a également effectué une résidence d’auteur et a pris l’habitude d’y vivre six mois par an), frelons (qui lui posent des problèmes sur son terrain drômois et composent le pire de mes cauchemars d’enfance depuis le jour où j’ai été coursé par tout un essaim, plus « Orphelin de Perdide » que moi, tu meurs !), manuscrits de François (en exclu mondiale, j’ai lu et commenté les deux derniers : « Pompes Funèbres » et « Bossalo »), Calaferte (que Cécile a bien connu), Chantal Pelletier (sa résidence d’auteur à Montréal est plus récente)…

        Avec François, nous allons visiter le Palais Idéal du Facteur Cheval à Hauterives.

        Enfant (j’habitais dans le nord de la France), j’étais un inconditionnel du Facteur. À mes yeux, il était l’artiste idéal. Quand j’ai visité une première fois son Palais, âgé de 15 ans, la désillusion a été rude. Vingt ans plus tard, j’y retourne. Je me surprends à être ému. Quand un autodidacte rencontre un autre autodidacte…

        Cécile nous parle du reportage qu’elle a voulu consacrer au Facteur Cheval il y a quelques années. Bien sûr que de son vivant, tous ses proches l’ont pris pour un cinglé. Cécile nous raconte sa rencontre avec les petites-filles du facteur. Des dizaines d’années après sa mort, alors que la consécration officielle (Malraux et cie) était passée par là, les membres de sa famille n’avaient pas changé de regard sur lui !

        Suite de la visite du Palais du Facteur :

        Ses auto-citations écrites sur les murs de son palais, truffées de fautes d’orthographe (elles ont mystérieusement disparues quand les phrases du facteur sont reproduites dans les brochures touristiques, blasphème !).

 

        « La vie est combats »

 

        « Ce que Dieu écrivit sur ton front’arivera »

 

        Il sait aussi bien faire parler sa femme que sa brouette :

 

        « Je suis fidèle compagne        

du travailleur intelligent        

qui chaque jour dans la campagne        

cherchait son petit contingent »        

« Moi, sa brouette, j’ai eu cet honneur        

d’avoir été 27 ans sa compagne de labeur »        

À l’intérieur du Palais : « J’ai voulu dormir ici ».

 

        J’attire l’attention de François sur cette formule irrésistible que l’on retrouve en plusieurs endroits du palais, et que l’on pourrait faire figurer sur les quatrième de couv’ de nos livres :

 

        « TRAVAIL D’UN SEUL HOMME »

 

        Nous avons beaucoup ri. Et je n’ai pas manqué d’acheter un portrait-carte postale du grand homme. Dire qu’il a commencé son œuvre à 43 ans ! À 70, il la finissait pour s’atteler à son tombeau qu’il acheva à 86 ans, juste avant de mourir).

 

  (1)              par déontologie, Cécile a toujours refusé les cadeaux. Un jour, un peintre qui avait appris indirectement qu’elle aimait son travail, lui a envoyé trois petites œuvres. Elle les lui a renvoyées avec un mot d’explications, je ne peux pas accepter, etc. Le type les lui a renvoyées à son tour, mais pas du tout, vous n’avez pas compris, je ne tiens pas à vous demander quoi que ce soit, mais simplement à, etc. Elle les lui a renvoyées une nouvelle fois avec un mot « si, à l’avenir, vous faites une exposition, soyez certain que je n’en parlerai pas… »

28/01/2005

Vendredi 28 janvier

Déjeuner avec l’ami François Barcelo (le premier québécois publié dans la Série Noire) au resto croix-roussien « Mon père était limonadier ». François est en résidence d’auteur à Lyon pour trois mois. Il est arrivé à Lyon-ST-Exupéry la semaine dernière, en même temps que la neige. Je n’ai jamais vu le boulevard de la Croix-Rousse ressembler à ce point à une avenue de Montréal. Le marché baignait dans la slotche. Nous avons dû nous cramponner à une rampe pour contourner le Gros Caillou et gagner la place Bellevue. Mais pas de glissade aujourd’hui.

Tout à la joie des retrouvailles, j’ai oublié de le questionner sur l’avenir de la Série Noire.

Hier, François a fait du vélo. Il est fou (et c’est un ancien kamikaze à deux roues qui l’écrit).



En parlant de fou… Rien à voir avec François sur son vélo un peu plus haut. Dantec (je sens que je vais faire souffrir certains de mes amis). Ça ne choque personne qu’il se trouve actuellement sans éditeur, que Gallimard puis Flammarion n’aient pas osé sortir le tome 3 de son Théâtre des Opérations. Ce n’est pas que je me fasse du soucis pour l’avenir éditorial de Maurice G., mais ses tribulations actuelles en disent long sur l’état de l’édition française et son auto-censure permanente.

Là encore (voir plus bas, à la date du 24 janvier), ça devrait être une porte ouverte que j’enfonce. Et bien non, ce n’est pas le cas.

Antoine Gallimard s’est dégonflé en premier. Son pirate de grand-père, lui au moins, était capable de dire à Nimier « Il n’y a qu’avec Drieu et avec ? que je ne me sois pas emmerdé. »

En tant que lecteur, un débat (un peu, beaucoup) contradictoire entre Dantec et… mettons Daeninckx (ou Marhic, qui est sûrement moins cher, connaît aussi bien les sujets à aborder, est peu suspect de, etc.), voilà quelque chose que j’aimerais voir, qui nourrirait ma réflexion. Malgré les innombrables salons du polar qui fleurissent en France, c’est tout simplement IMPOSSIBLE. Quelle radio organiserait une pareille rencontre ?

Il y en a un qui connaît également bien les sujets, est peu suspect de, etc. C’est Pouy. Pouy connaît bien Dantec. Il l’a connu tout jeune. Dantec et Benacquista, et d’autres, étaient « ses élèves ». Pouy n’était pas prof mais conseiller d’orientation ou pion ou un truc comme ça.

J’ai questionné directement Pouy sur Dantec, l’automne dernier. Tous deux, nous participions à un salon du livre où il n’y avait pas un rat. Nous avions bouffé à trois (Pouy, Pierre-Jean Balzan éditeur -la Fosse aux Ours- et moi), et durant tout le déjeuner, Pouy et Balzan avaient parlé des problèmes de la petite et de la moyenne édition, et tout ce qu’ils avaient dit n’était pas tombé dans l’oreille d’un sourd (je gamberge sérieusement autour de l’idée d’une petite structure éditoriale, des problèmes de distribution, etc.).

Après le repas, je demande à Pouy « t’en es où avec Dantec ? C’est quoi ton histoire avec lui ? »

Je regrette de ne pas avoir noté immédiatement ce qu’il m’a dit. Disons qu’il m’en parlé avec une réelle chaleur humaine, qu’il mettait les courriels de Maurice G. avec les Identitaires sur le compte de sa naïveté, qu’il lui reconnaissait un gros talent, depuis le début, etc. Évidemment, chacun des deux avait les pieds posés sur un continent différent. Mais rien à voir avec le Pouy que j’ai découvert en 1999 lors d’une table ronde à la Bastille (mon premier salon en tant qu’auteur), date à laquelle il se vantait d’avoir aidé à virer tous les auteurs de droite de la Série Noire. Je me souviens de ma consternation à l’époque, de mes pensées du style « c’est fini le temps où un Manchette pouvait publiquement reconnaître le talent d’un A.D.G tout en l’appelant son ennemi ».

Dans un journal que j’ai tenu il y a deux ans (avant que je n’apprenne l’existence des blogs), j’ai recopié et commenté le portrait chinois de Pouy. Son principal défaut ? La méchanceté. C’est ce qu’il répondait. Je n’en suis pas si sûr.

Pouy ne tient pas un double langage. Mais je le crois aussi compliqué que son écriture (merde, c’est un écrivain !).

Son écriture, j’ai eu l’occasion de la goûter, de la mâcher (voir aussi ma rubrique « Frédérick lecteur »). Je fais partie d’un groupe de « lecteurs à voix haute », « Abus de langage ». L’année dernière, j’ai lu en public (et dans un jardin ouvrier) les premières pages de « La belle de Fontenay ». Je les ai portées sur le bout de ma langue. Il m’en a coûté un sacré travail en amont. L’écriture de Jibé, je l’ai redécouverte de l’intérieur, elle est encore plus complexe que je ne le pensais. Et pas faite pour être lue à voix haute, d’après le même Jibé. Sûr qu’il n’écrit pas à l’oreille.

Donc, QUI organisera un débat Dantec-Pouy (je sais qu’il y a des journalistes qui me lisent) ? Et d’où viendront les freins, qui érigera des barrages ?



One shot :

“Celui qui se consacre au roman noir doit rencontrer la métaphysique tôt ou tard, car toute sa concentration, que ce soit dans la vie ou dans l’écriture, est dirigée vers ce combat sans fin entre le bien et le mal; sa carrière est comme une vie entière de travail passée à franchir chaque jour à bicyclette dans les deux sens la frontière entre un pays civilisé et l’Allemagne nazie.”

Robin Cook (si la citation était de Dantec, j’imagine les réflexions qu’elle s’attirerait…)