26/12/2021
"avant chaque électiion..."
Auparavant, avant chaque élection, je faisais circuler la rumeur selon laquelle j’étais opposé à ceci et à cela – les combats de coqs, les jeux d’argent, le wiskey et ainsi de suite. Par conséquent, les autres candidats s’imaginaient qu’ils feraient bien de s’y opposer aussi, mais en se montrant deux fois plus virulents que moi – et je les laissais dire. C’est à la portée de n’importe qui, pratiquement, de faire des discours meilleurs que les miens, et de plaider avec plus de conviction que moi pour ou contre telle ou telle cause. Car moi, je n’ai pas de convictions bien solides sur quoi que ce soit. Ou du moins, je n’en ai plus.
Moyennant quoi, lorsque le scrutin approchait, les électeurs avaient le sentiment que c’en serait fini de la rigolade si mes adversaires étaient élus. Le citoyen de base, tout ce qu’il aurait encore le droit de faire sans finir en taule, ce serait boire de la limonade et embrasser sa femme. Et c’est une perspective qui n’enchantait personne – même pas les épouses.
Alors, tout bien pesé, je commençais à passer pour un candidat plutôt valable aux yeux des électeurs. C’est le genre de situation où « rien du tout » semble préférable à « quelque chose », parce qu’il suffisait aux électeurs de me regarder et de m’écouter un moment pour comprendre que je n’étais pratiquement opposé à rien, sinon au fait de ne plus toucher ma paye, et que je n’aurais jamais le cran nécessaire pour faire quoi que ce soit, même si j’y tenais fermement. Je laisserais simplement les affaires suivre leur cours comme elles l’ont toujours fait, parce que ça n'aurait pas de sens de tenter de les changer. Et après le dépouillement des bulletins de vote, j’étais toujours shérif. »
Pottsville, 1280 habitants de Jim Thompson
Trad. Jean-Paul Gratias
(la couv' italienne, c'est par snobisme)
03:55 Publié dans où je lis, polar | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : thompson, pottsville 1280 habitants, jean-paul gratias, coup de torchon
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