31/08/2015
"Venus d'ailleurs" de Paola Pigani
Remarquée comme poète et nouvelliste (son recueil « Concertina » aux éditions du Rocher est lauréat du prix Prométhée), Paola Pigani a publié assez tardivement son premier roman voilà deux ans, chez Liana Lévi. Bien lui en a pris, puisque « N’ENTRE PAS DANS MON ÂME AVEC TES CHAUSSURES » - ce « roman vrai » de l’internement des Manouches en Charente - a remporté un vrai succès public et critique (ainsi que six prix littéraires).
Loin de nous offrir un nouveau récit historique et rural, elle nous revient aujourd’hui avec un roman aussi contemporain qu’urbain. Lyon en est – bien plus qu’un décor ou une toile de fond – l’un des personnages principaux. Une cité qui n’a plus grand-chose de commun avec celle décrite par Béraud dans sa « Gerbe d’or », ni même avec celle dépeinte par Belletto dans ses faux polars torturés du début des années 80.
Paola Pigani est la première auteure à parler du Lyon de ce début du XXIème siècle, à nous offrir la vue en coupe d’une « métropole régionale à prétention européenne » en pleine transformation.
Qui est Mirko, le personnage principal de « Venus d’ailleurs » ? Quelqu’un « avec des mains qui travaillent malgré leurs deux doigts manquant » comme il nous apparaît dans la première scène ? Ses collègues se nomment Kevin, José, Moktar ou Coto (pour « Cotorep »). Tous pointent comme intérimaires sur des chantiers (la ville n’en manque pas).
Mirko vient du Kosovo. Tout comme sa sœur Simona. Il est passé « de file humaine en file humaine » jusqu’à arriver entre Rhône et Saône en ces débuts d’années 2000.
« Le passeur travaillait sous un faux nom, Aldo. Presque élégant, presque sympathique, il leur avait proposé différents forfaits, à payer en lires bien sûr. Aldo maîtrisait parfaitement l’italien et le français et il s’adressait à eux en albanais. C’était un frère, disait-il, engagé dans ce business par compassion et conviction. Il parlait trop, sa pomme d’Adam palpitait sans cesse. Simona regardait le cuir de ses chaussures briller comme un mensonge. »
Mirko marche dans Lyon. « Place Bellecour, le roi est seul. Cette image le fait sourire ». Mirko mâche Lyon à chaque foulée. Morceau par morceau. Particulièrement dans « ces zones où les murs écaillés cachent mille messages codés ». Des messages, il en tagguera à son tour.
Quant à sa sœur Simona… Elle « garde les mots en bouche » pour mieux faire sienne la langue française, même quand ces mots sont « niveau de vie moyen, traitement préventif, signe ostentatoire religieux ».
« Elle roule sa voix sur cette nouvelle langue. Elle l’aime. Elle la crache. Elle la chante avec toute la hargne qui l’habite. C’est une histoire tendre et nerveuse qui lui coûte du temps. Simona s’en fiche. »
Des locaux de l’Alliance Française à un bazar discount du quartier de la Guillotière, de la Friperie Mistigriff (où des clientes en viennent aux mains en se traitant mutuellement « d’arabe » ou de « fille de l’est ») au chantier du futur hôpital Mermoz, d’une épicerie Dia à la friche RVI (« au cœur d’un quartier bâtard, sans âme, fendu par l’avenue Lacassagne où s’engouffre toujours un vent sournois »), l’auteure suit ses personnages tout le long d’un véritable jeu de l’oie, sans jamais perdre son lecteur. Jusqu’aux lisières de la ville où « la solitude est presque facile ».
Dans « Venus d’ailleurs », on franchit à l’aube l’enceinte de l’hôpital Edouard-Herriot dont les bâtiments « rappellent ceux de l’Albanie d’Enver Hodja », on récupère du cuivre à la Rize, on picore des sachets de pistaches, on réécrit une lettre de candidature au Monoprix de la rue de la République, on taggue le mur de la prison de Montluc, on perfectionne son français en mémorisant les chansons diffusées par Chérie FM…
Le monde lyonnais que décrit P.Pigani est… le monde. Le monde tout entier déversé entre Saône et Rhône. L’auteure le dépeint, sans angélisme mais avec bienveillance. Pigani aime ses personnages, ce qui ne signifie pas qu’elle les épargne, bien au contraire… Pourtant, on ne relèvera pas chez elle de goût particulier pour le drame – voire de fascination pour la violence - comme c’est le cas de Jacques Audiard dans son dernier film où il est également question du parcours complexe d’un réfugié. Paola Pigani n’a nul besoin de faire couler le sang de ses personnages pour les faire exister.
« VENUS D’AILLEURS » de Paola Pigani
180p., 17€
Editions Liana Levi
Site de l'auteure : http://paolapigani.hautetfort.com/
Précision : dans cet article, seuls les passages entre guillemets ET en italiques sont extraits du livre de P.Pigani
00:27 Publié dans où je lis | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : venus d'ailleurs, paola pigani, pigani, éditions liana lévi
22/08/2013
Rentrée littéraire
Un premier roman signé Paola Pigani (lauréate du prix Prométhée de la Nouvelle il y a quelques années), publié aux Editions Liana Lévi.
Quatrième de couv' :
Autour du feu, les hommes du clan ont le regard sombre en ce printemps 1940. Un décret interdit la libre circulation des nomades et les roulottes sont à l’arrêt. En temps de guerre, les Manouches sont considérés comme dangereux. D’ailleurs, la Kommandantur d’Angoulême va bientôt exiger que tous ceux de Charente soient rassemblés dans le camp des Alliers. Alba y entre avec les siens dans l’insouciance de l’enfance. À quatorze ans, elle est loin d’imaginer qu’elle passera là six longues années, rythmées par l’appel du matin, la soupe bleue à force d’être claire, le retour des hommes après leur journée de travail… C’est dans ce temps suspendu, loin des forêts et des chevaux, qu’elle deviendra femme au milieu de la folie des hommes.
N’entre pas dans mon âme avec tes chaussures, dit le proverbe: on n’entre pas impunément chez les Tsiganes, ni dans leur présent ni dans leur mémoire… Mais c’est d’un pas léger que Paola Pigani y pénètre. Et d’une voix libre et juste, elle fait revivre leur parole, leur douleur et leur fierté.
« Voici enfin le grand roman de ceux qui comme tant d’autres à cette époque souffrirent de l’exclusion, persécutés, affamés, mais qui toujours gardèrent la tête haute. Fiers d’être Gitans ! Magnifique ! »
Le Cadran lunaire, Mâcon
« Une belle réussite, touchant cette part sauvage et ivre de liberté qui veille en chacun de nous. »
« Un regard unique et passionnant sur la communauté manouche perdue dans la tourmente de l’Histoire, porté par l’écriture sobre et délicate de Paola Pigani. »
09:16 Publié dans où je lis | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : pigani, paola pigani, éditions liana lévi