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28/01/2005

Vendredi 28 janvier

Déjeuner avec l’ami François Barcelo (le premier québécois publié dans la Série Noire) au resto croix-roussien « Mon père était limonadier ». François est en résidence d’auteur à Lyon pour trois mois. Il est arrivé à Lyon-ST-Exupéry la semaine dernière, en même temps que la neige. Je n’ai jamais vu le boulevard de la Croix-Rousse ressembler à ce point à une avenue de Montréal. Le marché baignait dans la slotche. Nous avons dû nous cramponner à une rampe pour contourner le Gros Caillou et gagner la place Bellevue. Mais pas de glissade aujourd’hui.

Tout à la joie des retrouvailles, j’ai oublié de le questionner sur l’avenir de la Série Noire.

Hier, François a fait du vélo. Il est fou (et c’est un ancien kamikaze à deux roues qui l’écrit).



En parlant de fou… Rien à voir avec François sur son vélo un peu plus haut. Dantec (je sens que je vais faire souffrir certains de mes amis). Ça ne choque personne qu’il se trouve actuellement sans éditeur, que Gallimard puis Flammarion n’aient pas osé sortir le tome 3 de son Théâtre des Opérations. Ce n’est pas que je me fasse du soucis pour l’avenir éditorial de Maurice G., mais ses tribulations actuelles en disent long sur l’état de l’édition française et son auto-censure permanente.

Là encore (voir plus bas, à la date du 24 janvier), ça devrait être une porte ouverte que j’enfonce. Et bien non, ce n’est pas le cas.

Antoine Gallimard s’est dégonflé en premier. Son pirate de grand-père, lui au moins, était capable de dire à Nimier « Il n’y a qu’avec Drieu et avec ? que je ne me sois pas emmerdé. »

En tant que lecteur, un débat (un peu, beaucoup) contradictoire entre Dantec et… mettons Daeninckx (ou Marhic, qui est sûrement moins cher, connaît aussi bien les sujets à aborder, est peu suspect de, etc.), voilà quelque chose que j’aimerais voir, qui nourrirait ma réflexion. Malgré les innombrables salons du polar qui fleurissent en France, c’est tout simplement IMPOSSIBLE. Quelle radio organiserait une pareille rencontre ?

Il y en a un qui connaît également bien les sujets, est peu suspect de, etc. C’est Pouy. Pouy connaît bien Dantec. Il l’a connu tout jeune. Dantec et Benacquista, et d’autres, étaient « ses élèves ». Pouy n’était pas prof mais conseiller d’orientation ou pion ou un truc comme ça.

J’ai questionné directement Pouy sur Dantec, l’automne dernier. Tous deux, nous participions à un salon du livre où il n’y avait pas un rat. Nous avions bouffé à trois (Pouy, Pierre-Jean Balzan éditeur -la Fosse aux Ours- et moi), et durant tout le déjeuner, Pouy et Balzan avaient parlé des problèmes de la petite et de la moyenne édition, et tout ce qu’ils avaient dit n’était pas tombé dans l’oreille d’un sourd (je gamberge sérieusement autour de l’idée d’une petite structure éditoriale, des problèmes de distribution, etc.).

Après le repas, je demande à Pouy « t’en es où avec Dantec ? C’est quoi ton histoire avec lui ? »

Je regrette de ne pas avoir noté immédiatement ce qu’il m’a dit. Disons qu’il m’en parlé avec une réelle chaleur humaine, qu’il mettait les courriels de Maurice G. avec les Identitaires sur le compte de sa naïveté, qu’il lui reconnaissait un gros talent, depuis le début, etc. Évidemment, chacun des deux avait les pieds posés sur un continent différent. Mais rien à voir avec le Pouy que j’ai découvert en 1999 lors d’une table ronde à la Bastille (mon premier salon en tant qu’auteur), date à laquelle il se vantait d’avoir aidé à virer tous les auteurs de droite de la Série Noire. Je me souviens de ma consternation à l’époque, de mes pensées du style « c’est fini le temps où un Manchette pouvait publiquement reconnaître le talent d’un A.D.G tout en l’appelant son ennemi ».

Dans un journal que j’ai tenu il y a deux ans (avant que je n’apprenne l’existence des blogs), j’ai recopié et commenté le portrait chinois de Pouy. Son principal défaut ? La méchanceté. C’est ce qu’il répondait. Je n’en suis pas si sûr.

Pouy ne tient pas un double langage. Mais je le crois aussi compliqué que son écriture (merde, c’est un écrivain !).

Son écriture, j’ai eu l’occasion de la goûter, de la mâcher (voir aussi ma rubrique « Frédérick lecteur »). Je fais partie d’un groupe de « lecteurs à voix haute », « Abus de langage ». L’année dernière, j’ai lu en public (et dans un jardin ouvrier) les premières pages de « La belle de Fontenay ». Je les ai portées sur le bout de ma langue. Il m’en a coûté un sacré travail en amont. L’écriture de Jibé, je l’ai redécouverte de l’intérieur, elle est encore plus complexe que je ne le pensais. Et pas faite pour être lue à voix haute, d’après le même Jibé. Sûr qu’il n’écrit pas à l’oreille.

Donc, QUI organisera un débat Dantec-Pouy (je sais qu’il y a des journalistes qui me lisent) ? Et d’où viendront les freins, qui érigera des barrages ?



One shot :

“Celui qui se consacre au roman noir doit rencontrer la métaphysique tôt ou tard, car toute sa concentration, que ce soit dans la vie ou dans l’écriture, est dirigée vers ce combat sans fin entre le bien et le mal; sa carrière est comme une vie entière de travail passée à franchir chaque jour à bicyclette dans les deux sens la frontière entre un pays civilisé et l’Allemagne nazie.”

Robin Cook (si la citation était de Dantec, j’imagine les réflexions qu’elle s’attirerait…)

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