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01/10/2010

LE COW-BOY QUI TIRE LA GUEULE PLUS VITE QUE SON OMBRE

Il était une fois l’une de mes B.D favorites (au milieu de la surproduction de ces dernières années). L’une des plus intelligentes et des plus jouissives.

Il était une fois « Lincoln » (« C’est pas mon vrai nom d’ailleurs, car je l’ai jamais su, on m’a toujours appelé Crâne de bois ! Si j’ai choisi Lincoln c’est parce que celui-là quand ils l’ouvraient, ils devaient tous la fermer autour de lui ! »)

Pour saluer la naissance du héros, « pas de signe merveilleux ou prémonitoire dans le ciel, pas de bagage héréditaire particulièrement encourageant ». Au contraire même, « un jour sans ciel et sans histoire » (d’après la première planche du premier tome) !

Sauf que… ce n’est pas vrai. Etre fils d’une pute, grandir dans un bordel du Far-West, ça vous garantit peut-être un karma de « poor lonesome cow-boy », mais loin des piste fréquentées par Lucky Luke. D’ailleurs, Lincoln n’est pas du genre à troquer sa clope contre un brin d’herbe ! Il « ouaipe » comme le cow-boy de Morris, mais ses (més)aventures sont plutôt celles d’un Unlucky Luke.

Lincoln, rendu à sa liberté malgré lui, apprend très vite à se débrouiller tout en récitant le chapelet d’injures qu’il annone depuis l’enfance. Il se comporte avec une remarquable cohérence tel le fumier nihiliste qu’il est. Un bon client pour la rédemption ? Sa rencontre avec Dieu est décevante à souhait (le cow-boy est dérangé par le vieux barbu alors qu’il pêchait à la dynamite). Pourtant, il s’agit bien du fil rouge qui parcourt les différents albums.

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Page 28 du premier tome, Lincoln est pendu sans autre forme de procès, et on ne peut guère parler d’injustice. Las… Dieu lui a fait un drôle de cadeau empoisonné juste avant. Voilà notre héros immortel. De quoi encaisser plus de coups que la moyenne. De quoi ne pas dire « merci ».

Lincoln vire justicier « par défaut », flanqué de disciples qui plus est, et on ne peut pas dire que cela l’enchante. Cela durera ce que cela durera.

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Les indiens, c’est pour le deuxième tome où il rencontre Wakiza Ohanko (« Guerrier déterminé mais un peu nerveux »).

Les scènes de bagarre qui s’y trouvent sont à la B.D ce que celles du « Seigneur des porcheries » sont à la littérature (O.K, je place la barre haut).

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Manichéenne, cette B.D ? Même pas. L’histoire, à cheval (forcément) sur le XIX et le XXème siècle, enregistre des changements brusques. Les immeubles surgissent dans le troisième tome où notre héros découvre la grAUsse ville (New-York 1900) en compagnie de Satan himself en personne. Sacré tandem (rappel de ce petit mot sympathique de Dieu sur le Diable : « C’est un vieux pote à qui je refile du boulot de temps à autre »). Un album qui donne à voir la version de « Gangs of New-York » qu’aurait pu tourner le Arthur Penn de « Little big man ». Au milieu des rues sordides, le cow-boy le plus teigneux de l’histoire de la B.D trouvera pire que lui, en la personne d’un gamin qui devrait lui rappeler quelqu’un… s’il n’était pas occupé à défourrailler à tout va.

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 Quatrième tome (Jarmush et les Daltons)

Lincoln a pris « sa place » au sein de la société New-Yorkaise, ainsi que pas mal de kilos supplémentaires. Devenu flic (ripoux, cela va sans dire) dans la cité, il commet l’arrangement de trop. Un petit passage par la case « prison » (une condamnation à 200 ans de travaux forcés) permettra à Lincoln de retrouver la ligne dans son pyjama rayé, entre deux cavales façon « O’Brother ». Le danger le plus terrible qui le menace étant celui de finir… canonisé (il faut le lire pour le croire !).

 

Cinquième et sixième tome

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Il est grand temps pour notre héros (non, anti-héros… non, héros… non, anti-héros…) de s’offrir une virée mexicaine. Et qui dit Mexique, dit filature au milieu des cactus, soldats moustachus se faisant botter le train dans leur caserne poussiéreuse, jeux de cache-cache dangereux… L’aventure se poursuit sur deux tomes, pour cause d’amour révolutionnaire sur le feu. Le cynisme de Lincoln en sortira-t-il indemne ?

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Il est rare qu’une B.D emporte mon enthousiasme sur la durée (plusieurs tomes) tant dans le domaine du dessin que dans celui du scénario (et même de la couleur !). Mais là, faisons les comptes : découpage impressionnant de justesse, excellents dialogues (pas trop « malins » non plus… pas de mépris pour les personnages de la part des auteurs), ton remarquablement tenu (humour au rasoir, cruauté partiellement désamorcée, tendresse sans mièvrerie), record de coups de poings essuyés dans la tronche du héros (si Mel Gibson avait de l’humour… il adapterait la B.D au cinoche !).

Quand j’ai découvert « Lincoln », j’ignorais que ses auteurs étaient lyonnais. Quelle n’a pas été ma surprise quand j’ai appris qu’ils travaillaient tous au sein de l’Atelier K.C.S, un atelier qui se trouvait… à quarante mètres de chez moi !

Mon unique déception : Jouvray (le scénariste) est tellement bon que Jouvray (le dessinateur) n’a pas besoin d’un nouvel acolyte au scénario (et j’en fais quoi, moi, de ma super histoire travaillée depuis dix ans censée raconter le pourquoi et le comment d’une invasion extraterrestre déclenchée pile-poil au-dessus du Sacré-Cœur, et ses conséquences avec la conversion en masse des martiens qui finissent par catholiciser le reste de l’univers, le tout en quarante-douze tomes ?! M’en fous, vais la caser chez Marvel).