24/03/2021
William Seabrook
Quel livre ! Quelle autobiographie (écrite deux ans avant de se tuer…. Le moins que l’on puisse dire, c’est que Seabrook écrit comme un homme qui n’a plus rien à perdre) !
Extrait # 1 :
« - Will, pourquoi tu ne te reprends pas ? me dit un jour le Dr Beaufort. Tu es plus intelligent que la plupart des étudiants, et pourtant tu restes à la traîne et tu rêvasses au fond de la classe. Tu es plus intelligent que ton père, j’imagine que je n’ai pas besoin de te le dire, mais c’est un homme bon et utile, alors que toi, mon garçon, tu n’es ni bon ni utile… »
# 2 :
« M. Hearst, pour nous les mercenaires qui ne travaillions que pour l’argent, était un employeur généreux, franc, direct et impitoyable, et ceux d’entre nous qui le connaissaient personnellement l’aimaient intimement. Mais des dizaines de blagues circulaient au bureau, dont la favorite concernait un jeune homme, un peu comme moi, qui était venu à New-York, s’était fait embaucher par Hearst, faisait du « bon boulot » et envoyait de gros chèques à sa chère vieille mère. Un jour où elle vint lui rendre visite, il implora ses amis :
- Pour l’amour de Dieu, ne dites pas à ma mère que je travaille pour Hearst… son cœur lâcherait.
- Qu’est-ce qu’elle croit que tu fais ? demanda l’un de ses amis.
- Elle croit, hoqueta le chien savant, que je suis pianiste dans un bordel. »
# 3 :
« Le lendemain alors que nous étions au bord de la fontaine, elle me dit :
- Ecoute. Si tu ʺécrisʺ ce que tu m’as ʺracontéʺ cette nuit, tu auras un chapitre. Si tu arrives à rendre ton écriture aussi cohérente que tu as rendu cohérent ton récit oral hier soir, tu auras un livre qui tient debout.
- Tu étais là. Si mon récit était cohérent, c’est parce que j’ai voulu te faire plaisir, t’enchanter et te savoir heureuse. Être assis seul devant la Remington et essayer d’écrire, c’est comme un chien qui bat les pattes à la fenêtre en espérant qu’une vieille dame inconnue passera et lui lancera un sourire ou un os.
Deborah réfléchit quelques instants avant de poursuivre :
- Je suppose qu’il n’est pas plus naturel pour un homme normal de s’asseoir seul et d’écrire qu’il n’est naturel pour un chien normal de s’asseoir sur son derrière et d’agiter ses pattes avant dans le vide de la solitude. Mais que ce soit naturel ou non puisque c’est le boulot que tu as commencé, que tu as promis de finir et pour lequel tu es payé, je pense que tu ferais mieux de rentrer chez toi tout de suite, de t’asseoir sur tes pattes arrière, de frétiller, de poser tes papattes avant sur le clavier et de frapper les touches, les écrabouiller s’il le faut, jusqu’à ce que tu aies terminé ce chapitre. Et arrête de m’en parler ou d’en parler à d’autres jusqu’à ce que tu l’aies fait. »
15:15 Publié dans C.A.P de lettres | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : seabrook, william seabrook, sans répit, rue fromentin