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31/12/2019

Un poème "non clivant" pour finir l'année...

" Elevons un monument

dans la cité, à la fin de la longue avenue,

ou bien au centre de la grande place,

un monument

qui s'inscrira dans n'importe quel ensemble,

parce qu'il sera

un peu constructiviste et très réaliste.

Elevons un monument

qui ne gêne personne.

 

Autour du piédestal

nous planterons des fleurs,

et si les pères de la cité le permettent

nous construirons un petit square

où nos enfants

cligneront des yeux

vers l'énorme soleil orange

et prendront le personnage campé au-dessus d'eux

pour un célèbre philosophe,

un musicien,

un général.

 

Autour du piédestal

chaque matin les fleurs

s'ouvriront.

Elevons un monument

qui ne gêne personne.

Les chauffeurs de taxis

admireront sa silhouette majestueuse,

le square sera le centre

des rendez-vous.

Elevons un monument,

nous le longerons en courant

pour partir au travail

et les étrangers en ronde autour de lui

se feront photographier.

Nous l'éclabousserons la nuit sous la lumière

des projecteurs.

 

Elevons un monument au mensonge. "

 

Joseph Brodsky, "Collines et autres poèmes", éd. Seuil (trad. Jean-Jacques Marie)

 

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