UA-136760349-1

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

29/08/2017

La véritable tragédie

« Affranchir les grands conflits humains de l'interprétation naïve du combat entre le bien et le mal, les comprendre sous l'éclairage de la tragédie, fut une immense performance de l'esprit; elle fit apparaître la relativité fatale des vérités humaines; elle fit ressentir le besoin de rendre justice à l'ennemi. Mais la vitalité du manichéisme moral est invincible: je me souviens d'une adaptation d'Antigone que j'ai vue à Prague aussitôt après la guerre; tuant le tragique dans la tragédie, son auteur faisait de Créon un odieux fasciste qui écrasait une héroïne de la liberté.

De telles actualisations politiques d'Antigone ont été très en vogue après la Seconde Guerre mondiale. Hitler avait apporté non seulement d'indicibles horreurs à l'Europe mais il l'avait spoliée de son sens du tragique. A l'instar du combat contre le nazisme, toute l'histoire politique contemporaine serait dès lors vue et vécue comme un combat du bien contre le mal. Les guerres, les guerres civiles, les révolutions, les contre-révolutions, les luttes nationales, les révoltes et leur répression ont été chassées du territoire du tragique et expédiées sous l'autorité de juges avides de châtiment. Est-ce une régression? Une rechute au stade pré-tragique de l'humanité? Mais en ce cas, qui a régressé? L'Histoire elle-même, usurpée par des criminels? Ou notre façon de comprendre l'Histoire? Je me dis souvent: le tragique nous a abandonnés; et là est, peut-être, le vrai châtiment. »

 

Le rideau de Milan Kundera

kundera,antigone,hitler

 

 

27/11/2011

Comment rater le Goncourt ?

Réponse de Didier Decoin (membre de l'Académie Goncourt) : "On n’a pas évincé Emmanuel Carrère, on a évincé le personnage dont Carrère parle dans son livre. Carrère, qu’on considère comme un immense écrivain, a été victime de Limonov. On s’est dit : Que diable est-il allé faire dans cette galère? Quel intérêt de nous parler de cette sale bête de Limonov? Je sais qu’on pourrait nous dire qu’à partir de là, on n’écrit pas sur Hitler. Mais bon, voilà, j’ai réagi comme ça lors du vote. A la fin du scrutin, on s’est tous dit : Merde, on a sorti Carrère."

Pour ceusses qui aimeraient lire Limonov donc, ils peuvent commencer ICI. Pour Carrère, ne vous faites pas trop de soucis pour lui.

 


 

 

11/07/2005

Double visite

Tout commence par une séance photo normale. Éric Soudan, photographe pour Lyon-Découverte, souhaite me tirer le portrait dans un cadre intéressant. Il passe me prendre en scooter et m’emmène au Musée automobile de la Rochetaillée. Là, je prends la pose au fond de deux voitures dont un taxi de la Marne. Le musée étant officiellement fermé, nous l’avons pour nous tout seul. Nous nous attardons. Nous examinons la monstrueuse voiture de Hitler, ou celle qui a servi à Jean-Paul II pour faire deux fois le tour du stade de Gerland lors de son passage à Lyon, dans les années 80. Cette dernière affiche 250 kilomètres au compteur !

49fb2452ae5b0c2ee86b026c9e4d58e5.jpg

Nous remontons sur le scooter… Éric, au lieu de me ramener directement à la Croix-Rousse, me dit qu’il a « un truc » à me montrer. Et le voilà qui me conduit jusqu’à LA DEMEURE DU CHAOS (je ne l’avais vu qu’au travers de quelques reportages dans la presse, jusqu’à présent). Voilà qu’Éric pousse son scooter jusque devant les grilles de la propriété, voilà que ces grilles s’ouvrent car mon photographe-chauffeur vient de saluer de loin une connaissance… Thierry Ehrmann, le Maître des lieux, qui nous accueille avec la plus grande gentillesse… et nous fait visiter son chantier, son lieu de travail et son lieu de vie (les bureaux du groupe Serveur sont cachés sous le sol). Le site bénéficie d’une autonomie totale en matière d’électricité, d’eau, etc. L’un des toits, en cuivre, est farci de capteurs. Un autre est décoré/flanqué d’une énorme météorite. Tout est taggué de rouge et de noir.

L’homme fait montre d’un bel enthousiasme en nous montrant l’ancien temple protestant qu’il est en train de mettre à jour dans ce qui reste d’un potager, ou les nouveaux portraits géants peints sur la façade. De quoi ravir les voisins (Ben laden, Ratzinger du temps des jeunesses hitlériennes, « d’après une photo repêchée dans la mémoire de la banque de données du Vatican ! » nous explique notre guide).

Nous voyons l’ancien maire du village, qui fut l’un des farouches opposants au projet, venir saluer Thierry Ehrmann et lui dire « bravo ». Éric n’en croit pas ses oreilles, ni ses yeux.

Deux molosses dignes des Baskerville viennent réclamer leur lot de caresses (non, je ne charge pas le tableau, je n’ai pas parlé de l’hélicoptère fracassé, racheté en l’état, et posé au milieu de la cour, ni de l’épée de maçon de Thierry Ehrmann plantée dans l’un des murs extérieurs, ni de la salamandre…).

Quelques heures plus tard, je lirai cette phrase de Nimier dans un texte consacré à la thébaïde de Kléber Haedens : « Deux chiens d’une philosophie profonde hument et gardent cette maison. »

343d64a1be5f1617861f641a04cb81a2.jpg