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20/09/2009

"... la vie, mon honorable ami..."

« Devrait être dadaïste celui qui a compris, une fois pour toutes, qu’on n’a le droit d’avoir des idées que lorsqu’on les applique dans la vie – le type totalement actif ne vivant que d’action, son seul moyen de connaissance. Le dadaïste est l’homme qui loue un étage à l’hôtel Bristol sans savoir où prendre l’argent pour donner un pourboire à la femme de chambre. Le dadaïste est l’homme du hasard avec de bons yeux et le coup du père François. Il peut lancer son individualité comme un lasso, et il juge chaque cas suivant la situation. Il se résigne au fait que le monde abrite à la fois des mahométans, des zwingliens, des lycéens, des anabaptistes, des pacifistes, etc. Il voit d’un bon œil la diversité du monde sans s’en étonner pour autant. Le soir, l’orchestre joue au bord de la mer et les putes, qui se balancent sur leurs talons-aiguilles, te sourient en te dévisageant ouvertement. C’est un monde merdique et complètement dingue. Tu flânes comme ça, sans but précis, et tu te fabriques une philosophie pour le dîner. Mais sans crier gare, le facteur t’apporte le premier télégramme qui t’apprend que tous tes cochons sont morts de le rage, qu’on a jeté ton frac de la Tour Eiffel, et que ta femme de ménage a attrapé une carie des os. Tout étonné, tu regardes la lune qui te semble un bon terrain d’investissement, quand le même facteur t’apporte un autre télégramme, annonçant que toutes tes poules ont crevé de la fièvre aphteuse, que ton père, en tombant, s’est embroché sur une fourche et qu’il a gelé, que ta mère a volé en éclats à cause de ses noces d’argent (mais peut-être était-ce aussi la poêle qui est restée accrochée à ses oreilles, je n’en sais rien). C’est la vie, mon honorable ami. Les jours se suivent comme les mouvements de tes intestins, et toi, si souvent menacé d’étouffement par une arête de poisson, tu vis toujours. Tu tires la couverture sur tes oreilles et tu siffles La Madelon (…). Ça, c’est le vrai dadaïsme, Messieurs. »

Richard Huelsenbeck, « En avant Dada » 

 

 

Commentaires

Merci pour cet extrait magnifique !

en contre-don : "«J'avais compris — après six mois de méditation sur un aveugle mur blanc — que dans la vie n'est intéressante que la fantaisie chevauchant le hasard". (Clément Pansaers)

Écrit par : CYP | 25/09/2009

Ah oui, fabuleux, cet extrait !
Indéniablement, Frédérick, tu as un côté "dada" très... dada.
Et puis quelle découverte aussi, ce Clément Pansaers...

Merci a vous deux...

Écrit par : anne | 01/10/2009

Merci à CYP. Son blog (Fantomas Media) est très riche.

Écrit par : Frédérick Houdaer | 02/10/2009

Les commentaires sont fermés.