26/07/2007
LA BELLE PROVINCE ?
"L’Enfer des anges"
de Chantal Pelletier
Chantal Pelletier n’a pas écrit un « polar de plus ». Le lecteur averti sait que chaque nouveau livre de la dame est un rendez-vous avec une écriture magnifique, râpeuse, sensible. D’une grande lisibilité mais sans concession.
Le fil rouge (sanglant) de son histoire nous emmène en Amérique du Nord. Une fille marche sur les traces d’un père qu’elle n’a pas connu, un auteur sans doute assassiné par les Hells Angels. « Papa pas joyeux luron, plus triste sire que Roi-Soleil, ne parlait apparemment pas d’un Québec à sirop d’érable, comédies musicales et chanteurs sympas. Il préférait le fond bien brûlé de la marmite ». Pelletier, elle aussi, préfère le fond brûlé de la marmite, qu’elle ne craint pas de rayer avec un style d’une rare nervosité (Dantec-le-Montréalais rappelle justement que le mot « style » vient de « stylet », synonyme de poignard).
Quand Pelletier explore une réserve dans la banlieue montréalaise, ses mots font mouche. Trois lignes sur les suicides d’enfants chez les Amérindiens, « génocide patient », et tout est dit. « L’industrie du cancer du poumon, héritière des fumigations sacrées, reversait quelques droits de succession aux Indiens. (…) Des miettes de morale dans les plis de l’Histoire. » Portrait magnifique d’une indienne forte, et pas forcément sympathique. La prose de Pelletier, garantie 0% de manichéisme.
« Maudite » histoire que celle de ce pays. Le Québec « existe pour expliquer aux extraterrestres ce qu’est un balancier. Encore ébranlé par une révolution trop récente, il oscille, français-anglais, paysan-moderne, Moyen Âge-nouvel âge, Europe-Amérique, trop froid-trop chaud, très grand-très petit ».
L’héroïne de ce roman, « infomane et nymphomane », ne pourra faire l’impasse sur le puissant voisin , cet « empire américain périssant par le sucre comme les Romains par le plomb ».
Il y a 2 ans, Chantal Pelletier bénéficiait d’une résidence d’auteur à Montréal grâce à l’Arald. Elle était l’auteur idéal pour explorer le Québec, pour nous donner à voir « ses noirceurs et la force de ses femmes ».
F.H
L’Enfer des anges
de Chantal Pelletier
Editions Fayard (Noir)
266p., 17 euros
ISBN 2 213 62445 3
21:05 Publié dans où je lis, polar | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Pelletier, polar, Québec
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