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19/05/2021

Dirk Raspe # 3

Robert et Cyril restèrent face à face. Ils évitaient cela depuis longtemps. Ils s’aimaient tendrement, tous les Heywood s’aimaient tendrement ; mais ils avaient pris des chemins si différents. Pour se retrouver, il aurait fallu rebrousser ces chemins ; sinon, on ne pouvait que se héler d’un chemin à l’autre, se crier de loin des mots incompréhensibles ou blessants. Leur tendresse maintenant consistait à feindre de s’oublier l’un l’autre. 

"Mémoires de Dirk Raspe"

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13/05/2021

Dirk Raspe # 2

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La vue de ces dessins provoqua un malaise. Louise aimait la poésie, les arts ; mais elle était de ces bonnes gens qui ne peuvent admettre un ouvrage que déjà assimilé par d’autres. Il faut que les autres le leur donnent, l’ayant déjà accepté. Pour eux, un artiste, c’est quelqu’un de déjà fait, qui leur vient d’un monde inconnu et révéré, ce ne peut être quelqu’un d’entre eux, quelqu’un qui naît. Ces dessins étaient très faibles, remplis d’une timidité pitoyable. Ils dirent que c’était faible. C’est cela qui aurait dû leur plaire, les rassurer. Après tout, il y avait peut-être dans ces dessins une pointe de vie, quelque chose d’insolite, d’inquiétant. Par exemple, cette prédilection pour les pauvres, cette obsession des pauvres. Etaient-ce les pauvres de Robert ? Celui-ci ne les reconnaissait pas. Il ne pouvait pas plus reconnaître la pauvreté surgissant dans l’art, que Louise ne pouvait reconnaître la vie surgissant dans l’art.
Ils avaient le droit, le devoir de les condamner. Il y a quelque chose de fort, de nécessaire, de sacré, dans cette méfiance des hommes devant l’apparition de l’art. Cette apparition n’est bien souvent qu’une vaine allusion, une prétention infirme. Et l’art, c’est une menace autant qu’un danger pour la vie. Ils étaient la vie. Devant ce danger, eux qui s’étaient tant démis de la vie, redevenaient la vie.

 

29/04/2021

Dirk Raspe # 1

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(…) ce ne fut pas Louise qui entra, mais Robert, le fils aîné. Il était en vacances pour quelques jours à la cure.
« Eh bien, papa, avez-vous fini ?
- Pas du tout, mon fils. »
Il disait cela d’un ton jovial, satisfait ; il était incroyablement au-delà de tout respect humain. 
 
Extrait du dernier roman (inachevé) de Pierre Drieu la Rochelle