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01/02/2011

Où je balance à « L’Indic »

Maintenant que le nouvel opus de « L’Indic » est sorti, je puis mettre en ligne l’entretien que j’avais accordé à cette (excellente) revue lors de son précédent numéro.

 

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L’indic : Bonjour Frédérick, tu vas bientôt sortir le 6e roman de la collection À Charge, collection que tu as créée aux éditions  A PLUS D'UN TITRE et que tu diriges depuis début 2009. Comment définirais-tu cette collection ?

 

F.H : Elle est dédiée à une littérature noire, vibrante et contemporaine (Soulages définit le « noir » comme une couleur contenant toutes les autres couleurs).

Dans la collection « À Charge » se croisent, s’entrechoquent différentes voix, différents styles, différentes fictions qui ne craignent pas de se frotter au monde réel. Pour preuve, les deux premiers romans qui y ont été publiés exploraient deux marges bien différentes : l’une rurale (Les ruines de la future maison, roman solaire d’Hélène Dassavray), l’autre urbaine (Curtis, coup de hache signé Dominique Salon).

Sans Hubert Selby jr, Dominique de Roux ou Bukowski (pour n’en citer que trois), la collection « À Charge » n’existerait pas.

 

Il me semble que la littérature noire peut se définir en partie comme un constat : la société industrielle et capitaliste est un échec pour l'humanité et c'est ce que nous montrons ici, ce dont nous parlons, c'est l'angle d'attaque de la littérature noire. La collection À Charge s'inscrit-elle dans ce constat ?

 

Oui, la question de l'angle... Ce "constat" dont tu parles est loin d'être suffisant. Quand Simenon parle de sa recherche de "l'homme nu", ça va plus loin. Plus loin que "Sarko, c'est caca, et l'argent, c'est pas bien". La littérature noire ne doit pas être une sorte de littérature de catéchèse de gauche. Je l'aime implacable et paradoxalement revigorante. Un nom en France : Thierry Marignac, qui n'occupe pas la place qu'il devrait occuper parmi les auteurs de sa génération.

 

Ce constat d'échec n'est pas seulement fait à gauche - ADG en parle - il est plus complexe qu' "Argent pas bien" ou "Président pourri" et s'inscrit à la fois dans la sociologie ou la lutte des classes chez Manchette, voire "la réaction" (chez ADG justement). Mais peut-être cet angle d'attaque qui pouvait en partie définir l'étiquette littérature noire à un moment donné est en train de changer. Pour Simenon effectivement "l'origine du mal" n'est pas avant tout sociétale. Il s'intéresse plus à "l'événement", au "drame" et ce qui y a conduit, par le biais psychologique.

 

Oui, mais là encore, le biais psychologique ne suffit pas. Est-ce que Selby, quand il écrit « Le démon », nous pond une œuvre psychologisante ?

J’aime bien aussi l’idée qu’un roman important… ça s’évalue aussi au nombre de livres que celui-ci ANNULE. Voir le serial-killer Rimbaud et ses « zécrits de jeunesse », quand il place un sacré coup de vieux derrière la nuque de toute une batterie de poètes de son temps.

 

Tu es un homme aux multiples occupations, romancier, poète... que représente pour toi le travail d'un directeur de collection ? Comment devient-on directeur de collection ?

 

Au commencement, il y a un lecteur. Je suis un lecteur. Le B.A.BA. Les fondamentaux. Jamais rechigné à lire les autres. Et je n'aime pas m'emmerder. Et quand je tombe sur le manuscrit de « Rococo Tokyoïte » de Clément Bulle, ça me fait quelque chose de constater que San-Antonio et Christian Prigent ont pu mélanger leur A.D.N pour créer un nouvel auteur !

 

Comment fais-tu ton choix entre les manuscrits que tu reçois, les auteurs que tu sollicites... ? Quelles sont les caractéristiques d'un texte que tu as envie de publier ?

 

Ben oui, c'est horrrrrriblement élitiste. Je fais des choix. Le critère ? La voix. La langue.

 

"La voix", "la langue"... tu veux dire le style, la manière de raconter ? mais j'imagine que ce qui est raconté t'importe aussi ! Quoi que peut-être le style englobe aussi ce que l'auteur raconte ?

 

"La voix, la langue"... Le coup de pinceau, si tu préfères. On peut aimer Van Gogh et détester les tournesols. Mais bien sûr que « Shopping Bang Bang » de Labedan-Flahaut est aussi un roman politique. Et « Aux vents ! » de Marc Pellacoeur (qui se passe dans la ville de province dont Maurice Papon était le maire) !

 

Toi qui connais les deux aspects (auteur/éditeur), quel est ton regard sur le monde de l'édition, que l'on dit en faillite, ses enjeux, son avenir ?

 

O.K. Après avoir connu cinq éditeurs différents en tant qu'auteur, autant de directeurs de collection... le monde "merveilleux" des auteurs... la "grande famille" des libraires... le nerf de la guerre qu'est le distributeur... Je pourrais facilement gloser sur la chiennerie éditoriale, à quel point la chaîne du livre est viciée. Que les choses soient claires : dans cette fameuse chaîne du livre, les maillons les plus importants à mes yeux sont le premier et le dernier : l'auteur et le lecteur (le premier étant le plus maltraité). J'attends beaucoup (trop ?) des révolutions numériques en cours, ne pleurnicherai pas sur certains monopoles qui vont s'effondrer. Quoiqu’il arrive, la situation ne peut se détériorer pour les auteurs, en comparaison de leur situation actuelle. Quoiqu’il arrive.

 

Peux-tu nous donner quelques chiffres ? Combien d'exemplaires tirés en moyenne pour un roman À charge ? Combien de manuscrits lis-tu dans l'année ?

 

Notre best-seller : "Les ruines de la future maison" de Hélène Dassavray. Ses 1500 ex sont tous partis. Le bouche-à-oreille.

Les tirages oscillent entre 500 et 2000 ex, suivant les titres.

Je lis une grosse cinquantaine de manus par an. Le plus souvent effaré de constater que les gens envoient leur texte sans avoir pris la peine de lire ce qui était sorti dans la collection.

 

Quelle est selon toi la plus grosse difficulté rencontrée par un éditeur, un directeur de collection ?

 

Voir ce que j'ai dit sur la chaîne du livre. Et j'ai été gentil.

 

En 2011, quels sont tes projets pour ta collection « À charge » aux Editions A PLUS D’UN TITRE ?

 

Le deuxième roman de Hélène Dassavray "Le dimanche, je m'appelle Olivier".

Un roman "italien" écrit en français par Philippe Puigserver.

 

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