05/11/2019
« Aujourd’hui j’ai invoqué tout dieu disponible dans la forêt embrumée... »
J’ai oublié où j’ai entendu que les poèmes
sont censés réveiller les dieux endormis ;
de nos jours et à leur manière habituelle,
ils prennent des formes presque méconnaissables ;
l’un est un chien, l’autre un épouvantail
hors d’usage – les corneilles se perchent
sur ses manches fouettées par le vent,
l’un est un charpentier qui ne devient pas Jésus,
un autre une fille montée au ciel
soixante ans trop tôt. Les dieux meurent,
pas toujours de leur plein gré,
tels des chats myopes bondissant
entre deux immeubles de sept étages.
Un dieu a fait sortir des plumes hors de ma peau
pour que je vole, une faveur frisant la terreur.
Mais je ne dresse pas ici une carte des dieux.
S’ils habitent les rivières,
c’est qu’elles sont sans équilibre figé ;
les dieux détestent l’équilibre, car tout
ce qui vit bouge ; les rocs
sont une guerre d’atomes, le pissenlit
perfore le goudron de la route.
Le scarabée tropical de Seltzer grandit à partir
d’une boule larvée dans le bras d’un homme,
pour en sortir adulte, en agitant ses pinces.
Sur le mont Cuchama il y avait tant de dieux
qui passaient là que je me suis terré au creux
d’un rocher, réveillant l’un d’eux par accident.
J’ai fui en serrant les fesses, mort de trouille.
Je pourrais tracer une carte du lieu,
mais on ne les surprend jamais deux fois
au même endroit.
Jim Harrisson, « Une heure de jour en moins » (trad. Brice Matthieussent)
08:46 Publié dans Boussole | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jim harrisson, harrisson, brice matthieussent, une heure de jour en moins, dieux