10/02/2025
Lu par Jérôme Leroy !
"Monsieur Frédérick Houdaer a fait part, avec ce mince volume LE TOUR DE L’HEXAGONE EN 36 POEMES de son désir d'adhérer à l'APA, l'académie des poètes arpenteurs. L'APA est à distinguer de l'APV, l'académie des poètes voyageurs. On peut faire partie des deux, mais pas monsieur Houdaer qui confie, non sans raison "rares sont mes amis/ à avoir voyagé aussi peu que moi."
Je confirme. Pour avoir connu quelques journées dans un hôtel nantais non loin du passage Pommeraye en compagnie de monsieur Houdaer, (dans des chambres séparées, je précise pour la paix des ménages), il a réussi à tout rendre exotique, voire calmement onirique, comme lorsqu'on est victime d'un jet lag, ce qui est tout de même une sensation assez rare en Loire Atlantique, surtout si on vient simplement du Nord ou du Rhône.
Le poète arpenteur est un géomètre. D'ailleurs, monsieur Houdaer parle d'Hexagone comme un technocrate pompidolien. Mais assez étrangement, un technocrate pompidolien qui aurait la sensibilité comique d'un Buster Keaton. J'ai toujours trouvé qu'il y avait du Buster Keaton dans la poésie de Frederick Houdaer, une manière de drôlerie désolée et impassible. Impassible, sauf pour qui sait lire entre les vers de sa poésie narrative.
Hexagone, donc. D'ailleurs, assez logiquement, dans ce recueil sous-titré Manuel de dépaysement rapide et facile, il nomme assez peu les lieux : ville, département, rivage. Exactement le contraire d'un autre membre de l'Académie des poètes arpenteurs, Gérard Cartier dans son récent et prodigieux Voyage Intérieur (Flammarion), où il nomme la France, il la nomme tout le temps, minutieusement, amoureusement en fait et, obligeamment, à la fin de chaque poème, il nous donne même les coordonnées pour qu'on retrouve un collège à Roubaix ou un lac au Bourget.
N'espérez rien ce ce genre chez monsieur Houdaer qui vise à l'archétype. De quelle Méditerranée parle-t-il pour montrer la panique déclenchée par un petit garçon qui fait pipi dans l'eau, face à l'éternité. Où est cette cabine téléphonique, sinon dans le passé, dans laquelle un petit couple se désespère? Quel est ce lycée où des filles s'effraient d'un SDF devant la grille?
Et quand Frédérick Houdaer va se risquer, dans le poème n°7 - notre préféré par son lyrisme dont l'auteur pourtant se méfie comme la peste- sur les chemins toujours émouvants et dangereux de l'enfance, des origines, du passé, et que, sur une impulsion, il part plein nord, il va parler de "Dune-sur-Machin Land" plutôt que de nous nommer ces plages où l'armée française connut quelques week-end compliqués en 1940: "à Dune sur Machin Land/ il s'en est passé de drôles pendant la guerre."
On comprend alors que ce recueil sensible n'est finalement pas celui d'un arpenteur, mais bien plutôt d'un autobiographe pudique. La candidature de monsieur Fréderick Houdaer à l'Académie des poètes arpenteurs est donc refusée. Il s'en remettra. D'ailleurs, à l'heure qu'il est, il doit déjà être sur la route."
04:02 Publié dans a.1) MES LIVRES | Lien permanent | Commentaires (0)
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