03/06/2006
Samedi 3 juin
« À cette époque, il a écrit quelques pages où, en d’étranges fantaisies, se mêlent la légende de Dionysos-Zagreus, la passion des Évangiles et ses contemporains les plus proches : le dieu déchiré par ses ennemis erre, ressuscité, sur les rives du Pô, et voit alors tout ce qu’il a jamais aimé, ses idéaux, les idéaux du temps présent en général, loin au-dessous de lui. Ses amis et ses proches sont devenus ses ennemis qui l’ont mis en pièces. Ces pages sont dirigées contre Richard Wagner, Schopenhauer, Bismarck, ses plus proches amis : le professeur Overbeck, Peter Gast, Madame Cosima, mon mari, ma mère et moi… Même dans ces pages, il y a des passages d’une beauté saisissante, mais dans l’ensemble elles se caractérisent par un délire maladif. Dans les premières années de la maladie de mon frère, lorsque nous nourrissions encore l’espoir trompeur qu’il pourrait guérir un jour, ces feuilles ont été en grande partie détruites. Le cœur aimant et le bon goût de mon frère auraient été trop gravement blessés si de telles notations lui étaient un jour tombées sous les yeux. »
11:05 Publié dans carottages littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Nietzsche, Wagner, Dionysos
01/03/2006
Mercredi 1ier mars
« Expliquons-nous.
La poésie régulière, en effet, est finie. Elle s’est accomplie avec Victor Hugo, à qui nous sommes en droit de joindre un aileron sulfureux, Baudelaire, et un bouton de diamant, Mallarmé. Nous avons là un épilogue historique daté. La forme fixe s’est consommée à sa cote la plus élevée. Il est désormais impossible de rejoindre cette altitude évanouie. Pour toute perspective, la forme fixe n’a, depuis cent ans, que sa décroissance. Occupe-toi de ton minimum. Sans aucune intention moqueuse ou paradoxale je constate qu’elle ne vit que dans la chanson et qu’elle a Charles Trénet, Léo Ferré, Claude Nougaro pour ses plus solides amants. »
Audiberti, Dimanche m’attend
08:15 Publié dans carottages littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : audiberti, poésie, hugo, baudelaire, nougaro, trénet, ferré
24/02/2006
Py
Olivier Py, Epître aux jeunes acteurs pour que la parole soit rendue à la parole (Actes Sud)
07:50 Publié dans carottages littéraires, planches | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Py, art
03/10/2005
Lundi 3 octobre
Extrait :
13 juillet. - Un homme, une caisse à outils. Antoine est arrivé ce matin : une vraie plume mais ni maigre ni chétif. Énergique, vif. En un rien de temps, il s’est fabriqué une sorte d’établi le long de la palissade. Son travail : tresser les ferrailles, semelles, piliers, linteaux, préparer les coffrages. Il a du métier, comme on dit. Et des mains de sourcier, de derviche ; ça va vite, ça s’éclaire d’un coup. Ses outils : un jeu de griffes pour tordre les fers, des pinces coupantes, une petite et une grosse cisaille.
Dans l’après-midi, Ahmed et moi l’avons aidé à plier les barres de 16, grosses comme le pouce. Pourquoi, soudain, en plein effort, ce rire fou, ce rire qui nous montait des mains comme un oiseau grimpeur ? Impossible de continuer, c’était là, dans l’air, à hauteur de visages : une aile.
Ascendante, jusqu’au soir.
Thierry Metz, Le journal d’un manœuvre, Editions L’arpenteur
06:55 Publié dans carottages littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Metz, Le journal d'un manoeuvre, L'Arpenteur
26/07/2005
Mardi 26 juillet
« Dario Fo ne fait pas œuvre d’historien, mais il se sert de l’histoire pour montrer concrètement par le théâtre la nécessité de la réinterpréter sans relâche : édifiée le plus souvent par les érudits de la bourgeoisie, l’histoire a besoin d’être réinventée et retournée afin de servir les luttes présentes. Mais cette ré-appropriation, pour restituer au peuple la mémoire de ses luttes, doit se garder de concurrencer l’histoire officielle par une « contre-histoire » tout aussi dogmatique qui se présenterait sous la forme d’une leçon édifiante, illustrant et célébrant la marche continue et assurée vers le succès des « organisations responsables ». Dario Fo ne se réfère à l’histoire que pour retrouver des formes concrètes de protestation, de subversion, de révolte ou pour montrer les conditions particulières dans lesquelles furent inventées des luttes et transmis le savoir qui transforme l’oppression en insurrection. Ce que la culture populaire peut enseigner, ce n’est pas seulement une « contre-histoire », mais surtout le moyen d’inventer aujourd’hui encore des pratiques de résistance et de révolte. Retrouver cette culture c’est attiser le goût de la ruse et de la fantaisie, et par là continuer à divulguer ces pratiques et à en prolonger la portée »
in le métier d’acteur, paradoxe du théâtre politique de José Guinot et François Ribes
21:40 Publié dans carottages littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Persona, Lescuyer, Fo, Guinot, Ribes
25/07/2005
Lundi 25 juillet
Je m’estiv’aille jusqu’à Toulon où un sacré bonhomme vient de mourir. Je devrais fêter mon 36ème anniversaire sur une aire d’autoroute.
Autrement, avant de partir en vacances, un site à visiter.
Et les propos d’un sinologue, François Julien :
« En Europe, nous avons politiquement conquis le droit aux vacances, mais en avons-nous jamais conçu la notion ? (…) Partir en vacances, c’est cela : laisser à nouveau jouer, par-delà le clivage entre corps et esprit, une vitalité débarrassée de toute excitation fébrile. L’expérience est commune – je la partage avec les Chinois – mais voyez comme la pensée européenne reste un peu gourde pour s’en saisir. Descartes ou Kant ont bien approché l’idée, le premier lorsqu’il recommande de savoir " ne s’occuper qu’à imiter ceux qui, en regardant la verdeur d’un bois, les couleurs d’une fleur, le vol d’un oiseau, et telles choses qui ne requièrent aucune attention, se persuadent qu’ils ne pensent à rien. " " Ce qui ", martèle-t-il, " n’est pas perdre son temps. " Mais sur ce " penser à rien " vient mourir sa pensée. »
21:30 Publié dans carottages littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Toulon, Bombard, Julien, Descartes, Kant
15/06/2005
Kerouac mode d'emploi
Croyances et techniques pour la prose moderne
Evergreen Review, vol 2, n.8, 1959
Jack Kerouac
Liste des points essentiels:
1. Carnets secrets, couverts de gribouillis, et pages follement dactylographiées, pour votre propre plaisir
2. Soumis à tout, ouvert, à l'écoute
3. N'essayez jamais de vous soûler en-dehors de chez vous
4. Soyez amoureux de votre vie
5. Ce que vous ressentez trouvera sa propre forme
6. Soyez fou, soyez un saint abruti de l'esprit
7. Soufflez aussi profondément que vous souhaitez souffler
8. Ecrivez ce que vous voulez sans fond depuis le fin fond de l'esprit
9. Les visions indicibles de l'individu
10. Pas de temps pour la poésie, mais exactement ce qui est
11. Des tics visionnaires tremblant dans la poitrine
12. Rêvant en transe d'un objet se trouvant devant vous
13. Eliminez l'inhibition littéraire, grammaticale et syntaxique
14. Comme Proust, soyez à la recherche du joint perdu
15. Racontez la véritable histoire du monde dans un monologue intérieur
16. Le joyau, centre d'intérêt, est l'œil à l'intérieur de l'œil
17. Ecrivez pour vous dans le souvenir et l'émerveillement
18. Travaillez à partir du centre de votre oeil, en vous baignant dans l'océan du langage
19. Acceptez la perte comme définitive
20. Croyez en le contour sacré de la vie
21. Luttez pour esquisser le courant qui est intact dans l'esprit
22. Ne pensez pas aux mots quand vous vous arrêtez mais pour mieux voir l'image
23. Prenez note de chaque jour la date blasonnée dans votre matin
24. Pas de peur ou de honte dans la dignité de votre expérience, langage et savoir
25. Ecrivez de façon que le monde lise, et voie les images exactes que vous avez en tête
26. Livrefilm est le film écrit, la forme américaine visuelle
27. Eloge du caractère dans la solitude inhumaine et glacée
28. Composer follement, de façon indisciplinée, pure, venant de dessous, plus c'est cinglé, mieux c'est
29. On est constamment un Génie
30. Scénariste-Metteur en scène de films Terrestres Sponsorisés et Financés par les Anges au Paradis
06:20 Publié dans carottages littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Kerouac, Proust, saint, fou, génie, écriture
30/05/2005
Lundi 30 mai
Cendrars, capable de parler d’un “ anarchiste de Barcelone ” comme d’un être “ vindicatif et cruel. Il avait une bouche de tortionnaire et découvrait ses canines quand il souriait ” (in “ L’homme foudroyé ”).
Comme on est loin des Kenloacheries juste bonnes à faire mouiller le petit bonhomme de Télérama !
22:35 Publié dans carottages littéraires | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Cendrars, Barcelone, Loach
16/04/2005
Samedi 16 avril
Un (double) CD : l’Anthologie Céline
Sur le disque, un sticker signé Albert Paraz :
« … Voici un événement ! Privez-vous de vinasse, de tabac et de femmes mais achetez ce disque… Vous n’aurez jamais rien entendu de si beau, de si puissant, de si lyrique, de si simple, de si poignant, de si neuf, de si marrant, de si profond, de si terrible. On sent vibrer la démarche assurée des grands textes classiques. Pas un mot de trop. »
Céline, donc :
« Celui qui parle de l’avenir est un coquin. »
« Et puis d’abord on ne devrait jamais écouter les femmes qui ne sont pas belles, elles ne peuvent dire que des bêtises. »
« L’école doit devenir magique ou disparaître, bagne figé. »
« -Ah ! Ferdinand… Tant que vous vivrez, vous irez entre les jambes des femmes demander le secret du monde ! »
06:35 Publié dans C.A.P de lettres, carottages littéraires, oreillettes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Céline, Paraz, Arletty, Simon